B) Une efficacité par rapport aux
décisions et recommandations
L'efficacité des décisions et des
recommandations est appréciables à deux niveaux. Elle se
manifeste, d'une part, au niveau des mesures de compensation(1) et au niveau
des mesures de rétorsions ou suspension de concessions(2), d'autre
part.
1- Les mesures de compensation
Afin que le conflit soit résolu efficacement dans
l'intérêt de tous les membres de l'OMC, il demeure
nécessaire, voire indispensable, d'appliquer dans les brefs
délais les recommandations et décisions de
l'ORD.156C'est-à-dire, le retrait définitif des
mesures incriminées.
Toutefois, si le membre à qui il a été
condamné à retirer ses mesures compromettantes ne se conforme pas
aux recommandations et décisions de l'ORD dans un délai
raisonnable, il devra procéder, après qu'une demande lui soit
faite, à des négociations avec le membre « victime »
dans le but de trouver une compensation mutuellement
acceptable157en compatibilité avec les accords
visés.158 La compensation est donc volontaire ; ce qui
implique une dimension quasi politique, sinon diplomatique des compensations
car, il faut le rappeler, c'est sous la base d'une négociation avec le
membre « incriminé » qu'elles aboutissent.159
Encore, faudrait-il retenir que la compensation ne
saurait remplacer l'obligation de mettre en oeuvre les recommandations de
l'ORD. C'est la raison pour laquelle elle doit être temporaire dans
l'attente du retrait définitif de la mesure incompatible. Cependant, il
importe de noter que des difficultés peuvent être relevées
à ce niveau, étant entendu que le Mémorandum d'accord
n'apporte aucune précision, ni sur les règles concernant la
valeur, ni sur la nature, encore moins sur l'objet de la compensation,
même s'il retient que celle-ci reste volontaire et doit être
compatible avec le droit de l'OMC.
A défaut de parvenir à une compensation
satisfaisante dans les vingt(20) jours suivant la date au terme de laquelle le
délai raisonnable arrive à l'expiration, la partie ayant subi les
effets négatifs des mesures incompatibles avec les accords de l'OMC
pourra solliciter de l'ORD pour l'autorisation en vertu de laquelle elle
prendra des contre-mesures en forme de mesure de rétorsion ou
de suspension des concessions.
156 Ibid.
157 Article 22§2 du Mémorandum d'accord
158 Article 22§1 du Mémorandum d'accord
159Faut-il noter que les parties ont donc vingt(20)
jours pour achever leur négociation. Ce délai parait largement
court pour permettre aux parties de procéder à des
négociations sincères, d'ailleurs c'est pour cette raison que les
recours à la compensation volontaire restent rares.
2- Les mesures de rétorsion ou suspension des
concessions
Les mesures de rétorsion sont effectivement des
prérogatives par le moyen desquelles un membre de l'OMC, victime des
mesures illicites d'un autre membre dans le cadre de sa politique commerciale,
et dans le cas où les négociations pour parvenir à une
compensation mutuellement acceptable seraient soldées par un
échec, est autorisé par l'ORD à suspendre ses concessions
ou d'autres obligations à l'encontre du membre fautif.160
Notons-nous que le souci du mécanisme de règlement des
différends de l'OMC est d'éviter une « justice privée
» entre les membres dans la mesure où les règles
régissant les relations internationales s'inscrivent dans le sillage de
l'adage latin : Memo judex in re sua (nul n'est juge en sa propre
cause). Le recours à ces contre-mesures,
considérées de « mesures de légitime défense
commerciale »161 doit respecter les conditions posées
par le Mémorandum d'accord.
Selon G. Cohn, une mesure de rétorsion est celle qui,
« tout en se tenant dans la limite de la loi, a pourtant pour fin un
traitement particulièrement défavorable pour l'Etat contre lequel
elle est dirigée.»162 Pour Ch.Leben, elle est
juridiquement une action à laquelle un Etat fait recours à des
représailles.163
La demande de recourir à des contre-mesures
(la suspension des concessions) dans le cadre de l'OMC doit être
motivée et doit déterminer les concessions et obligations qui
seront suspendues.164Ainsi, le niveau de la suspension de concession
ou d'autres obligations autorisées par l'ORD doit être en
proportionnalité avec celui de l'annulation ou de la réduction
des avantages.165 L'ORD dispose donc un pouvoir
d'appréciation de ce niveau. C'est pourquoi, il n'accorde pas de
suspension de concessions ou d'autres obligations qu'un accord visé a
interdites.166 Dans le cas où le membre concerné
contesterait le niveau de suspension de concession proposé en invoquant
le non-respect des principes et procédures d'autorisation, il aura
recouru à l'arbitrage.167 Et les concessions ainsi
que les autres obligations ne seront pas suspendues à ce
niveau.168 L'arbitrage examinera et déterminera si
la suspension concessions et autres obligations proposée est
autorisée au regard de l'accord visé.169
Le recours à des contre-mesures, dans le droit
de L'OMC, est donc licite. Elles consistent en la suspension des concessions
tarifaires pour le commerce des marchandises, la suspension
160 Voir l'article 22§2 du Mémorandum
d'accord
161 Cf. Julien. BURDA, op.cit. p 27
162 Gérard. COHN, « La théorie de la
responsabilité internationale », R.C.A.D.I, 1939, II. Vol
68, p 318
163 Cf. Charles. LEBEN, « Les contre-mesures
inter-etatiques et les réactions à l'illicite dans la
société internationale » in A.F.D.I, 1982, p 14
164 Voir, l'article 22§3 du Mémorandum
d'accord
165 Voir, l'article 22§4 du Mémorandum
d'accord
166 Article 22 §5 du Mémorandum d'accord
167 Article 22 §6 du Mémorandum d'accord
168 Ibid.
169 Article 22§7 du Mémorandum d'accord
des engagements prévus sur la liste annexée
à l'AGCS pour le commerce des services, ou la suspension de
l'exécution d'autres obligations ou découlant des accords
visés de l'OMC.170
Il est clair ainsi que les mesures de rétorsions
ou suspensions de concession sont moins diplomatiques que celles
relatives à la compensation. Elles peuvent être qualifiées
de juridictionnelle car sont-elles autorisées par l'ORD,
conformément aux dispositions du Mémorandum d'accord, en
réaction d'une violation des Accords de Marrakech commise par
un membre. Ce qui permet de prétendre l'efficacité du
système de règlement des différends de l'OMC. On pourrait
en faire autant également si l'on prend en compte le traitement
différencié accordé aux pays en
développement(PED).
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