PARAGRAPHE 2 : Un mécanisme efficace de
règlement des différends commerciaux internationaux
Le mécanisme de règlement des différends
de l'OMC est un fait mixte, participant à la fois de l'approche
diplomatique et de l'approche légaliste.65 Le
Mémorandum d'accord, la base
pour faire valoir leurs intérêts
privés. Il y'a là un risque qui ne doit pas être
sous-estimé. Les Etats, sous la pression des lobbies, peuvent être
amenés à utiliser le mécanisme de règlement des
différends de l'OMC pour s'attaquer à des législations
étrangères qui ne servent pas les intérêts des
grands groupes privés ». Voir, Virgile. PACE, « Cinq ans
après sa mise en place, la nécessaire réforme du
mécanisme de règlement des différends de l'OMC »,
R.G.D.I.P. Tome 104, n°3, 2000, p 651
59 Affaire Communautés
européennes-Mesures communautaires concernant les viandes et les
produits carnés (plainte des Etats-Unis), 1999, OMC, Doc
WT/DS26/AB/R, Rapport de l'Organe d'appel [Hormones]
60 Voir, J. BURDA, op.cit. p7
61 Voir, B. STERNE, «L'intervention des tiers
dans le contentieux de l'OMC », RGDIP, 2003, pp 257-303
62 Affaire Etats-Unis-prohibitions à
l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de
crevettes, 1998, OMC. Doc, WT/DS58/AB/R, Rapport de l'Organe d'appel
[crevettes].
63 Affaire Communautés
européennes-Régime applicable à la vente et la
distribution de bananes, 1997, OMC. Doc, WT/DS27/AB/R, Rapport de l'Organe
d'appel [Bananes III]
64 Affaire Indonésie- Automobiles,
1998, OMC. Doc. WT/DS54/AB/R- Rapport du Groupe spécial
[Automobiles]
65 Cf. Charles-Emmanuel COTE, op.cit, p 75
juridique essentielle du mécanisme, comporte des
procédures « qui sont à mi-chemin entre la
négociation diplomatique et le règlement juridictionnel
»66des différends. Il s'inscrit ainsi dans le cadre
d'une nouvelle approche de résolution des conflits commerciaux
multilatéraux conformément à l'esprit de l'organisation.
L'OMC est un « cadre institutionnel commun pour la conduite des
relations commerciales entre ses membres en ce qui concerne les questions
liées aux accords et instruments juridiques connexes repris dans les
annexes du présent accord.»67 C'est un
mécanisme qui est souple dans la mesure où il accorde une place
capitale aux instruments politiques de règlement des différends
à côté des mécanismes juridiques qui renvoient
directement à l'aspect rigide du système. Cela constitue une
efficacité du nouveau système de règlement des
différends commerciaux multilatéraux.
L'efficacité du mécanisme de règlement
des différends de l'OMC peut être appréciée à
deux niveaux. D'une part, on peut relever cette efficacité au niveau de
la procédure(A) et d'autre part au niveau des décisions(B).
A) Une efficacité par rapport à la
procédure
Le mécanisme de règlement des différends
prévu par le Mémorandum d'accord peut être qualifié
de droit commun.68 Mais, pour une efficacité du
règlement des litiges, le mécanisme allie le politique et le
juridique en ce qui concerne la procédure. En effet, il prévoit
des phases procédurales que l'on peut juger de politiques(1)
étant entendu qu'elles s'inscrivent dans une perspective diplomatique de
résolution des conflits internationaux. Egalement, à
côté des phases « politiques », il y'a celles qui sont
spécifiquement « juridictionnelles » sinon «
quasi-juridictionnelles » (2).69
1- Une procédure politique ou non
juridictionnelle
Cette procédure renvoie directement aux modes
alternatifs de règlement des différends (ADR selon le sigle
anglais, le plus répandu : « alternative dispute
resolution ») qui sont très fréquents dans la
résolution des conflits commerciaux internationaux. Ils comprennent,
notamment, la conciliation, la médiation, les bons
offices.70 Ces modes de règlement des
66 Voir, Th. FLORY, L'Organisation mondiale du
commerce. Droit institutionnel et substantiel, Bruxelles, Bruylant, 1999,
p 21
67 Article 2§1 de l'Accord instituant
l'OMC
68 Cf. D. CARREAU et P. JUILLARD. op.cit. p
96
69 Cette qualification n'a pas manqué de
soulever une opposition dans la doctrine. Ainsi, selon le Pr SANTULLI, l'ORD et
les groupes spéciaux « sont des quasi-juridictions en
juridictionnalisation progressive, ils produisent une quasi-jurisprudence dont
la juridicité est croissante. » Voir, Carlo. SANTULLI,
op.cit. p 70. Alors que le Pr H. Ruiz-FABRI retient le
caractère juridictionnel du mécanisme, estimant que : «
l'exclusion de l'approche contentieuse ne semble(...) pas être
incompatible avec la qualification juridictionnelle si les critères de
celle-ci sont par ailleurs satisfaits.» Voir, H. Ruiz-FABRI, «
Le règlement des différends au sein de l'OMC : naissance d'une
juridiction, consolidation d'un droit » in Souveraineté
étatique et marchés internationaux à la fin du
20èm Siècle : A-propos de 30 ans de recherche du
CERDIMI, mélanges en honneur de P. Kahn, Université de
Bourgogne-CNRS, travaux du Centre de Recherche sur le Droit international
des marchés et des investissements internationaux, vol. 20, Paris,
Litec, 2000, p 303 et s ; « Le Juge de l'OMC : ombres et lumières
d'une figure judiciaire singulière », RGDIP, 2006,
n°1, pp. 39-83
70 Article 5 du Mémorandum d'accord
différends sont repris dans le mécanisme de
règlement des différends de l'OMC à côté des
consultations.71
Le système de règlement des différends de
l'OMC comporte des règles et procédures qui «
s'appliquent aux différends soumis en vertu des dispositions
relatives aux consultations et règlement des différends des
accords énumérés à l'appendice 1 du
mémorandum d'accord. »72 En vertu des dispositions
du mémorandum d'accord, la nouvelle procédure de règlement
des différends de l'OMC prévoit les consultations comme
la première phase de la procédure de règlement des
différends. Elle intervient a priori, c'est-à-dire avant
que le différend ne naisse. Un membre constate simplement qu'un autre
membre a pris des mesures sur son territoire qui compromettent l' « ordre
public international commercial » et l'affectent concrètement.
