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La responsabilisation du secteur privé dans le contrôle des exportations de défense en France. Quelles perspectives pour la commercialisation d'armements ?

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par Yann Wendel
Université Panthéon-Assas Paris II - Master 2 Défense et Dynamiques Industrielles 2016
  

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I. Le contrôle des exportations de produits de défense est pleinement
constitutif de la politique de défense d'un pays

A. La commercialisation d'armements, une démarche traditionnellement politique

1. Les armements, vecteurs de puissance dont le transfert doit être régulé

Les armements participent à la défense nationale, qui elle-même se trouve à la base de l'existence de l'Etat et de toute notion de souveraineté. Le fait pour un pays d'être en capacité de produire des équipements de défense sur son sol, à travers une BITD5 fonctionnelle, assure son autonomie stratégique, en ce qu'il ne dépend ainsi pas de la volonté de pays étrangers de lui exporter de l'armement, fussent-ils des partenaires stratégiques6. Cette volonté de l'Etat de prévaloir en termes de technologie militaire se manifeste par des investissements continus et de longue date dans les entreprises de défense. Ces dépenses publiques dépassent une rationalité économique stricto sensu pour atteindre un objectif politico-sécuritaire, représenté par le dilemme « beurre-canon »7.

L'intervention de l'Etat dans ce secteur tire ses racines du monopole de la violence légitime8, qui se manifeste par une délivrance d'une « Autorisation de Fabrication, de Commerce, et d'intermédiation de matériel de guerre, armes, munitions » (AFCI) par l'administration, document sans lequel une entreprise productrice de systèmes d'armes serait illégale et son propriétaire passible de poursuites pénales9. Ainsi, les pouvoirs publics et les entreprises d'armement sont soumis à une dépendance réciproque. D'un côté, l'Etat est le régulateur, le soutien, et le client de référence et la vitrine à l'export de l'industrie d'armement; et de l'autre, il a besoin d'elle pour garantir l'approvisionnement de ses armées, et donc assurer ses fonctions régaliennes Un monopsone fait donc face à un oligopole, même si cette logique, qui prévalait très largement à l'époque des arsenaux nationaux, s'est désormais atténuée sous l'effet d'un recours plus massif des entreprises de défense aux exportations du fait d'un budget de défense domestique en baisse, si bien que nombre d'entre

5 Base Industrielle et Technologique de Défense. « Elle rassemble les entreprises qui contribuent, de façon directe ou indirecte, au développement, à la production ou au maintien en condition opérationnelle des équipements ou services participant à l'organisation de la défense nationale » In : DUNNE (1995), The defense industrial base. In : HARTLEY K. et SANDLER T, Handbook of defense economics, vol I, Amsterdam, Elevier, pp. 399-430

6 KOLODZIEJ E. (1987), Making and Marketing Arms. The French experience and its implications for the international system, Princeton University Press.

7 BELLAIS R., FOUCAULT M., OUDOT J-M. (2014), Economie de la Défense, Paris, Collection Repères, pp.14

8 WEBER M. (1919), Politics as a Vocation

9 Article L.2332-1 du Code de la Défense

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Yann WENDEL

elles réalisent la plupart de leur chiffre d'affaires à l'étranger. La production d'armements étant toutefois difficilement viable économiquement par rapport aux domaines civils, du fait des nombreuses contraintes inhérentes au secteur (faibles débouchés à l'export, contrôles administratifs omniprésents,...), cette activité est incitée par les Etats, à travers la garantie d'un certain volume d'achat dans les Lois de Programmation Militaire (LPM) et assurant notamment le financement d'une partie de la recherche et développement. Dans ce système très administré, la demande crée donc sa propre offre10.

Par construction, le fait pour un pays de disposer de sa propre capacité de production d'armements l'oblige d'autre part à contrôler la destination et l'utilisation des produits qu'il commercialise par l'intermédiaire de ses entreprises domestiques. Premièrement, il est pertinent pour lui de chercher à protéger son savoir-faire national ainsi que des procédés industriels dans lesquels il a consacré des ressources de manière durable sur plusieurs années. Deuxièmement, l'Etat a le devoir devant la communauté internationale de veiller à la non-prolifération des capacités de destruction qu'il produit. Il doit ainsi veiller à contrôler ses exportations en fonction du produit et du destinataire. Cette précaution passe par la mise en oeuvre de quatre éléments : une liste de produits, une liste de destinations, des licences d'exportation, et des sanctions applicables. Historiquement, ces principes ont été organisés en France avec le décret-loi du 18 avril 1939 et le décret n°55-965 du 16 juillet 1955, autour desquels s'articule le dispositif de contrôle, la règle de base étant que l'exportation sans autorisation de matériels de guerre et matériels assimilés est prohibée11. On ne peut déroger à cette règle qu'après avoir déposé une demande de licence auprès de la Direction Internationale de la Direction Générale de l'Armement (DGA/DI), qui est ensuite instruite par la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), à laquelle prennent part le Ministère des Affaires Etrangères et du Développement International (MAEDI), le Ministère des Finances (Douanes et Trésor), et le Ministère de la Défense (EMA, DGA, DGRIS). Sur avis de cette commission, le Premier ministre notifie sa décision à la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) qui, en cas d'acceptation sous conditions particulières, délivre la licence.

L'autorisation est en fait une dérogation exceptionnelle à la prohibition, ce qui souligne la sensibilité des produits commercialisés. Le contrôle parlementaire reste quant à lui faible sur ces opérations, la représentation nationale étant depuis 1998 informée a posteriori par un

10 BELLAIS R. (2000), Production d'armes et puissance des nations, Paris, L'Harmattan.

11 Article 13 du décret-loi du 18 avril 1939

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rapport annuel du Ministère de la défense au Parlement sur les exportations, sans possibilité de débat parlementaire à ce sujet. Cet état de fait découle d'un besoin de confidentialité et de rapidité de traitement des opérations de commercialisation d'armements, mais aussi pour l'exécutif de la volonté de garantir l'efficacité diplomatique du soutien de la France.

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