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L'immunité de juridiction pénale étrangère 'un agent diplomatique en cas de commission des crimes internationaux graves.

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par Fabrice MASHAURI
Université de Goma - Licence 2014
  

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Sigles et abréviations

CAD : Club des amis du droit du Congo

CDI : Commission de droit international

CEDH : Cour européenne des droits de l'homme

CIJ : Cour internationale de justice

CPI : Cour pénale internationale

DIP : Droit international public

éd. : Edition

LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

O.I. : Organisation internationale

ONU : Organisation des Nations Unies

Op.cit. : Opus citatum

p. : Page

Par. : Paragraphe

RDC : République démocratique du Congo

SD : Sans date

TPIR : Tribunal pénal international pour le Rwanda

TPIY : Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

UA : Union africaine

UCL : Université catholique de Louvain

UNIGOM : Université de Goma

UNIKIN : Université de Kinshasa

Vol. : Volume

1

INTRODUCTION

I. Contexte et problématique

« Aucun Etat n'a jamais pu vivre en complète autarcie (...) ; des relations (...) ont toujours été liées entre les sociétés humaines »2. D'ailleurs, « après l'apparition du phénomène étatique, la pratique révèle que le critère le plus sûr de la souveraineté d'un Etat est le fait qu'il entretient effectivement des relations diplomatiques (...) avec d'autres Etats souverains »3.

Ainsi, l'Etat « envoie ou reçoit des ambassades »4, le jus gentium5, « le droit international classique, (lui) reconnaiss(ant) «le droit de légation» qui comporte deux aspects »6. La légation active est le droit « d'envoyer des représentants diplomatiques auprès d'autres Etats étrangers »7, la mission diplomatique étant, avant tout, une mission de « représenter l'Etat accréditant auprès de l'Etat accréditaire »8. Et, par contre, c'est par la légation passive qu'un « Etat (...) reçoit les représentants accrédités auprès de lui»9.

Les agents diplomatiques représentants de l'Etat accréditant, logiquement, méritent le respect dû à l'Etat qui les mandate comme «le droit des gens a voulu que les Princes s'envoyassent des Ambassadeurs ; et la raison tirée de la nature des choses n'a pas permis que ces ambassadeurs dépendissent du souverain chez qui ils sont envoyés, ni de ses tribunaux »10 . C'est dans cette perspective que, depuis la Convention de Vienne de 1961 relative aux relations diplomatiques, « la mission diplomatique et l'agent diplomatique »11 bénéficient « des privilèges, facilités et des immunités »12 dans l'Etat accréditaire durant le mandat de la fonction diplomatique « en vue de garantir l'indépendance de l'exercice des fonctions à ceux qui en sont bénéficiaires »13.

Ainsi, de « la rencontre de la volonté des Etats »14, gardant à l'esprit « l'égalité et les avantages mutuels »15 entre Etats, il a été institué l'immunité pour l'agent

2 Patrick DALLIER et Alain PELLET, Droit international public, 7e éd., Paris, LGDJ, 2002, p.731

3 Idem, p.739

4 Montesquieu, De l'esprit des lois, Paris, Librairie Larousse, 1969, p.8

5 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit., p.36

6 Idem, p.740

7 Ibidem

8 Article 3 §1 a) Convention de vienne du 18 avril 1961 relative aux relations diplomatiques

9 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit., p.740

10 Gérard BALANDA MIKUIN, Le droit des organisations internationales, Kinshasa, CEDI, 2006, p.78

11 Idem, p.68

12 Idem, p.67

13 Ibidem

14 KADONY NGUWAY, Droit international public, Lubumbashi, Editions d'Essai, 2009, p.36

2

diplomatique ; une immunité partielle en matière civile, alors qu'au pénal, « cette immunité est absolue »16 peu importe que « l'agent (diplomatique) soit ou non dans l'exercice de ses fonctions »17. On dirait tout net que « la personne de l'agent diplomatique est inviolable. (Et qu') il ne peut être soumis à aucune forme d'arrestation ou de détention »18 puisqu'il « jouit de l'immunité de juridiction pénale de l'Etat accréditaire »19quelle que soit l'infraction dont il est présumé auteur.

Ici, on s'aperçoit que c'est en raison de la fonction ou la qualité de diplomate, ou mieux du statut d'organe public de l'Etat accréditant que l'agent diplomatique bénéficie d'un statut privilégié20 devant les institutions de l'Etat accréditaire vu que « ces immunités trouvent exclusivement leur fondement dans la volonté de permettre à la mission d'exercer le plus efficacement possible ses fonctions»21. En fait, « les immunités consistent au fait de ne pas assujettir ceux qui en sont les bénéficiaires à la souveraineté de l'Etat territorial. Il s'agit particulièrement de l'inviolabilité et de l'immunité de juridiction »22.

Contrairement à cette sacralisation de la qualité officielle du diplomate, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, avec d'autres textes juridiques, défient toute « pertinence de la qualité officielle »23 en plaçant tout intérêt en la répression des crimes internationaux de la compétence de la Cour pénale internationale, comme il a été reconnu « que les crimes d'une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde, (et qu'étant) les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale, ne sauraient rester impunis »24.