Alors, le membre victime pourra lui adresser des « représentations
» en vertu desquelles il l'invite à observer des
possibilités de consultation sur ses «
représentions ». C'est la voie diplomatique qui est mise en oeuvre.
Cette demande de consultation est notifiée aussi bien à
l'ORD qu'aux autres organes de l'OMC, notamment les Conseils et les
Comités compétents.73
La phase des consultations constitue le maillon du
système de règlement des différends de l'OMC. Elle sert un
cadre de discussion « courtoise » pour les parties. Ces
dernières vont échanger des renseignements et
éventuellement mesurer leur divergence afin d'arriver à une
solution efficace du litige. L'Organe d'appel l'a clairement affirmé
dans l'affaire Sirop de maïs au cours de laquelle il a
précisé qu' : « à la faveur des consultations,
les parties échangent des renseignements, évaluent les points
forts et les points faibles dans leurs thèses respectives,
réduisent la portée des divergences qui les séparent et,
bien souvent, trouvent une situation mutuellement acceptable[...]Les
consultations donnent aux parties la possibilité de définir et de
circonscrire la portée du différend entre elle.
»74 Elles sont importantes, vu le nombre de plaintes qui
ont été résolues à ce stade. En effet, entre
l'entrée en vigueur du mécanisme de règlement des
différends de l'OMC, le 01 janvier 1995, et le 31 mars 2005, sur les 329
plaintes portées à l'ORD soixante-douze(72) ont été
résolues au stade des consultations.75
Sous peine d'invalidité, la demande de consultation
doit respecter un certain nombre de conditions formelles. En plus de sa
notification à l'ORD, aux Groupes spéciaux et aux Comités
compétents, la demande de consultation doit être
écrite et motivée tout en comportant l'indication des mesures en
cause et du fondement juridique de la plainte.76 Cependant, il
convient de noter que certains accords visés à l'appendice 2 du
Mémorandum exigent, en ce qui concerne les mentions formelles de la
demande de consultation, des
71 Article 4 du Mémorandum d'accord
72 Article 1§1 du Mémorandum
d'accord
73 Article 4§4 du Mémorandum
d'accord
74 Affaire Mexique-Sirop de maïs,
2001, OMC, Doc WT/DS132/AB/R, Rapport de l'Organe d'appel [Sirop de
maïs]
75 Voir, Charles-Emmanuel COTE, op.cit. p
95
76 Article 4§4 du Mémorandum
d'accord
éléments supplémentaires.77 A
titre d'exemple, on peut citer les différends relatifs à
l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires auxquels il
est exigé d'exposer des éléments de la preuve disponibles
au sujet de l'existence de la subvention et de la nature de la
subvention.78 L'Organe d'appel a eu l'occasion à le
préciser dans l'affaire Foreign Sales Corporation(FSC)
où il considéra que ce sont les éléments de
preuve du caractère de la mesure en tant que subvention qui doit
être indiqués et non pas seulement ceux de la preuve ayant trait
à l'existence de la mesures.79
Les consultations sont des droits que tout membre se
réserve la latitude d'exercer dans une suite éventuelle de la
procédure ; elles se déroulent entre les parties, et le
Secrétariat de l'OMC n'est pas impliqué, parce que
confidentielles qu'elles sont.80 Elles sont contrôlées
par les Groupes spéciaux,81 mais ce contrôle se
distingue selon qu'il soit dans une procédure ordinaire ou une
procédure particulière. Concernant le contrôle des
consultations dans une procédure ordinaire, on a
constaté que les groupes spéciaux n'exercent pas un
véritable contrôle mais se limitent-ils simplement à
vérifier leur existence.82 Par contre, le contrôle des
Groupes spéciaux est beaucoup plus consistant dans une procédure
particulière. Par exemple, l'article 12 de l'Accord sur les
sauvegardes exige des consultations préalables informelles
fondées sur la chronologie des événements.83
Lorsque la demande de consultation est
formulée en vertu d'un accord visé, le membre auquel la demande
est adressée doit y répondre, sauf un accord mutuellement
convenu, dans les dix(10) jours suivant la date de sa réception et
engager les consultations de bonne foi, au plus tard trente(30) jours
après la date de la réception de la demande afin d'arriver
à une solution mutuellement satisfaisante.84
Toutefois, convient-il de noter que même si la
consultation constitue une condition préalable aux
procédures du Groupe spécial, elle connait un certain
assouplissement. Ainsi, dans l'affaire Sirop de maïs, l'Organe
d'appel avait considéré que : « si défendeur ne
présentait pas expressément et en temps voulu une objection
à une absence de consultation, il pouvait être
considéré comme ayant renoncé au droit qu'il aurait
éventuellement eu de consulter. »85 Nous
constatons, à travers cette position, que la dénonciation de
l'absence de consultations constitue une latitude au défenseur
qui peut y renoncer.
