2. Des prérogatives de la puissance publique plus
ciblées
En contrepartie de cette libéralisation des
contrôles, la puissance publique applique plus systématiquement
ses prérogatives concernant les entreprises privées. Le
contrôle sur pièces d'une part est effectué par la DGA de
manière systématique pour les licences individuelles, globales et
générales. Il implique de vérifier qu'une Fiche Analytique
accompagnée de la copie du contrat et de la licence a bien
été transmise à la DGA préalablement à
l'envoi de matériel. Le contrôle porte en particulier pour les
licences individuelles sur les CNR (Certificat de Non-Réexportation),
qui représentent l'engagement pris par un client de ne réexporter
vers un tiers les matériels ou prestations achetés à la
France que s'il y est préalablement autorisé par le gouvernement
français. Le contrôle sur pièces porte également sur
la transmission des comptes rendus semestriels101, qui sont
communiqués par l'industriel à la DGA/DI (direction
internationale de la DGA) dans la logique du contrôle a
posteriori. En ce qui concerne les licences globales et
générales, le contrôle porte sur la vérification des
comptes rendus semestriels communiqués par l'industriel à la
DGA/DI. Le contrôle sur place a lieu de manière ponctuelle pour
les licences individuelles et de manière systématique en ce qui
concerne les licences globales et générales. Il implique la
vérification dans les locaux de l'industriel de la conformité des
opérations (par rapport aux autorisations reçues et aux
conditions associées), avec des factures, bordereaux de livraisons qui
ont été déclarés dans les compte rendus
semestriels.
Ces contrôles sur pièces et sur place ont lieu
pour vérifier que les entreprises ont satisfait à leurs
obligations de registre, qu'elles ont bien transmis à la DGA/DI un
compte rendu semestriel reprenant leurs prises de commandes et exportations et
que leurs opérations commerciales sont en conformité avec les
autorisations délivrées (clause d'utilisateur final et
d'utilisation finale)102. Le contrôle sur pièces
insiste sur la cohérence entre les licences détenues, les comptes
rendus effectués et les pièces transmises à
l'administration pour les contrats supérieurs à 200 000€,
alors que le contrôle sur place vérifie les opérations
commerciales et le respect des conditions non suspensives. De toutes
manières, les fournisseurs sont contraints de conserver les traces des
transactions effectuées à travers la tenue d'un registre des
transferts et des exportations ; il est d'ailleurs recommandé de s'en
101 Le compte rendu semestriel est prévu par
l'arrêté du 30 novembre 2011 et répertorie les commandes et
les livraisons des exportateurs de matériels de guerre ou
assimilés ou qui transfère des produits liés à la
défense, et ce qui s'applique également aux échanges
immatériels.
102 Art R.2335-17 du Code de la Défense.
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Yann WENDEL
servir de base pour extraire les comptes rendus semestriels.
Tous les documents commerciaux doivent de plus être conservés pour
une durée de 10 ans.
Suite à ces contrôles, l'administration
rédige un procès-verbal transmis au comité
ministériel de contrôle a posteriori des exportations
(CMCAP), qui transmet lui-même un rapport annuel au ministre de la
défense et au SGDSN sur son appréciation des procédures de
contrôle des entreprises et des suites à leur donner. Il est
composé de la DGRIS, de la DGA, de la DPSD, de l'EMA et il est
présidé par le Contrôle Général des
Armées. Le CMCAP prend en compte plusieurs facteurs dans le
contrôle : il évalue la nature de l'exportation, la
capacité militaire des produits, le destinataire final des
matériels, et la zone d'exportation. Ces risques sont pour la plupart
analysés par les membres de la CIEEMG dans le cadre du contrôle
a priori. Un autre axe de contrôle est celui de la nature de
l'autorisation, les risques de non-respect variant en fonction du type de
licence utilisé et des conditions qui y sont associées. Ainsi,
plus le périmètre de la licence est large, plus il y aura de
recours au contrôle a posteriori, car les risques
associés y sont perçus comme supérieurs. Enfin, le CMCAP
prend également en compte la qualité du contrôle interne
des sociétés et de leur passif à l'égard du respect
de la réglementation.
Des sanctions pénales sont prévues en cas
d'exportation sans autorisation, de non-respect des termes de la licence, de
l'absence du registre (5 ans de prison et 75 000 € d'amende) ou d'entrave
aux investigations, obtention de licence par déclaration
mensongère (3 ans de prison et 45 000€ d'amende)103. La
non-déclaration de la première utilisation d'une licence
générale ainsi que la non-transmission des comptes rendus sont
également passibles d'amendes. Toutefois, les infractions
relevées par ce comité proviennent la plupart du temps d'erreurs
du fait de la nouveauté du processus et n'ont jusqu'alors la plupart
qu'été peu sanctionnées.
En définitive, la Directive européenne 43/2009
crée des outils pertinents, dont l'application reste perfectible afin
d'obtenir une BITDE intégrée en complément de la Directive
81/2009 sur les marchés publics de défense104. La
principale limite de cette évolution réside dans une certaine
lourdeur administrative qui touche les entreprises, provenant d'une
accumulation de charges plutôt que d'un allègement, la
simplification
103 Art L.2339-11 du Code de la Défense.
104 TRYBUS M. (2013), The tailor-made EU Defence and Security
Procurement Directive: limitation, flexibility, description, and substitution,
European law review 38(1):3-29.
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Yann WENDEL
concernant davantage l'administration que
l'industrie105. Ainsi, le contrôle a posteriori s'est
superposé au contrôle a priori plus qu'il ne l'a
remplacé, dans la mesure où il est par exemple toujours
nécessaire d'obtenir une licence avant l'acceptation d'une commande ou
la signature d'un contrat. La simplification que devait engendrer la Directive
TIC a eu lieu de manière très limitée en pratique, du fait
du manque d'harmonisation des politiques de contrôle au sein de l'UE,
empêchant par là même d'unifier la BITDE. Les licences
générales, qui sont des initiatives allant dans le sens d'une
intégration accrue, n'ont pour le moment qu'une utilité
réduite du fait de la tenue de différentes listes de produits
dans les pays européens, ainsi que de l'absence de ces listes de
certains produits pour lesquels il faut obtenir, en plus, des licences
individuelles. On ne peut donc pas parler pour le moment d'un mouvement global
de simplification des flux entre industriels européens. Enfin, le fait
que la responsabilité du contrôle incombe aujourd'hui de
manière directe à l'entreprise implique de faire partager les
risques au secteur commercial, ce qui a des conséquences en termes
financiers et de garantie lors d'opérations d'exportation, notamment
pour les PME, qui ne disposent pas forcément de la taille critique
adaptée pour faire face.
Ces problématiques d'ordre réglementaire sont
toutefois à mettre en perspective avec les initiatives en faveur de la
diplomatie économique initialisées avec la mise en place du MAEDI
notamment l'accès facilité des PME aux attachés de
défense dans les ambassades de France à l'étranger, qui
constitue une réelle amélioration en termes de soutien à
l'exportation.
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