Sigles et abréviations
CAD : Club des amis du droit du Congo
CDI : Commission de droit international
CEDH : Cour européenne des droits de l'homme
CIJ : Cour internationale de justice
CPI : Cour pénale internationale
DIP : Droit international public
éd. : Edition
LGDJ : Librairie générale de droit et de
jurisprudence
O.I. : Organisation internationale
ONU : Organisation des Nations Unies
Op.cit. : Opus citatum
p. : Page
Par. : Paragraphe
RDC : République démocratique du Congo
SD : Sans date
TPIR : Tribunal pénal international pour le Rwanda
TPIY : Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie
UA : Union africaine
UCL : Université catholique de Louvain
UNIGOM : Université de Goma
UNIKIN : Université de Kinshasa
Vol. : Volume
1
INTRODUCTION
I. Contexte et problématique
« Aucun Etat n'a jamais pu vivre en complète
autarcie (...) ; des relations (...) ont toujours été
liées entre les sociétés humaines »2.
D'ailleurs, « après l'apparition du phénomène
étatique, la pratique révèle que le critère le plus
sûr de la souveraineté d'un Etat est le fait qu'il entretient
effectivement des relations diplomatiques (...) avec d'autres Etats souverains
»3.
Ainsi, l'Etat « envoie ou reçoit des ambassades
»4, le jus gentium5, « le droit
international classique, (lui) reconnaiss(ant) «le droit de
légation» qui comporte deux aspects »6. La
légation active est le droit « d'envoyer des représentants
diplomatiques auprès d'autres Etats étrangers »7,
la mission diplomatique étant, avant tout, une mission de «
représenter l'Etat accréditant auprès de l'Etat
accréditaire »8. Et, par contre, c'est par la
légation passive qu'un « Etat (...) reçoit les
représentants accrédités auprès de
lui»9.
Les agents diplomatiques représentants de l'Etat
accréditant, logiquement, méritent le respect dû à
l'Etat qui les mandate comme «le droit des gens a voulu que les Princes
s'envoyassent des Ambassadeurs ; et la raison tirée de la nature des
choses n'a pas permis que ces ambassadeurs dépendissent du souverain
chez qui ils sont envoyés, ni de ses tribunaux »10 .
C'est dans cette perspective que, depuis la Convention de Vienne de 1961
relative aux relations diplomatiques, « la mission diplomatique et l'agent
diplomatique »11 bénéficient « des
privilèges, facilités et des immunités »12
dans l'Etat accréditaire durant le mandat de la fonction diplomatique
« en vue de garantir l'indépendance de l'exercice des fonctions
à ceux qui en sont bénéficiaires »13.
Ainsi, de « la rencontre de la volonté des Etats
»14, gardant à l'esprit « l'égalité
et les avantages mutuels »15 entre Etats, il a
été institué l'immunité pour l'agent
2 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
Droit international public, 7e éd., Paris, LGDJ,
2002, p.731
3 Idem, p.739
4 Montesquieu, De l'esprit des
lois, Paris, Librairie Larousse, 1969, p.8
5 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p.36
6 Idem, p.740
7 Ibidem
8 Article 3 §1 a)
Convention de vienne du 18 avril 1961 relative aux relations
diplomatiques
9 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p.740
10 Gérard BALANDA MIKUIN,
Le droit des organisations internationales, Kinshasa, CEDI, 2006,
p.78
11 Idem, p.68
12 Idem, p.67
13 Ibidem
14 KADONY NGUWAY, Droit
international public, Lubumbashi, Editions d'Essai, 2009, p.36
2
diplomatique ; une immunité partielle en matière
civile, alors qu'au pénal, « cette immunité est absolue
»16 peu importe que « l'agent (diplomatique) soit ou non
dans l'exercice de ses fonctions »17. On dirait tout net que
« la personne de l'agent diplomatique est inviolable. (Et qu') il ne peut
être soumis à aucune forme d'arrestation ou de détention
»18 puisqu'il « jouit de l'immunité de juridiction
pénale de l'Etat accréditaire »19quelle que soit
l'infraction dont il est présumé auteur.