77 Cf. Elias. El. BEYROUTHY, La procédure de
groupe spécial devant l'Organe de Règlement des différends
de l'OMC, mémoire de 4ème année, Institut
d'Etude Politique de Lyon, 2004-2005, p 8
78 Voir l'article 4.2 de l'Accord sur les
subventions et les mesures compensatoires (annexe 1A) de l'Accord de
l'OMC
79 L'affaire Etats-Unis-Foreign Sales
Corporation(FSC), 2000, OMC. Doc. WT/DS108/AB/R, Rapport de l'Organe
d'appel [Foreign Sales Corporation]
80 Article 4§6 du Mémorandum
d'accord, voir également l'affaire Corée-Taxes sur les
boissons alcooliques, 1999, OMC, Doc. WT/DS75/AB/R, Rapport de l'Organe
d'appel [Boissons alcooliques]
81 Article 6§3 du Mémorandum
d'accord
82 Cf. El. BEYROUTHY, op.cit. p 10
83 Voir E. Canal-FORGUES, Le règlement des
différends de l'OMC, Bruxelles, Bruylant, 2003, p 46
84 Article 4§3 du Mémorandum
d'accord
85 Affaire Mexique-Sirop de maïs, supra
note 74
Egalement, tout membre autre que ceux prenant part aux
consultations peut, sous le respect de certaines conditions
posées par le mémorandum, être admis à participer
aux consultations si estime-t-il qu'il a un intérêt
substantiel aux consultations.86
En fin, il importe de retenir qu'au cours des
consultations une attention particulière doit être
accordée aux problèmes et intérêts des pays en
développement(PED).87
Si au terme des consultations les parties ne sont pas
parvenues à la résolution du différend, elles auront
à choisir soit l'établissement d'un Groupe spécial, soit
le recours à d'autres modes pacifiques de résolution des conflits
internationaux.
A côté des consultations, il y'a,
déjà rappeler au-dessus, d'autres modes amiables de
règlement des différends dans le système de
règlement des différends de l'OMC. Ce sont les bons
offices, la conciliation et la médiation. Ils
sont laissés à l'appréciation des parties en conflit comme
on peut le voir dans cette stipulation : « les bons offices, la
conciliation et la médiation sont des procédures qui sont
ouvertes volontairement si les parties au différends en conviennent
ainsi. »88 A la lecture de cette disposition, nous
constatons une certaine « nonchalance » du Mémorandum
concernant l'étendu de ces modes alternatives de règlement des
différends. Le Mémorandum d'accord ne s'efforce, ni de donner une
définition qui leur concerne, ni de déterminer leur distinction,
mais simplement se contenter de les énumérer les uns les autres.
Cependant, la doctrine en fournit quelques éléments de
définition. Nous pouvons retenir qu'ils s'agissent des procédures
politiques ou diplomatiques qui « appartiennent à l'arsenal des
modes de règlement les plus classiques et les plus anciens.
»89 Pour le professeur N. Quoc Dinh, les bons offices et la
médiation sont deux modes d'origine coutumière et
codifiés par la Convention de la Haye du 29 juillet 1899 et du
18 octobre 1907 tandis que la conciliation a été
apportée par la convention de Vienne sur le droit des traités
du 23 mai 1969.90
Etant confidentiels,91 ces modes de
règlement des différends prévus par le Mémorandum
peuvent être demandés à tout moment de la procédure
par l'un des membres parties en conflit et peuvent être mis fin à
tout moment.92 Ainsi, le Directeur Général, dans
l'exercice de ses fonctions, peut apporter ses bons offices, sa conciliation ou
sa médiation aux parties en vue d'arriver à une résolution
de leur conflit.93 Toutefois, si les parties en consentent, ils
peuvent continuer pendant que la procédure du Groupe spécial se
poursuive.94
Partant de ces considérations, nous sommes en droit de
dire que autant les consultations sont importantes, autant les bons offices, la
médiation et la conciliation sont nécessaires dans la
résolution des différends commerciaux multilatéraux. Mais,
ils sont simplement mis en
86 Voir l'article 4§11 du Mémorandum
d'accord
87 Article 4§10 du Mémorandum
d'accord
88 Article 5§1 du Mémorandum
d'accord
89 P. M. DUPUY, Droit international public,
Paris, Dalloz. 4°ed, 1998, p 467
90 N. Quoc. DINH, Droit international public,
Paris, LGDJ, 7°ed, 2002, p 833 et s
91 Article 5§2 du Mémorandum
d'accord
92 Article 5§3 du Mémorandum
d'accord
93 Article 5§6 du Mémorandum
d'accord
94 Article 5§5 du Mémorandum
d'accord
branle dans cette phase que nous pouvons qualifier de «
non contentieuse ». C'est pourquoi elle peut être qualifiée
de procédure diplomatique ou simplement de procédure
politique.
