C. Des entreprises de plus en plus concernées
par les procédures de contrôle
1. Une baisse progressive de la pertinence des
frontières physiques dans les opérations d'exportation et de
transfert
Le traitement juridique des intangibles était
déjà implicitement couvert par le décret-loi de 1939, dans
la mesure où la nature de l'échange n'y était pas
précisée. La tangibilité ne se définit en effet pas
en fonction du fond, mais de la forme de la diffusion. Les intangibles ont
été dénommés de manière claire dans
l'arrêté du 2 octobre 1992, ce qui a entraîné le
besoin de demander une autorisation avant de partager des informations sur des
matériels106. Depuis 2000, le Règlement sur les biens
à double usage prévoit quant à lui la demande d'une
licence
105 Recommandation n°23 du Rapport d'information au
Parlement sur le dispositif de soutien aux exportations d'armement du 17
décembre 2014.
106 Art 3 de l'arrêté du 2 octobre 1992.
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d'exportation préalablement à tout transfert de
technologie, même par voie électronique. La licence
générale permet elle-aussi d'aborder les transferts intangibles,
du fait de la plus grande flexibilité de ses critères que ceux
des licences individuelles. L'arrêté du 27 juin 2012 et ses mises
à jour (16 mars 2015) qui définissent une liste des
matériels de guerre et matériels assimilés soumis à
une autorisation préalable d'exportation et des produits liés
à la défense soumis à une autorisation préalable de
transfert, définissent 22 catégories dont les dernières
concernent les logiciels (ML 21) et les technologies qui peuvent être
échangées par voies intangibles (ML 22), dans le cadre par
exemple de transfert de documentation technique ou de formation (même si
cette liste ne concerne pas la technologie strictement nécessaire au
fonctionnement d'une plateforme, laquelle est comprise dans la licence du
matériel principal). La licence est donc nécessaire pour diffuser
des informations pouvant permettre la fabrication de matériels ou en
compromettre l'efficacité107.
Le contrôle se structure de moins en moins sur un axe
frontière-matériel, mais se démultiplie plutôt sous
une forme intangible et déterritorialisée difficile à
contrôler pour l'Etat. La montée en puissance des communications
numériques a en effet largement densifié le flux de
données intangibles ayant lieu notamment dans les phases amont de
commercialisation de matériel, c'est-à-dire avant la
délivrance de la licence. Afin de mieux aborder la problématique
du contrôle, car le besoin de régulation demeure, cette
dernière doit être adaptée aux évolutions des
pratiques commerciales des entreprises ainsi qu'à leur structure
interne, les échanges étant encouragés intra-entreprise,
indépendamment du pays où elles sont physiquement
localisées, ce qui nécessite des opérations de
sensibilisation pour éviter un transfert non contrôlé
d'informations. Le caractère continu et immatériel des flux
d'informations échangés dans le cadre de transferts de
technologie entraîne donc un besoin de contrôle au niveau de
l'entreprise exportatrice elle-même, de manière à agir en
amont de la transaction. L'Etat n'étant pas en capacité technique
et financière d'assurer cette supervision, dans la mesure où les
services des douanes ne peuvent pas contrôler les échanges
intangibles aux frontières, il est nécessaire de repenser le
processus de suivi en responsabilisant les entreprises quant aux informations
qu'elles échangent. Le contrôle a posteriori ne suffisant
pas à lui seul à empêcher des échanges
d'informations sensibles, il faut surveiller les flux en les encadrant
davantage. L'administration se doit alors de s'adapter à la
fluidité des échanges et de diminuer la charge des
contrôles ponctuels, pour se concentrer sur le contrôle de
l'organisation interne des entreprises sensibles dans une logique de
partenariat public-privé, la
107 Décret n°2012-901 du 20 juillet 2012.
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DGA donnant des prescriptions claires quant au processus de
contrôle tout en laissant une certaine flexibilité aux
opérateurs privés.
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