CONCLUSION
Le présent travail trouve le fondement de sa
construction dans l'opposition de certaines jurisprudences,
législations, opinions doctrinales... sur la question des
immunités dont bénéficierait une catégorie de
personnes devant la justice. La présente étude s'est
limitée au seul statut spécial de l'agent diplomatique qui lui
fait jouir de l'immunité de juridiction pénale
étrangère471.
Le problème se pose plus clairement lorsque cette
immunité d'un agent diplomatique vient à être à
apprécier en cas des infractions internationales, ou mieux des «
crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté
internationale»472 , et dont la « la répression
doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le
cadre national et par le renforcement de la coopération internationale
»473, et la complémentarité474 de la
cour pénale internationale par rapport aux juridictions nationales.
Aussi bien des traités475 que des
jurisprudences476 s'inscrivent dans la lutte pour la poursuite des
auteurs des crimes internationaux par les Etats en dépit de toute
immunité qui suspendrait ou bloquerait la procédure judiciaire
contrairement à la thèse légale, jurisprudentielle et
doctrinale voire coutumière qui prône que sont totales ou absolues
l'immunité de juridiction pénale et l'inviolabilité
à l'étranger d'un bénéficiaire du régime des
immunités diplomatiques contre tout acte d'autorité de la part
d'un autre Etat qui ferait obstacle à l'exercice de ses
fonctions477.
Dans ce contexte, est entreprise cette étude sur
l'immunité de juridiction pénale étrangère d'un
agent diplomatique en cas de commission des crimes internationaux graves.
Ainsi intitulé, le présent travail nous place entre
immunité diplomatique et répression des crimes internationaux
graves à telle enseigne qu'on voudrait confronter les deux notions ou
réfléchir sur leur relation. Ce qui explique qu'on voudrait
savoir laquelle
471 Articles 29 et 31 §1, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
472 Article 5 §1, Statut de Rome de la cour pénale
internationale
473 Préambule §4, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
474 Préambule §10, article 1er, Statut de
Rome de la cour pénale internationale
475 Articles 49, 50, 129 et 146, respectivement, des
première, deuxième, troisième et quatrième
conventions de Genève de 1949 ; article 7, Convention pour la
répression de la capture illicite d'aéronefs de 1970 ; article 7,
Convention de Montréal de 1971 sur la répression des actes
illicites commis contre l'aviation civile ; articles 5, 6 et 7, convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants de 1984
476 CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire des
immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ;
Grèce (intervenant)), par. 27 et 30
477 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du
Mandant d'arrêt (RDC c. Belgique), par.54 ; article 31 §1,
convention de Vienne de 1961 ; CIJ, arrêt du 4 juin 2008, affaire
relative à certaines questions concernant l'entraide judiciaire en
matière pénale (Djibouti c. France), par. 1
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primerait entre l'immunité et la répression d'un
agent diplomatique. Aussi, quelle serait la portée du principe de la
compétence universelle en cas d'accusation d'un diplomate ? Ou, la
nécessité de réprimer les auteurs des crimes graves
l'emporterait-elle sur l'immunité diplomatique en cas des crimes graves
? Ou encore, le principe du défaut de pertinence de la qualité
officielle se heurterait à certaines limites ?
C'est notamment au regard de cette problématique que ce
travail vise à établir d'abord le droit positif sur
l'immunité diplomatique et sur la répression des crimes graves,
puis à confronter les oppositions rencontrées afin de savoir le
droit applicable en cas de commission des crimes graves par un diplomate, et
cela, avec les deux approches utilisées pour la construction de cet
édifice scientifique : la dogmatique juridique478 et la
dialectique479.
Dans cette visée, ce travail est parti de la
confrontation du droit diplomatique et du droit international pénal dans
le premier chapitre, pendant que le second chapitre met l'immunité
diplomatique en face de la répression des crimes internationaux graves.
Cette charpente a permis que soient confrontés ou mis en relation les
théories et principes qui entourent les deux matières qui
organisent séparément ou conjointement la répression des
crimes graves et l'immunité de juridiction pénale d'un agent
diplomatique.
Ainsi, dans le premier chapitre de ce travail, l'étude
a été menée sur la qualité de l'agent diplomatique
mise en relation avec le principe du défaut de pertinence de la
qualité officielle, et sur les théories justificatives des
immunités diplomatiques mises en face des certains principes leur
opposés du droit international. Dans le second chapitre, le principe de
la compétence universelle a été confronté à
celui de par in parem non habet juridictionem ; et enfin, la
nécessité de réprimer les crimes graves mise en face des
intérêts nationaux et ceux des relations internationales.
C'est par cette charpente que, de ce qui est de
l'immunité et de la poursuite d'un agent diplomatique, si l'on peut oser
résumer en un mot nos résultats à la fin de ce travail, on
retiendrait tout simplement que « les immunités dont jouissent,
conformément au droit international, les dirigeants politiques d'un Etat
(et ses représentants auprès d'autres Etats) constituent un
obstacle procédural aux poursuites qui pourraient être
478 Olivier CORTEN, op.cit., p. 23 ; Michel FOUCAULT,
op.cit., p. 20
479 Charles CHAUMONT, op.cit., p. 1 ; Jean-Paul SEGIHOBE
BIGIRA, op.cit., p. 46 ; H. Torrione, op.cit., p. 16
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intentées contre eux devant des juridictions internes
»480 étrangères, pendant qu' « il est
possible d'engager contre des bénéficiaires de l'immunité
des poursuites devant les juridictions internationales compétentes
»481 comme la cour pénale internationale, les tribunaux
pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le
Rwanda482, ou devant leurs juridictions nationales.
Bref, sans ne pas reprendre les opinions
développées en faveur de l'immunité
étrangère de l'agent diplomatique et celles en appui à la
répression des crimes internationaux graves, et s'il faut trouver une
troisième voie dialectiquement construite entre les deux tendances, il
convient de réaliser que l'immunité et la poursuite d'un agent
diplomatique vont ensemble quoiqu'elles se repoussent mutuellement. Et donc,
à la place de prôner seulement que l'immunité diplomatique
est absolue, ou de prêcher seulement le souhait de voir les crimes
internationaux graves être punis, nous retenons que bien que l'agent
diplomatique est couvert d'immunités étrangères, il ne
reste pas bénéficiaire de l'impunité483 car
voici que « le fait qu'une immunité fasse obstacle à
l'exercice de poursuites devant un juge déterminé, ou durant une
période déterminée, n'empêche pas que les
mêmes poursuites pourront être exercées, le cas
échéant, devant un autre juge non lié par
l'immunité, ou à un moment où il n'y aura plus lieu de
tenir compte d'une telle immunité »484.
Tel est le squelette de la substance de cette entreprise
scientifique qui s'arrête ici puisqu'achevée mais loin de
prétendre être parfaite, ni complète à la
manière d'une encyclopédie, ni prétendre avoir construit
une panacée à résoudre toutes les oppositions
légales, jurisprudentielles et doctrinales sur les questions sous
analyse dans ce travail sur la répression des crimes graves et
l'immunité de juridiction pénale d'un diplomate.
480 KAMBALE MAHUKA Pigeon, L'exploitation
illicite des ressources naturelles d'un Etat étranger en cas de conflit
armé. Etude sur la responsabilité des Etats et de leurs
dirigeants, Thèse de doctorat, Université catholique de
Louvain, 2014, p. 406
481 Ibidem
482 CIJ, arrêt du 14 février 2002,
affaire du Mandant d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 58
483 Idem, par. 60
484 Idem, par. 48
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