Toutefois, si cette phase n'aboutit pas à une solution
satisfaisante du litige, les parties peuvent demander l'établissement
des Groupe spéciaux et éventuellement recourir à l'examen
de l'organe d'appel dont l'esprit même s'attache à une
procédure juridictionnelle.
2- Une procédure juridictionnelle ou «
quasi-juridictionnelle »
La procédure juridictionnelle ou «
juridicisée »95de règlement des différends
de l'OMC renvoie d'une part à l'établissement d'un Groupe
spécial (Panels, déjà connus sous l'empire du
GATT) dont la tâche consiste à l'examen de l'affaire en «
première instance » et d'autre part, le recours à l'Organe
d'appel permanent (qui est une nouveauté apportée par les Accords
de l'OMC) servant en quelque sorte un « second degré » de
juridiction96 ; il est habilité à examiner l'affaire
en appel.
Dans un premier temps, si les parties en conflits n'arrivent
pas à résoudre leur litige dans les soixante(60) jours suivant la
date de la réception de la demande de consultation, la partie plaignante
peut demander l'établissement d'un Groupe spécial.97
C'est alors que commence la phase que l'on peut considérer «
contentieuse ». Cette procédure est régie par les articles 6
à 16 du Mémorandum d'accord, complétés par
l'Appendice 3.
Si la partie plaignante le demande, un groupe spécial
est établi, au plus tard, à la réunion de l'ORD qui suit
celle à laquelle la demande a été inscrite pour la
première fois à l'ordre du jour de l'ORD, à moins que ce
dernier ne l'ait rejetée par un consensus
négatif.98
La demande de l'établissement d'un Groupe
spécial doit être faite par écrit ; elle doit
préciser si les consultations ont bien eu lieu, indiquer les
mesures spécifiques en cause et contenir un exposé bref du
fondement juridique de la plainte.99 Selon l'Organe d'appel, dans
l'affaire Brevets pharmaceutiques (une plainte des Etats-Unis), les
parties à un différend doivent « dès le
début, tout dire en ce qui concerne aussi bien les allégations en
question que les faits en rapport avec les allégations. Les
allégations doivent être clairement formulées. Les faits
doivent être volontairement divulgués. »100
La formulation précise des allégations va justement constituer la
base du mandat du Groupe spécial défini à l'article 7 du
Mémorandum et servira une information pour la partie
défenderesse, et pour les tierces parties un fondement
95 Cf. J. BURDA, op.cit. p 16
96 A bien des égards, certains juristes
contestent ce rôle, du moins considèrent-ils que l'Organe d'appel
joue plutôt un rôle de cassation, voir à ce sujet, D.CARREAU
et P.JUILLARD, op.cit. p 100-101
97 Article 4§7 du Mémorandum
d'accord
98 Article 6§1 du Mémorandum
d'accord. Il s'agit d'une règle nouvelle insérée dans
le cadre de l'OMC car, sous l'empire du GATT, la partie défenderesse
pouvait s'opposer à l'établissement d'un Groupe spécial en
imposant son véto. Ce consensus va permettre une désignation plus
facile d'un Groupe spécial et la rendre relativement systématique
étant donné que le consensus positif est devenu négatif
« en ce qu'il n'est plus nécessaire pour l'adoption du rapport,
mais pour son rejet. » Voir, B. TAXIL, L'OMC et les pays en
développement, Montchrestien, 1998, p 138
99 Article 6§2 du Mémorandum
d'accord
100 Affaire Inde-Brevets pharmaceutiques et les produits
chimiques pour l'agriculture, 1997. OMC. Doc. WT/DS50/AB/R, Rapport de
l'Organe d'appel [Brevets pharmaceutiques]
juridique de la plainte.101 Une fois établi,
le Groupe spécial est mandaté par les parties et s'applique
automatiquement.102 Ce mandat est fondamental pour au moins deux
raisons. D'une part, il permet de garantir une procédure
régulière, assurant aux parties et aux tierces parties des
renseignements suffisants relatifs aux allégations en cause, d'autre
part il détermine le domaine de compétence du Groupe
spécial103tel qu'il est régi au paragraphe 1. Cette
compétence déterminée par le mandat constitue en quelque
sorte une compétence d'attribution (rationae materiae),
c'est-à-dire que le groupe spécial est lié par les termes
du mandat ; il ne peut pas aller, ni au-delà, ni en deçà
de ce qui a été déterminé par les parties dans le
mandat, sinon il aura agi ultra petita.104 A cet effet, si
le défendeur considère que les allégations portées
par le demandeur sont hors du mandat, il doit formuler sa contestation en temps
utile et non à un stade tardif de la procédure comme celui de
l'examen du rapport intérimaire.105
Les Groupes spéciaux sont composés de personnes
très qualifiées ayant ou non des attachements avec des
administrations nationales. Ces personnes sont choisies parmi celles qui ont
acquis une connaissance qualifiée et une expérience requise dans
le domaine de la politique commerciale internationale ou de l'économie
internationale (pour avoir été professeurs ou
praticiennes).106 En outre, elles doivent être
indépendantes et compétentes.107 Il demeure important
de retenir qu'aucun ressortissant des membres dont le gouvernement est partie
au différend ou à titre de tierce partie, à moins que les
parties en conflits n'en conviennent autrement, ne siège au Groupe
spécial à la connaissance duquel le litige est
porté.108 Cependant, si le différend concerne un pays
en développement (PED), à sa demande, le Groupe spécial