Et à voir que les Etats furent déterminés « à mettre un terme à l'impunité des auteurs de ces crimes »25, leur répression a été organisée de manière à être « assurée par les mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale »26. Ce qui fait entendre « qu'un individu accusé d'être l'auteur d'un crime

15 LABANA LASAY' ABAR, Les relations internationales, Lubumbashi, Africa, 2005, p.30

16 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit., p.752

17 Ibidem

18 Article 29, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

19 Article 31, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

20 J. VERHOEVEN, Droit international public, 2e partie, Bruxelles, UCL, (SD), p.52

21 Ibidem

22 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit., p.70

23 Article 27, Statut de Rome de la Cour pénale internationale

24 Préambule §3 et §4, Statut de Rome de la Cour pénale internationale

25 Préambule §5, Statut de Rome de la Cour pénale internationale

26 Préambule §4, Statut de Rome de la Cour pénale internationale

3

international est nécessairement soumis, non seulement au droit international, mais aussi au droit interne d'un Etat, voire de plusieurs Etats »27. Cela renvoie à la théorie de « la compétence universelle »28 car l'auteur du crime international peut être soumis « à la répression dans son propre pays, ou dans n'importe quel autre pays... »29même si le crime n'a pas été commis sur son territoire ni dont les nationaux n'ont pas été victimes, pourvu qu'il s'agisse des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre, du génocide ou du crime d'agression30. C'est pareil pour plusieurs traités conclus en matière de répression des infractions internationales. En guise d'illustration, l'article 12 du Statut de Rome de la cour pénale internationale dispose qu'est compétent « l'État sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu ou, si le crime a été commis à bord d'un navire ou d'un aéronef, l'État du pavillon ou l'État d'immatriculation »31.

Cependant, il convient, non par simple modération, de garder certaines hésitations lorsqu'il s'agit d'un agent diplomatique entant qu'accusé d'avoir commis ou participé à la commission des crimes internationaux graves, devant les juridictions de l'Etat accréditaire puisqu'il y « jouit de l'immunité de la juridiction pénale »32, ou devant celles de tout autre Etat dont « l'agent diplomatique traverse le territoire ou se trouve sur (son) territoire (...), qui lui a accordé un visa de passeport au cas où ce visa est requis pour aller assumer ses fonctions ou rejoindre son poste, ou pour son passage ou son retour »33 puisqu'il a été convenu que, en cas de sa présence sur le territoire d'un Etat où l'agent diplomatique n'est pas accrédité, pour les raisons ci-haut énoncées, « l'Etat tiers lui accordera l'inviolabilité et toutes autres immunités nécessaires pour permettre son passage ou son retour »34. De cela, qu'on vienne à réaliser que la compétence universelle des Etats en matière de droit international pénal ou de la répression, au niveau national, « des infractions contre la paix et la sécurité de l'humanité »35 court de géants risques à se voir inopérante.

Par là-même, la poursuite d'un agent diplomatique, au niveau international, pour des crimes graves, pourrait se voir freinée puisque, « la personne de l'agent

27 E. ASCENSIO HERVE et Alain PELLET, Droit international pénal, Paris, Pédone, 2000, p.246

28 Idem, p.627

29 Idem, p.246

30 Article 5 §1, Statut de Rome de la cour pénale internationale

31 Article 12 §2 a), Statut de Rome de la cour pénale internationale

32 Article 31 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 1961

33 Article 40 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 1961

34 Ibidem

35 E. ASCENSIO HERVE et Alain PELLET, op.cit., p.240

4

diplomatique (étant) inviolable, (et ne pouvant) être soumise à aucune forme d'arrestation ou de détention »36 par l'Etat accréditaire, ce dernier ne saurait coopérer avec la CPI pour le lui « déférer »37. Dans la même logique, l'Etat accréditaire a le devoir de prendre « toutes mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à la personne » 38du diplomate ; pour ainsi dire que l'Etat accréditaire est obligé d'empêcher toute force interne ou étrangère39de violer l'inviolabilité du diplomate comme il est dit que l'immunité de juridiction pénale est absolue40 quelle que soit l'infraction, serait-ce un crime international grave.

Tel est le point de mire pour le présent travail qui s'annonce être un sillage entre la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et le Statut de Rome de la cour pénale internationale, ou mieux entre les thèses légales, jurisprudentielles, coutumières et doctrinales opposées sur la question de l'immunité diplomatique et de la répression des crimes graves. Mais que dirions-nous donc enfin ? L'immunité de juridiction pénale du diplomate défie-t-elle la compétence universelle des Etats en matière de répression des crimes graves ? Ou mieux, affirmerions-nous que la Convention de Vienne vide, ou suspend tout simplement, le sens du principe de la complémentarité41de la CPI en cas des crimes graves commis par un agent diplomatique puisque la justice de l'Etat accréditaire ne pouvant connaitre de son cas ? Que pourrions retenir, en définitive, du principe du défaut de pertinence de la qualité officielle pour un diplomate devant les juridictions internationales? Par là-même, poussant plus loin, nous interrogerions-nous, par ricochet, sur le comportement des juridictions internationales et nationales, autres que celles de l'Etat accréditaire, dans la répression d'un diplomate accusé des crimes internationaux. Plus encore, nous demanderions-nous : que reste-t-il de la nécessité de réprimer les crimes graves si, pour un diplomate, l'immunité est consacrée par un traité, la Convention de Vienne ci-haut citée ? Que dirions-nous aussi du sort des victimes des crimes commis par un agent diplomatique ?

Face à ce questionnement, il convient d'émettre quelques hypothèses.

36 Article 29 Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

37 Article 13 a) Statut de Rome de la Cour pénale internationale

38 Article 22 §2, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

39 CIJ, arrêt du 24 mai 1980, affaire relative au personnel et consulaire des Etats-Unis d'Amérique à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran), par. 61

40 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit., p.752

41 Préambule §10, Statut de Rome de la cour pénale internationale

5

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld