B) L'enlèvement du bouclier de l'exequatur
A priori, on pourrait logiquement admettre que les
sentences arbitrales étrangères eussent reçu une force
exécutoire dès qu'elles avaient étés rendues.
Cependant, une telle hypothèse
risque de ne trouver aucun écho favorable. En fait,
bien que beaucoup de pays acceptent le système d'arbitrage commercial
international et ratifient la Convention de New York du 10 décembre 1958
sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales
étrangères, il n'en reste pas moins que ceux-ci refusent
généralement d'avaliser les sentences arbitrales
étrangères sans le moindre contrôle ; ceci est
également vrai pour les jugements étrangers d'origine
étatique.320 Cette situation est critiquable à deux
points de vue.
D'abord, nous estimons qu'à l'aube de la «
mondialisation du droit » où la coopération judiciaire
internationale est plus que jamais évidente, l'exécution
forcée des sentences arbitrales étrangères ne devrait plus
être subordonnée à la vérification du juge
étatique. S'il est incontestablement admis que l'arbitre est investi de
pouvoir juridictionnel et que sa sentence n'est susceptible ni d'opposition, ni
d'appel encore moins de pourvoir en cassation,321 alors serait-il
beaucoup plus légitime qu'il donne lui-même la force
exécutoire à sa sentence, et que les parties y soumettent
automatiquement comme cela se fait devant la procédure judiciaire. Cela
éviterait à la partie gagnante (c'est souvent l'opérateur
économique étranger) de subir des pertes pécuniaires
résultant d'un pourvoi au cas où il y'aurait refus
d'exéquatur. En outre, si nous ne réfutons pas le principe selon
lequel l'arbitre a la compétence de déterminer sa propre
compétence,322 on aurait dû, par parallélisme,
accepter la force exécutoire de ses décisions.
De plus, il est constaté que dans nombreux pays qui
nécessitent plus le concours des investisseurs étrangers, le
système juridique et judicaire est défaillant, sinon il garantit
peu un environnement favorable des affaires. Il est vrai donc qu'investir dans
ces pays relève d'un risque réel. C'est pourquoi, les
investisseurs étrangers, en concluant avec l'Etat d'accueil une
convention en vertu de laquelle ils soumettraient leurs litiges à
l'arbitre, entendaient combler ce risque. Et comme dit A. Polo : «
investir est déjà en soi un risque, même s'il est
calculé ; s'il faut doubler ce risque premier inéluctable de
celui d'un système juridique fluctuant, ondoyant et insaisissable, il
n'y a pas beaucoup d'espoir de susciter l'attrait des investisseurs.
»323 Partant de là, nous estimons qu'il faille
donner à ce tiers, auquel les parties ont porté leur
différend, un pouvoir juridictionnel lui permettant, non seulement de
donner une force obligatoire à sa sentence mais également
d'imposer l'exécution forcée de celle-ci sans recours au juge
national.
Eu égard à ces précisions, même si
toutefois nous sommes convaincus que l'arbitrage est de nature contractuelle et
juridictionnelle,324 nous militons pour un enlèvement total
ou partiel
320 Voir, Jean-Yado. POE, op.cit. p 166
321 Article 25 de l'Acte Uniforme de l'OHADA sur
l'arbitrage
322 Article 41 alinéa 1 du Règlement
d'arbitrage de CIRDI (nouveau), en vigueur 10 avril 2006 ; P. MAYER,
« L'autonomie de l'arbitre international dans l'appréciation de sa
propre compétence », R.C.A.D.I 1989, p 430
323 Aregba. POLO, « L'OHADA : historique, objectifs et
structures » in Ph. FOUCHARD (sous la dir.), L'OHADA et les
perspectives de l'arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René-Jean.
Dupuy pour le droit et le développement, Vol 1, Bruylant,
Bruxelles, 2000, p 9
324 L'arbitrage, quel qu'en soit l'objet, repose
essentiellement sur deux piliers. C'est une convention privée des
parties, poursuivant un but juridictionnel dès lors qu'elles conviennent
de faire trancher leur litige, non pas par des juges étatiques, mais par
des juges privés qu'elles ont choisis et selon des modalités
définies par elles. Voir, Angélos. C. FOUSTOUCOS, L'arbitrage
interne et international en droit privé hellénique,
thèse de doctorat d'Etat, Université de Droit, d'Economie et de
Sciences sociales (Paris 2), 1973, p 3
de l'exequatur. Car, cela s'inscrira dans une perspective de
donner une légitimité beaucoup plus accrue aux sentences
arbitrales étrangères et d'autre part de mieux mesurer la
portée du rôle de l'arbitrage dans le commerce international.
|