pourra comporter au moins un ressortissant de celui-ci.109
Composés en principe de trois(3) membres, le Groupe spécial peut
être augmenté à cinq(5) sur le consentement des parties
dans un délai de dix (10) jours à compter de
l'établissement du Groupe spécial,110 même si
à l'heure actuelle aucun Groupe spécial n'a été
composé de cinq(5) membres.111 Toutefois, si un accord sur la
composition du Groupe spécial n'intervient pas dans un délai de
vingt(20) jours après la date de l'établissement du Groupe
spécial, le Directeur Général, à la demande de
l'une ou de l'autre partie et en consultation avec le Président de l'ORD
ainsi que celui du Conseil ou du comité compétent,
détermine la
101 Voir l'affaire Communautés
européennes-Régime applicable à la vente et la
distribution des bananes, supra, note 61
102 Article 7§1 du Mémorandum d'accord
103 Voir l'affaire Brésil-Mesures visant les noix
de coco desséchés (plainte des Philippines) ,1997. OMC. Doc
WT/DS22/AB/R, Rapport de l'Organe d'appel [Noix de coco]
104 Voir l'affaire Chili-système de fourchette de
prix et mesures de sauvegarde appliquées à certains produits
agricoles (plainte de l'Argentine), 2002. OMC.Doc.WT/DS207/AB/R, Rapport
de l'Organe d'appel [Mesures de sauvegarde aux produits agricoles]
105 Voir, l'affaire Etats-Unis-Acier au carbone,
2002.OMC.Doc.WT/DS184/AB/R, Rapport de l'Organe d'appel [Acier au
carbone]
106 Article 8§1 du Mémorandum d'accord
107 Article 8§2 du Mémorandum d'accord
108 Article 8§3 du Mémorandum d'accord
109 Voir l'article 8§10 du Mémorandum
d'accord
110 Article 8§5 du Mémorandum d'accord
111 Cf. El. BEYROUTHY, op.cit. p 19
composition du Groupe spécial conformément aux
différentes règles et procédures de l'accord visé
ou à d'autres invoqués dans le différend.112
En cas de pluralité des plaignants sur une même
question, l'établissement d'un seul Groupe spécial peut
être effectué en tenant compte bien sûr des droits de tous
les plaignants.113 Cela relève d'un souci de rapidité
des procédures devant les groupes spéciaux mais également
une efficacité du traitement de l'affaire, car ce Groupe spécial
unique examinera l'affaire et présente à l'ORD ses constations
dans les conditions du respect des droits des parties.114 Mais, si
plusieurs Groupes spéciaux sont établis pour connaitre la
même question, les mêmes plaignants « feront parties de
chacun de ces Groupes spéciaux et le calendrier des travaux des Groupes
spéciaux saisis de ces différends sera harmonisé.
»115
Outre les intérêts des parties au
différend, l'établissement des Groupes spéciaux tient
également compte de ceux des tierces parties comme le prévoit
l'article 10 aux paragraphes 1 et 4 du Mémorandum. Ainsi, tout membre
qui a manifesté un intérêt substantiel dans une affaire
portée devant un Groupe spécial et qui en a informé l'ORD
a la possibilité de se faire entendre par le même Groupe
spécial par des communications écrites ; ces dernières
sont portées à la connaissance des parties au différend et
prises en compte dans le rapport du Groupe spécial.116
Inversement, les communications de celles-ci à la première
réunion du Groupe spécial lui sont
présentées.117
Il est important de souligner que les Groupe spéciaux
ont un rôle important à jouer dans le règlement des
différends. En effet, les Groupes spéciaux ont une fonction
« d'aider l'ORD à s'acquitter de ses responsabilités au
titre du présent mémorandum et des accords visés. En
conséquence, un Groupe spécial devrait procéder à
une évaluation objective de la question dont il est saisi, y compris une
évaluation objective des faits de la cause, de l'applicabilité
des dispositions des accords visés pertinents et de la conformité
des faits avec ces dispositions, et formuler d'autres constations propres
à aider l'ORD à faire des recommandations ou à statuer
ainsi qu'il est prévu dans les accords visés. Le Groupe
spécial devrait avoir régulièrement des consultations avec
les parties au différend et leur donner des possibilités
adéquates d'élaborer une solution mutuellement
satisfaisante. »118 Notons ainsi que les Groupes
spéciaux se livrent à deux tâches. D'une part, ils
s'attachent à l' « évaluation objective » des faits en
établissant les faits et les qualifiant juridiquement en vertu des
accords pertinents.119 D'autre part, ils fournissent un
règlement positif du litige, c'est-à-dire établir des
« justifications fondamentales » sur lesquelles s'appuient leurs
constations et leurs recommandations.120 Il convient de remarquer
que les Groupes spéciaux disposent une liberté sur
l'appréciation du champ de leur propre compétence ; c'est une
sorte d' « emprunt » au
112 Article 8§7 du Mémorandum d'accord
113 Article 9§1 du Mémorandum d'accord
114 Article 9§2 du Mémorandum d'accord
115 Article 9§3 du Mémorandum d'accord
116 Article 10§2 du Mémorandum d'accord
117 Article 10§3 du Mémorandum d'accord
118 Article 11 du Mémorandum d'accord.
119 Voir, affaire Communautés
européennes-Hormones, supra, note 58
120 Voir, affaire Etats-Unis-Subventions concernant le
coton Upland, 2005.OMC.Doc.WT/DS267/AB/R parag 276, Rapport de l'Organe
d'appel
fonctionnement des juridictions nationales et
arbitrales.121 Egalement, ils disposent une liberté
d'appréciation implicite sur les allégations des parties.