Ici, on s'aperçoit que c'est en raison de la fonction
ou la qualité de diplomate, ou mieux du statut d'organe public de l'Etat
accréditant que l'agent diplomatique bénéficie d'un statut
privilégié20 devant les institutions de l'Etat
accréditaire vu que « ces immunités trouvent exclusivement
leur fondement dans la volonté de permettre à la mission
d'exercer le plus efficacement possible ses fonctions»21. En
fait, « les immunités consistent au fait de ne pas assujettir ceux
qui en sont les bénéficiaires à la souveraineté de
l'Etat territorial. Il s'agit particulièrement de l'inviolabilité
et de l'immunité de juridiction »22.
Contrairement à cette sacralisation de la
qualité officielle du diplomate, le Statut de Rome de la Cour
pénale internationale, avec d'autres textes juridiques, défient
toute « pertinence de la qualité officielle »23 en
plaçant tout intérêt en la répression des crimes
internationaux de la compétence de la Cour pénale internationale,
comme il a été reconnu « que les crimes d'une telle
gravité menacent la paix, la sécurité et le
bien-être du monde, (et qu'étant) les crimes les plus graves qui
touchent l'ensemble de la communauté internationale, ne sauraient rester
impunis »24.
Et à voir que les Etats furent déterminés
« à mettre un terme à l'impunité des auteurs de ces
crimes »25, leur répression a été
organisée de manière à être « assurée
par les mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la
coopération internationale »26. Ce qui fait entendre
« qu'un individu accusé d'être l'auteur d'un crime
15 LABANA LASAY' ABAR, Les relations
internationales, Lubumbashi, Africa, 2005, p.30
16 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit.,
p.752
17 Ibidem
18 Article 29, Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
19 Article 31, Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
20 J. VERHOEVEN, Droit international public,
2e partie, Bruxelles, UCL, (SD), p.52
21 Ibidem
22 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit.,
p.70
23 Article 27, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
24 Préambule §3 et §4, Statut de Rome
de la Cour pénale internationale
25 Préambule §5, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
26 Préambule §4, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
3
international est nécessairement soumis, non seulement
au droit international, mais aussi au droit interne d'un Etat, voire de
plusieurs Etats »27. Cela renvoie à la théorie de
« la compétence universelle »28 car l'auteur du
crime international peut être soumis « à la répression
dans son propre pays, ou dans n'importe quel autre pays...
»29même si le crime n'a pas été commis sur
son territoire ni dont les nationaux n'ont pas été victimes,
pourvu qu'il s'agisse des crimes contre l'humanité, des crimes de
guerre, du génocide ou du crime d'agression30. C'est pareil
pour plusieurs traités conclus en matière de répression
des infractions internationales. En guise d'illustration, l'article 12 du
Statut de Rome de la cour pénale internationale dispose qu'est
compétent « l'État sur le territoire duquel le comportement
en cause a eu lieu ou, si le crime a été commis à bord
d'un navire ou d'un aéronef, l'État du pavillon ou l'État
d'immatriculation »31.
Cependant, il convient, non par simple modération, de
garder certaines hésitations lorsqu'il s'agit d'un agent diplomatique
entant qu'accusé d'avoir commis ou participé à la
commission des crimes internationaux graves, devant les juridictions de l'Etat
accréditaire puisqu'il y « jouit de l'immunité de la
juridiction pénale »32, ou devant celles de tout autre
Etat dont « l'agent diplomatique traverse le territoire ou se trouve sur
(son) territoire (...), qui lui a accordé un visa de passeport au cas
où ce visa est requis pour aller assumer ses fonctions ou rejoindre son
poste, ou pour son passage ou son retour »33 puisqu'il a été
convenu que, en cas de sa présence sur le territoire d'un Etat où
l'agent diplomatique n'est pas accrédité, pour les raisons
ci-haut énoncées, « l'Etat tiers lui accordera
l'inviolabilité et toutes autres immunités nécessaires
pour permettre son passage ou son retour »34. De cela, qu'on
vienne à réaliser que la compétence universelle des Etats
en matière de droit international pénal ou de la
répression, au niveau national, « des infractions contre la paix et
la sécurité de l'humanité »35 court de
géants risques à se voir inopérante.
