SECTION 2 : L'ORD, un mécanisme de
règlement des différends incluant un traitement spécial et
différencié au profit des PED
Les relations commerciales multilatérales
animées par l'OMC s'inscrivent dans une perspective de
développement économique de tous les membres de l'institution.
Cela doit prendre en compte le caractère disparate du poids de
développement de ceux-ci qui, dans un tel système, peuvent
arriver à soulever des positions de « dominants » et de «
dominés ». Or, le système se veut être un « cadre
institutionnel commun » pour la conduite des relations commerciales entre
ses membres. D'où la nécessaire prise en considération de
la situation de faiblesse économique de certains membres
communément appelés pays en développement
(PED).171 Le mécanisme de règlement des
différends de l'OMC tente, tant bien que mal, de tenir compte de la
situation économique de ces pays en leur accordant un traitement
spécial et différencié même si celui-ci laisse
planer quelques manquements.
Il s'agira de s'attarder sur l'affirmation de ce traitement
spécial (Paragraphe 1) avant de relever ses différents
manquements (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : L'affirmation du traitement spécial
et différencié
Il importe de rappeler que ce traitement spécial est le
fruit d'un long processus de négociation, surtout dans le cadre du GATT
de 1947.172 Ces acquis ont été quand même
retenus sous l'évènement de l'OMC et insérés dans
son mécanisme de résolution des conflits. En effet, le
Mémorandum d'accord consacre un certain nombre de dispositions tendant
à octroyer aux pays en développement un traitement particulier en
considération de leur faible
170 Cf. Alice. Rocha. Da SILVA, L'articulation entre l'OMC
et les accords commerciaux régionaux, Editions universitaires
Européennes, 2012, p 269
171 Pour une étude approfondie sur l'apport des
Accords de Marrakech dans la prise en compte de la situation des pays
en développement, voir Ph. VINCENT, « L'impact des
négociations d'Uruguay round sur les pays en voie de
développement », R.B.D.I. 1995/2, pp 486-513. A
compléter également, G. FEUER, « L'Uruguay round, les pays
en développement et le droit international de développement
» AFDI. pp 458-775 ; Aliou. NIANG, Le régime juridique
des Membres peu développés post-Gatt : l'influence de
l'inégalité économique sur les règles commerciales
multilatérales de l'OMC, thèse de doctorat en droit,
E.D/.J.P.E.G de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 9 mai 2014
172 Le point de départ résulte d'une proposition
d'amendement de l'article XXIII du GATT faite par le Brésil et l'Uruguay
en 1965. Cependant, même si tous les éléments de cette
proposition n'ont pas été pris en compte, il n'en reste pas moins
que l'initiative avait tout de même abouti à l'adoption de la
Décision du 5 avril 1966 sur la procédure d'application de
l'article XXIII. Pour plus de détail, voir, Amélie.
FONDIMARE, op.cit. p 8 et s
niveau de développement
économique.173 Ce traitement se manifeste tant au niveau des
procédures(A) qu'au niveau de la mise en application des
recommandations(B).
A) Au niveau des procédures
Un certain nombre de dispositions du Mémorandum
d'accord sont consacrées au principe du traitement spécial et
différencié favorable aux pays en développement. L'article
24 dans son paragraphe 1 estime qu'une attention particulière doit
être accordée à un pays moins avancé (PMA) lorsqu'il
est concerné dans une procédure de règlement de des
différends, et à cet effet les « membres feront preuve
de modération lorsqu'ils soulèvent des questions au titre des
présentes procédures concernant un pays moins avancé
Membre. » Ce traitement spécial découle des exceptions
aux règles générales et communes du Mémorandum
d'accord. Il en est ainsi notamment:
Au stade des consultations, les pays membres «
devraient accorder une attention spéciale aux problèmes et
intérêts particuliers des pays en développement Membres.
»174 Cela devrait permettre aux pays en
développement de mieux s'imprégner de la procédure de
règlement des différends, étant donné qu'à
ce niveau de procédure les négociations prévaudront sur le
« contentieux proprement dit ». Dépourvus de moyens techniques
et financiers pouvant leur permettre de solidifier leurs arguments devant ceux
des « princes de l'économie mondiale », les pays moins
avancés gagneraient mieux à régler le différend
à ce niveau qu'au niveau de la phase contentieuse.
En outre, dans le cas où les consultations
n'ont pas abouti à une solution satisfaisante, les pays en
développement bénéficient d'un allégement de la
procédure qui pourrait leur être favorable. En effet, le Directeur
général ou le président de l'ORD, « à la
demande d'un pays moins avancé Membre, offrira ses bons offices, sa
conciliation et sa médiation en vue d'aider les parties à
régler le différend avant qu'une demande d'établissement
d'un groupe spécial ne soit faite. Pour apporter son concours, le
Directeur général ou le président de l'ORD pourra
consulter toutes sources qu'il jugera appropriée.
»175 Il s'agit d'une latitude pour le pays moins avancé
de demander les bons office, la conciliation ou la
médiation du Directeur général aux fins d'une
part de résoudre le conflit amiablement et d'éviter tant bien que
mal la phase contentieuse de la procédure, d'autre part.
Par ailleurs, en raison de la situation d'extrême
fragilité dans laquelle se trouve un pays en voie de
développement lorsqu'il est en conflit avec un pays
développé, le Mémorandum d'accord prévoit des
aménagements de la procédure à son avantage au sujet de la
composition des groupes spéciaux. En effet, aux termes de l'article 8
paragraphe 10 lorsqu'un différend oppose un pays en développement
membre et un pays développé membre, le groupe spécial
« comprendra, si le pays en développement le demande, au moins
un ressortissant d'un pays
173 L'article 3§12 retient que lorsque une plainte est
déposée par un pays en développement membre contre un pays
développé sur la base de l'un des accords de Marrakech, le
premier « aura le droit d'invoquer, au lieu des dispositions contenu
dans les articles 4,5,6 et 12 du présent mémorandum d'accord, les
dispositions correspondantes de la Décision du 5 avril 1966(IBDD,
S14/19). »
174 Voir l'article 4§10 du Mémorandum d'accord,
supra.
175 Voir article 24§2 du Mémorandum
d'accord
en développement membre » alors qu'en
règle général aucun ressortissant des membres, parties au
différend, ne doive siéger au groupe spécial. Cette
exception est aisément compréhensible puisque les PED sont
extrêmement méfiants à l'égard des groupes d'experts
étrangers, mais la participation d'un des leurs aux groupes
spéciaux pourrait leur réconforter davantage sur
l'impartialité et la neutralité des rapports de ces derniers.
En fin, pour leur faciliter l'accès à l'ORD, le
Mémorandum d'accord précise que le Secrétariat pourra
mettre à la disposition de tout pays en développement membre qui
le demandera un expert juridique qualifié des services de
coopération technique de l'OMC. Celui-ci aidera le PED membre de
manière à maintenir l'impartialité du
Secrétariat.176
Les pays en développement ayant
bénéficié d'un traitement spécial et
différencié dans les phases procédurales du
règlement des différends de l'OMC sont aussi «
favorisés » dans le cadre de la mise en oeuvre des recommandations
de l'ORD.
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