Cependant, ils ne peuvent traiter « que les allégations qui
doivent l'être pour résoudre la question en cause dans un
différend»122sus mentionnées dans leur
mandat, et aller au-delà les exposerait à la censure de l'Organe
d'appel.
Pour mener à bien la tâche qui leur est
confiée, les Groupes spéciaux sont invités à suivre
une procédure de travail bien établie à l'article 12 du
Mémorandum d'accord et celles de l'Appendice 3.123 Ainsi, ils
doivent suivre les procédures de travail énoncées dans
l'Appendice sus rappelé sauf si les parties au différend n'en
conviennent autrement.124 De surcroît, la procédure des
Groupes spéciaux doivent offrir une flexibilité suffisante afin
que leurs rapports soient de haute qualité conformément aux
délais de travail.125 A cet effet, se réunissant en
séance privée,126 les Groupes spéciaux sont
enclins dans des délais relativement suffisants pour l'examen de
l'affaire portée à leur connaissance. Pour un souci
d'efficacité de la procédure, les Groupes spéciaux doivent
examiner l'affaire dans un délai qui, en général,
s'inscrit dans les six(6) mois sauf en qu'en cas d'urgence, et que le
différend met en jeu un bien périssable, ils devront
présenter leur rapport aux parties dans les trois(3) mois.127
Ces délais de six(6) ou de trois(3) mois devraient normalement suffire
aux Groupes spéciaux dans leurs travaux, sanctionnés de rapports
limpides et efficaces aussi bien dans la forme que dans le fond. C'est pour
cette raison, s'ils estiment que ces délais de six(6) mois ou de
trois(3)-selon les cas- leur semblent insuffisants pour établir leurs
rapports, ils doivent informer l'ORD, par écrit, les raisons de ce
retard en lui indiquant celui au terme duquel ils seraient en mesure de
remettre leurs rapports aux parties.128
A toutes fins utiles, il convient de remarquer que les Groupes
spéciaux, dans l'exercice de leur mission, sont habilités de
jure à recours aux renseignements et avis techniques de toute
personne ou tout organisme sur certains aspects de la question qui leur est
soumise.129 Ils tiennent ainsi un pouvoir discrétionnaire sur
cette prérogative. C'est à dire qu'ils ne sont pas tenus, dans
chaque cas, de demander des renseignements ou avis aux experts individuels
comme le fait déjà remarquer l'Organe d'appel dans l'affaire
Hormones, puis confirmer ultérieurement dans l'affaire
Argentine-Chaussures (une plainte des Etats-Unis) dans laquelle il
convient qu'« groupe spécial n'est pas tenu de demander des
renseignements dans chaque cas ni de consulter les groupes individuels.
L'article 13 laisse au groupe spécial la liberté de
121 Cf. D. CARREAU et P.JUILLARD. op.cit. p 99
122 Affaire Etats-Unis-Mesures affectant les importations
de chemises et blouses de laine tissés en provenance
d'Inde.1997.OMC. Doc, WT/DS33/AB/R, Rapport de l'Organe d'appel
[Chemises et blouses de laine]
123 Paragraphe1 de l'Appendice 3 du Mémorandum
d'accord
124 Article 12§1 du Mémorandum d'accord.
125 Article 12§2 du Mémorandum d'accord
126 Voir, Paragraphe 2 de l'Appendice 3 du
Mémorandum d'accord, en conjugaison avec l'article 14 du
Mémorandum d'accord sur le caractère confidentiel des
délibérations des Groupes spéciaux.
127 Article 12§8 du Mémorandum d'accord
128 Article 12§9 du Mémorandum d'accord.
Pour une étude approfondie sur la question des procédures et
le calendrier de travail des Groupes spéciaux, voir El. BEYROUTHY.