Par là-même, la poursuite d'un agent
diplomatique, au niveau international, pour des crimes graves, pourrait se voir
freinée puisque, « la personne de l'agent
27 E. ASCENSIO HERVE et Alain PELLET,
Droit international pénal, Paris, Pédone, 2000, p.246
28 Idem, p.627
29 Idem, p.246
30 Article 5 §1, Statut de Rome
de la cour pénale internationale
31 Article 12 §2 a), Statut de
Rome de la cour pénale internationale
32 Article 31 §1, Convention de
Vienne sur les relations diplomatiques du 1961
33 Article 40 §1, Convention de
Vienne sur les relations diplomatiques du 1961
34 Ibidem
35 E. ASCENSIO HERVE et Alain PELLET,
op.cit., p.240
4
diplomatique (étant) inviolable, (et ne pouvant)
être soumise à aucune forme d'arrestation ou de détention
»36 par l'Etat accréditaire, ce dernier ne saurait
coopérer avec la CPI pour le lui « déférer
»37. Dans la même logique, l'Etat accréditaire a
le devoir de prendre « toutes mesures appropriées pour
empêcher toute atteinte à la personne » 38du
diplomate ; pour ainsi dire que l'Etat accréditaire est obligé
d'empêcher toute force interne ou étrangère39de
violer l'inviolabilité du diplomate comme il est dit que
l'immunité de juridiction pénale est absolue40 quelle
que soit l'infraction, serait-ce un crime international grave.
Tel est le point de mire pour le présent travail qui
s'annonce être un sillage entre la Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961 et le Statut de Rome de la cour pénale
internationale, ou mieux entre les thèses légales,
jurisprudentielles, coutumières et doctrinales opposées sur la
question de l'immunité diplomatique et de la répression des
crimes graves. Mais que dirions-nous donc enfin ? L'immunité de
juridiction pénale du diplomate défie-t-elle la compétence
universelle des Etats en matière de répression des crimes graves
? Ou mieux, affirmerions-nous que la Convention de Vienne vide, ou suspend tout
simplement, le sens du principe de la
complémentarité41de la CPI en cas des crimes graves
commis par un agent diplomatique puisque la justice de l'Etat
accréditaire ne pouvant connaitre de son cas ? Que pourrions retenir, en
définitive, du principe du défaut de pertinence de la
qualité officielle pour un diplomate devant les juridictions
internationales? Par là-même, poussant plus loin, nous
interrogerions-nous, par ricochet, sur le comportement des juridictions
internationales et nationales, autres que celles de l'Etat accréditaire,
dans la répression d'un diplomate accusé des crimes
internationaux. Plus encore, nous demanderions-nous : que reste-t-il de la
nécessité de réprimer les crimes graves si, pour un
diplomate, l'immunité est consacrée par un traité, la
Convention de Vienne ci-haut citée ? Que dirions-nous aussi du sort des
victimes des crimes commis par un agent diplomatique ?
Face à ce questionnement, il convient d'émettre
quelques hypothèses.
36 Article 29 Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques de 1961
37 Article 13 a) Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
38 Article 22 §2, Convention de
Vienne sur les relations diplomatiques de 1961
39 CIJ, arrêt du 24 mai
1980, affaire relative au personnel et consulaire des Etats-Unis
d'Amérique à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique
c. Iran), par. 61
40 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p.752
41 Préambule §10, Statut
de Rome de la cour pénale internationale
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