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La responsabilisation du secteur privé dans le contrôle des exportations de défense en France. Quelles perspectives pour la commercialisation d'armements ?( Télécharger le fichier original )par Yann Wendel Université Panthéon-Assas Paris II - Master 2 Défense et Dynamiques Industrielles 2016 |
II. L'EMERGENCE DE NOUVEAUX ACTEURS DANS LE CONTROLE DES EXPORTATIONS DEPRODUITS DE DEFENSE. 22 A. L'EXTENSION DES PREROGATIVES EUROPEENNES DANS UN DOMAINE TRADITIONNEL DE SOUVERAINETE DES ETATS : LES BIENS A DOUBLE USAGE. 22 B. L'IMPULSION EUROPEENNE EN FAVEUR D'UN DEPLACEMENT DU CONTROLE AU NIVEAU DU SECTEUR PRIVE. 26
C. DES ENTREPRISES DE PLUS EN PLUS CONCERNEES PAR LES PROCEDURES DE CONTROLE. 32
secteur privé. 34 III. L'EVOLUTION DE LA RELATION ENTRE ETATS ET ENTREPRISES DANS LE CADRE DUCONTROLE DES EXPORTATIONS DE PRODUITS DE DEFENSE. 37 A. UN NECESSAIRE RECOURS A LA PUISSANCE PUBLIQUE DANS LE PROCESSUS DE CONTROLE, QUI REDEFINIT SA RELATION AVEC L'ENTREPRISE DANS UN MOUVEMENT DE RESPONSABILISATION DU SECTEUR PRIVE. 37
processus d'exportation. 42 B. PERSPECTIVES D'EVOLUTION ET NOUVEAUX ENJEUX LIES AU CONTROLE. 44
d'armement. 45
différents acteurs de la transaction. 50 1 Yann WENDEL IntroductionBiens de haute technologie, particulièrement sensibles et primordiaux pour la sécurité globale, les armements requièrent une attention toute particulière des Etats, en ce que leur exportation incarne l'expression de la souveraineté nationale et de la mise en oeuvre d'engagements internationaux. Le contrôle des exportations reste donc un exercice régalien par nature, dans la mesure où il contribue directement à la stabilité des relations entre Etats à travers la surveillance des flux de matériels, technologies et savoir-faire militaires et sensibles1. Dans le cadre de sa diplomatie, il peut en effet être utile pour un Etat de disposer d'une BITD à même de fournir des produits et des services liés à la défense à un Etat allié, qui sont autant de moyens de politique étrangère. Cet exercice hautement stratégique de par la nature des produits échangés doit toutefois être mis en perspective avec le besoin pour les entreprises de la BITD, depuis la fin de la guerre froide, de procéder à des exportations d'armement et de répondre à des impératifs économiques, de plus en plus prégnants à mesure que la présence d'actionnaires privés au capital des entreprises de défense augmentait. Les entreprises de défense françaises ont en effet dû s'adapter à de nombreux changements de paradigme, du fait notamment de la baisse des budgets domestiques de défense2, et ont redéfini leurs relations avec la puissance publique en conséquence. Ainsi, alors que jusqu'aux années 1980 les exportations ne tenaient qu'une place relativement marginale dans les activités de la plupart des entreprises de défense, leur poids dans le chiffre d'affaires de l'industrie de défense a considérablement progressé3. En 2015, on comptait même 10,7 Mds€ de dépenses militaires domestiques (Programme d'équipements 146) contre 16,9 Mds € de prises de commandes à l'exportation4. Cette évolution les a également amenées à diversifier leurs activités et à se consolider sur une base nationale et européenne, pour gagner en compétitivité et s'ouvrir de nouveaux marchés en internationalisant leurs chaînes de valeur, modifiant par-là même les modalités de commercialisation de leurs produits. 1 BAUER S. (2010), Post-cold war control of conventional arms, The Global Arms Trade: A Handbook, London, Routledge. 2 QUEAU Y. (2014), Erreur 404 : the European defence project you were looking for does not exist, Les Publications du GRIP. Disponible sur : http://www.grip.org/en/node/1154 [Accès le 17 mars 2016]. 3 Voir Annexe 2. 4 Conférence de presse Bilan 2015 de la DGA, 10 février 2016. 