op.cit. p23 et s
129 Voir l'article 13§1 du Mémorandum d'accord
mais aussi l'Appendice 4 sur les Groupes consultatifs
d'experts
demander si l'établissement d'un groupe consultatif
d'experts est nécessaire ou approprié. »130
Avant l'adoption des rapports, les Groupes spéciaux
remettent aux parties en conflits les
sections descriptives de leurs projets de rapport,
bien sûr après l'examen des communications et arguments
oraux.131 Cela s'inscrit certes dans une dynamique de transparence
et de « bon jugement » dans les rapports, parce que permettent
à l'une des parties, dans un délai fixé par les Groupes
spéciaux, de demander à ceux-ci de réexaminer leurs
rapports intérimaires avant de livrer leurs rapports
finaux.132
Pour que les membres aient un délai suffisant pour
examiner les rapports des Groupes spéciaux, l'ORD n'examinera ces
rapports, afin de les adopter, que dans les 20 jours suivant la date de leur
distribution aux membres.133 Si un membre a des objections
concernant le rapport des panels, il peut exposer les raisons de ses objections
par écrit « afin que ces exposés soient
distribués au moins 10 jours avant la réunion de l'ORD au cours
de laquelle le rapport sera examiné. »134
A moins qu'une partie au différend ne notifie
formellement à l'ORD sa décision de faire appel ou que l'ORD
décide, par consensus, de ne pas procéder à l'adoption du
rapport dans les 60 jours après la date de distribution du rapport des
Groupes spéciaux aux membres, celui-ci sera adopté lors d'une
réunion de l'ORD.135 Cette étape est
cruciale136 car elle donne suite à la destinée du
rapport ; si toutefois l'une des parties n'est point satisfaite, elle pourra
« interjeter » appel devant l'Organe d'appel permanent.
Il n'est point inopportun de rappeler que la phase de l'examen
de l'affaire devant les Groupes spéciaux a quand même eu des
résultats encourageants dans l'histoire du mécanisme de
résolution des conflits de l'OMC. Effectivement, de janvier 1995
à mars 2005 sur les 329 plaintes adressées à l'ORD 84 ont
été résolus à l'examen par un groupe
spécial137ou à l'Organe d'appel.
La phase devant l'Organe d'appel permanent est une
avancée évidente du nouveau mécanisme de résolution
des litiges commerciaux de l'OMC par rapport à son ainé du GATT.
D'aucuns diront que c'est un symbole de juridictionnalisation du système
de règlement des différends de l'OMC.138 Dans les 60
jours suivant la remise du rapport d'un Groupe spécial aux membres de
l'OMC, les parties, de leur bon vouloir, pourront interjeter appel devant
130 Affaire Argentine-Mesures affectant les importations
de chaussures, textiles, vêtements et autres articles. 1998.
OMC.Doc. WT/DS56/AB/R, Rapport de l'Organe d'appel
[Argentine-chaussures]
131 Voir, l'article 15§1 du Mémorandum d'accord
132Voir, l'article 15§2 du Mémorandum
d'accord
133 Article 16§1 du Mémorandum d'accord
134 Article 16§2 du Mémorandum d'accord
135 Article 16§4 du Mémorandum d'accord
136 Voir, H. Ruiz-FABRI, « Le contentieux de
l'exécution dans le règlement des différends de
l'Organisation mondiale du commerce », J.D.I, p 605
137 Voir Charles-Emmanuel. COTE, supra note 75
138 Cf. H.GHERARI, « Le recours aux procédures
intégrées des organisations internationales économiques :
le système de règlement des différends de l'Organisation
mondiale du commerce », in Droit international de l'économie
internationale, Pedone, Paris, 2004, p 949
l'Organe d'appel pour un autre examen du litige. Celui-ci
pourra : « confirmer, modifier ou infirmer les constatations et les
conclusions juridiques du groupe spécial. »139 Nous
voyons bien que l'Organe d'appel se limite à la constatation des
questions de droit et non celles de faits. C'est pourquoi, la
dénomination peut nous paraitre bizarre. Car judiciairement, le terme
appel renvoie à la possibilité pour la juridiction du
second degré de réformer ou annuler le jugement rendu par la
juridiction du premier degré, en se penchant, bien sûr, aussi bien
sur les faits que sur les éléments juridiques. C'est en quelque
sorte une remise en cause de la question de la chose jugée de la
juridiction du premier degré. Or, selon le Mémorandum d'accord :
« l'appel sera limité aux questions de droit couvertes par le
rapport du groupe spécial, et aux interprétions de droit
données par celui-ci. »140 Il emprunte ainsi les
caractéristiques d'une juridiction de cassation dans la mesure
où le pourvoi en cassation, comme on le sait, et ce qui est son
cas, vise à sanctionner la violation des règles de droit que la
juridiction inférieure aurait commise. Même si la qualification
juridique des faits relève de son contrôle et de sa
compétence,141 l'Organe d'appel refuse toujours de
réexaminer les questions factuelles qu'il laisse aux groupes
spéciaux d'en connaitre. Cependant, il peut soulever toute question ou
tout argument juridique non soulevé par les parties. A
contrario, l'Organe d'appel ne peut discuter ou répondre à
une question qui est hors de son mandat, comme il eut déjà
à le préciser dans l'affaire Produits laitiers : «
En l'absence de constatations de faits établies par le Groupe
spécial ou de faits non contestés dans le dossier du Groupe
spécial[...]nous ne sommes pas en mesure, dans le cadre de notre mandat
tel qu'il est énoncé à l'article 17 du Mémorandum
d'accord, de mener à bien l'analyse. »142
Etabli par l'ORD, l'Organe d'appel est composé de
sept(7) membres dont les trois(3) sont appelés à siéger en
« section » pour chaque affaire.143 Ses membres ont un
mandat de quatre(4) ans, renouvelable une fois.144 Sa composition
sera, dans l'ensemble, représentative de celle de l'OMC et comprendra
des personnes ayant une autorité reconnue relativement à leur
connaissance du droit, du commerce international et des questions relevant des
accords issus de l'acte final de Marrakech. Egalement, ces personnes devront
être sans attaches avec leurs administrations nationales, leur
qualité d'indépendance et de compétence seront
déterminantes.145
L'Organe d'appel fonctionne selon une procédure
particulière de travail qu'il fixe lui-même. Aux termes de
l'article 17 paragraphe 9 du Mémorandum, l'Organe d'appel « en
consultation avec le président de l'ORD et le directeur
général, élaborera des procédures de travail qui
sont communiquées aux membres pour leur information. » Ces
règles de procédure ont été pour la première
fois adoptées le 15 février 1996. Elles seront
ultérieurement
139 Article 17§13 du Mémorandum d'accord
140 Article 17§6 du Mémorandum d'accord
141 Affaire Chili-Mesures de sauvegarde appliquées
à l'agriculture, supra, note 107. Dans cette affaire, il est
établi que « l'interprétation de la compatibilité
d'un fait ou d'un ensemble de faits donnés avec les prescriptions d'une
disposition conventionnelle donnée est une question de qualification
juridique » qui ressort de l'Organe d'appel.
