c. Renonciation à l'immunité
Devant les juridictions étrangères où les
immunités diplomatiques sont opposables, celles-ci peuvent ne pas jouer
si l'Etat accréditant y renonce. Ainsi, les agents diplomatiques «
ne bénéficient plus de l'immunité de juridiction à
l'étranger si l'Etat qu'ils représentent ou ont
représenté décide de lever cette immunité
»442. Sur la même voie, la convention de Vienne de 1961
prévoit que « l'État accréditant peut renoncer
à l'immunité de juridiction des agents diplomatiques
»443. Cela confirme encore que les immunités
diplomatiques appartiennent aux Etats, et plus encore, si l'on vient à
en comprendre que le pouvoir de renonciation revient exclusivement aux
Etats444, cela entraine que « toute
renonciation personnelle de l'agent (...) est (...) interdite
(et) inopposable à l'Etat accréditant que l'immunité
est censée protéger »445 car « il
n'appartient pas au diplomate (...) de renoncer aux immunités dont il
n'est le titulaire ultime »446. En effet, « les
attributions du statut spécial sont accordées non aux individus
mais à l'Etat »447 ; ce qui explique que seul l'Etat ait
le pouvoir d'un renoncer via le ministère des affaires
étrangères448, ou via une autre autorité selon
que le prévoirait le droit interne.
A propos du régime des immunités, le droit
international a voulu qu'il s'agisse d'une « renonciation expresse du
gouvernement de la personne dont il s'agit »449. Toutefois, on
ne pourra pas hâtivement dire qu'il s'agit d'une renonciation expresse
lorsque, « si un agent diplomatique (...) engage une procédure, il
n'est plus recevable à
440 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat
d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
441 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat
d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
442 Ibidem
443 Article 32 §1, Convention de Vienne de 1961 ; LORNA
McGregor, op.cit., p. 49
444 G. BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 80
445 J. VERHOEVEN, op.cit., p. 56
446 G. BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 76
447 Idem, p. 80
448 Ibidem
449 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 154 ; article 32
§2, Convention de Vienne de 1961 ; J. VERHOEVEN, op.cit., p.
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invoquer l'immunité de juridiction à
l'égard de toute demande reconventionnelle directement liée
à la demande principale » 450. Dans ce contexte, on peut
bien dire être en présence d'une renonciation implicite. Mais
même si l'Etat accréditaire ne renonce pas, expressément ou
tacitement, aux immunités, « l'État accréditaire peut
(...) informer l'État accréditant que le chef ou tout autre
membre du personnel diplomatique de la mission est persona non grata
ou que tout autre membre du personnel de la mission n'est pas acceptable.
L'État accréditant rappellera alors la personne en cause ou
mettra fin à ses fonctions auprès de la mission, selon le cas
»451. Dans l'hypothèse que l'Etat met fin à ses
fonctions, il peut être poursuivi par tout Etat sous respect du droit
international relatif à la compétence universelle, à la
coopération internationale en matière pénale... bref, au
droit pénal international, et au droit pénal national.
Dans tout cela, il parait pacifique que l'Etat
accréditant lève les immunités, ou alors, poursuive
lui-même l'agent diplomatique présumé auteur des crimes
graves car, en effet, ce n'est seulement un devoir juridique mais aussi un
devoir moral, pour les Etats, de rechercher les criminels, les poursuivre ou
faciliter la répression des crimes graves452. C'est cette
idée qui est au centre du principe aut dedere aut
judicare453. On peut justement faire un parallélisme,
avec ce principe, en préconisant que si l'Etat accréditant ne
lève pas les immunités diplomatiques en permettant que la justice
étrangère soit compétente, il peut lui-même
poursuivre son diplomate. Hélas !, en droit international, le
volontarisme des Etats est un principe fondamental454. Nul donc ne
pourra obliger l'Etat accréditant de poursuivre son agent diplomatique
qui est encore en fonction, ou à renoncer aux
immunités455. Dans ce contexte, la seule voie qui reste, pour
la répression, c'est de déclarer persona non grata un
diplomate456, puis éventuellement demander son
extradition457si l'ancien diplomate n'est pas poursuivi par les
juridictions de l'Etat accréditant458.
450 Article 32, convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
451 Article 9, convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
452 Préambule §4, Statut de Rome de la cour
pénale internationale de 1998 ; article 5, convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984
; article 33, convention pour l'unification de certaines règles
relatives au transport aérien international de 1999
453 CDI, op.cit., p. 1 ; S. DIMUENE PAKU DIASOLWA,
op.cit., p. 54
454 Marc de Montpellier, op.cit., p. 13
455 Article 32, convention de Vienne de 1961
456 Article 9 §1, Idem
457 CIJ, arrêt du 20 juillet 2012, affaire relative aux
questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c.
Sénégal), par. 81
458 Idem, par.122
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Si l'agent diplomatique n'est pas déclaré
persona non grata, et si les immunités ne sont pas
levées, l'imprescriptibilité des crimes graves rend
éternelle, tant qu'il est en vie, la possibilité qu'il soit
poursuivi un jour.
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