2 Yann WENDEL Progressivement, les intégrations industrielles en Europe et les institutions Bruxelloises ont fait valoir l'interconnexion entre matériels de haute technologie et matériels de défense, le poids économique des biens duaux par rapport à leur valeur stratégique relative enjoignant les Etats à avoir une approche moins impérieuse à leur égard en termes de contrôle. Les compétences européennes se sont alors étendues au-delà des traités grâce à la jurisprudence de la CJUE, et les institutions européennes se sont peu à peu dotées de nombreuses prérogatives dans des domaines stratégiques pourtant traditionnellement réservés à l'Etat. D'un autre côté, les entreprises civiles de haute technologie, du fait de leur participation de plus en plus importante au complexe militaro-industriel, se sont peu à peu retrouvées dans un système administré, dans la mesure où l'Etat a considéré que certaines technologies développées représentaient un capital national nécessitant d'être particulièrement encadré. En parallèle à ce mouvement de restructuration industrielle, le contrôle des exportations d'armement en France et plus largement en Europe a été sujet à de nombreuses évolutions. Le dépassement de la stricte logique d'arsenal, de par la transnationalisation des échanges concernant les produits de défense, a entrainé un besoin de redéfinition de leur réglementation vers davantage de simplification et d'harmonisation au niveau européen. D'une manière similaire, le phénomène de dématérialisation des échanges a rendu caduque la logique de contrôle selon l'axe matériel/frontière. Ainsi, alors que les échanges les plus risqués restaient soumis aux contrôles administratifs traditionnels, le contrôle des opérations les plus courantes s'est déplacé au niveau des entreprises exportatrices, dans la mesure où ces dernières étaient les plus à mêmes de vérifier ces opérations très fréquentes. Ces évolutions se sont opérées dans un souci d'efficacité économique et de rationalisation des moyens de l'Etat, mais également de protection du patrimoine technologique du pays et des garanties des objectifs internationaux de non-prolifération d'armement, qui ne sont pas compatibles avec une libéralisation totale des échanges. La privatisation de certains contrôles a en conséquence entraîné une redéfinition par l'Etat de la légitimité de ses actions concernant la maîtrise de ses armements, qui s'est exprimée d'une manière renouvelée vis-à-vis des entreprises de défense. Les liens entre les secteurs public et privé se sont alors approfondis dans un esprit collaboratif, l'Etat se concentrant davantage sur ses compétences régaliennes dans une approche « risques » en intégrant directement des règles administratives au niveau de l'organisation interne des entreprises. L'Etat intervient également a posteriori, en évaluant les pratiques commerciales des entreprises par rapport aux procédures de contrôle interne qu'il leur a imposé. C'est dans cette 3 Yann WENDEL logique qu'est abordée la certification d'entreprise, introduite par la Directive européenne 43/2009, qui incarne l'esprit de la relation renouvelée entre le public et le privé dans le contrôle des exportations. Le mouvement de transnationalisation de la production industrielle d'armements a donc entraîné la mise en place d'alliances transfrontalières entre les entreprises, mais la décision d'exporter concernant les armements, en ce qu'elle porte en elle des conséquences stratégiques très lourdes, reste pour le moment toujours sous la responsabilité et le contrôle d'une instance étatique. Si une certaine « européanisation » du contrôle des exportations a pu être perçue, celle-ci a en définitive toujours été réglée par l'Etat, qui a organisé la libéralisation des échanges au niveau européen pour les biens à double usage, et qui garde la main par rapport au niveau supranational en termes de contrôle de matériels de guerre, de par les risques et la symbolique associés. Un meilleur partage des prérogatives du contrôle passera donc forcément par une politique industrielle européenne de défense volontaire et renouvelée, entraînant une harmonisation des politiques d'acquisition ainsi qu'une politique de régulation cohérente au niveau européen en termes d'exportations. Yann WENDEL 4 |
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