142 Voir, affaire Produits laitiers, supra note 39
143 Article 17§1 du Mémorandum d'accord
144 Article 17§2 du Mémorandum d'accord
145 Article 17§3 du Mémorandum d'accord
modifiées et remplacées par celles du 1 mai
2003, par la suite remplacées le 4 janvier 2005.146
Les décisions de l'Organe d'appel sont
généralement prises par consensus.147A
défaut d'un consensus, celles-ci seront prises à la
majorité. Ainsi, les membres peuvent formuler des opinions
« séparées » (pour ne pas dire dissidentes), mais dans
un anonymat total.148 Une fois rédigées, les
conclusions de l'Organe d'appel doivent être adoptées par l'ORD et
acceptées sans condition par les parties en conflit. Le rejet de
celles-ci n'est possible que lorsque l'ORD décide, par consensus, de ne
pas procéder à son adoption dans les trente(30) jours suivant sa
distribution aux membres.149 On constate bien la place
éminente de l'ORD dans cette phase ; il est non seulement gardien de
l'administration du mécanisme de règlement des différends,
mais aussi il supervise la légalité et l'opportunité des
solutions qu'aurait dégagées l'Organe d'appel à travers
ses rapports. Ce qui laisse une marge de doute sur la qualité
juridictionnelle de cette dernière instance.150
Au demeurent, il faut dire que la procédure devant
l'Organe d'appel ne doit pas, en principe, dépasser soixante(60)
jours,151à moins qu'il y'ait des circonstances
exceptionnelles, lesquelles permettront de prolonger la procédure de
trente(30) jours.152 En aucun cas, elle ne peut dépasser 90
jours.
Comme dit C. Mocquart : « les rapports adoptés
par l'Organe d'appel ne constituent que la manifestation des droits et
obligations que le membre s'est engagé à respecter.
»153 C'est dire simplement que l'Organe d'appel ne prononce pas
un arrêt ; il se borne modestement à présenter un
rapport, lequel contient ses constatations et recommandations ou encore ses
suggestions prévues à l'article 19 du Mémorandum
d'accord, qui par ailleurs doit être mis en oeuvre.
Lorsque le rapport fait état d'une violation des
accords de l'OMC, la partie incriminée doit mettre en
exécution les décisions issues du rapport dont l'esprit renvoie
à la levée des mesures illicites. Néanmoins, si elle
estime que la mise en oeuvre de ce rapport ne peut se réalisée
dans l'immédiat, un délai raisonnable-qui, en principe, ne
dépasse pas quinze(15) jours- peut être
trouvé.154 C'est souvent par le biais de l'arbitrage
que les parties arrivent à la détermination de ce
délai raisonnable.155
146 OMC.Doc WT/AB/WP/5(2005) sur Les Procédures de
travail de l'examen en appel
147 Article 3§2 ibid.
148Voir à ce titre, l'article 17§11 du
Mémorandum d'accord
149 Article 17§14 du Mémorandum d'accord
150 Cf. D. CARREAU et P. JUILLARD, op.cit. p 101
151 Voir l'article 20 du Mémorandum d'accord
152 Cf. J.BURDA, op.cit. p 25
153 Cf. Carine. MOCQUART, « Efficacité des
sanctions et retraits des concessions dans le système de
règlement des différends de l'OMC », R.C.A.D.I,
2003, p 39
154 Affaire Australie-Mesures visant les importations de
Samous, 1999.OMC.Doc.WT/DS18/9 (Plainte du Canada). L'arbitre Said
El-NAGGAR a établi qu' « en l'absence d'une solution
mutuellement convenue, l'objectif premier [du mécanisme de
règlement des différends] est habituellement le retrait
immédiat de la mesure jugée incompatible avec l'un des accords
visés. Ce n'est que s'il est irréalisable pour lui de le faire
que le membre concerné a droit à un délai raisonnable pour
la mise en oeuvre. »
155 Voir, article 21 du Mémorandum d'accord
Sous le bénéfice de ces précisions, nous
pouvons, sans risque de nous tromper, dire que la procédure de l'organe
de règlement des différends de l'OMC(ORD) est une
procédure efficace car elle allie la diplomatie et le juridique ; la
souplesse et la rigidité. Ceci évidemment se reflète dans
ses décisions et recommandations.
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