Le règlement juridictionnel des conflits internationaux en matière commerciale.( Télécharger le fichier original )par Mody Fall DIAGNE Université Cheikh Anta Diop de Dakar(UCAD) - Master 2 en Droit Public 2013 |
CHAPITRE II : UNE EFFICIENCE ALTEREE PAR CERTAINES DIFFICULTESLes difficultés altérant le mécanisme de règlement juridictionnel des conflits commerciaux internationaux sont nombreuses. Mais, elles sont quasi-surmontables (Section 1), ce qui fait le mécanisme demeure tout à fait perfectible (Section 2). SECTION 1 : Mais des difficultés quasi-surmontablesIl s'agit de voir successivement les lacunes de l'Organe de règlement des différends de l'OMC (Paragraphe 1) et celles de l'arbitrage commercial international (Paragraphe 2). PARAGRAPHE 1 : Les lacunes de l'ORDComme tout système juridictionnel, le système de règlement des différends de l'OMC est loin d'être sans vices. A l'heure actuelle, les critiques les plus farouches adressées à l'ORD sont d'abord son manque d'ouverture aux autres acteurs du commerce international, et ensuite son caractère plus ou moins défavorable aux pays en développement. A cela s'ajoute la lourdeur de ses procédures et ses sanctions relativement timides. C'est pourquoi, il est traité non seulement de discriminatoire(A) mais également d'insatisfaisant(B). A) Un mécanisme traité de discriminatoireLe mécanisme de résolution des conflits de l'OMC est traité de discriminatoire car il est très restreint aux seuls Etats. Les particuliers ne peuvent pas le saisir; ils y sont largement exclus(1). En outre, on a considéré qu'il enregistre une modeste participation des PVD(2). 1- Une large exclusion des particuliers Aujourd'hui, il est incontestablement admis que les particuliers, qu'ils soient individus, ou personnes morales de droit privé (entreprises multinationales) ou ONG, ne cessent de jouer des rôles importants dans les négociations commerciales mondiales. Ils sont au début et la fin de ces négociations. A cet effet, Slaughter a fait remarquer que ces acteurs des relations internationales économiques, en particulier les individus, ne peuvent ou ne doivent être ignorés dans un tel système international puisqu' étant « les muscles du droit international qui soutient le développement et le renforcement du système.»297 Les Accords de Marrakech ont donné naissance à une organisation intergouvernementale touchant de larges et nombreux domaines relatifs au commerce avec, notamment l'inclusion des services, des droits de propriété intellectuelle et des investissements liés au commerce. Son vaste champ d'application implique directement ou indirectement des effets sur le développement, les droits des travailleurs, la santé publique ou encore l'environnement.298 C'est dire que les particuliers seront profondément affectés, en tant que éléments centraux du système 297 Cf. A. M. SLAUGHTER, « A new world order », in Ethics and international affaire, Vol 20 n°4 p 529 298 Cf. Julien. Wallet-HOUGET, « La participation des ONG au mécanisme de règlement des différends de l'OMC : Une perspective environnementale », RQDI, 2008, 18.2, p 131 économique mondial, par des mesures multilatérales d'ordre commercial. Toutefois, malgré leur position indéniable dans le système commercial multilatéral, ils ne sont pour autant admis à saisir directement l'ORD lorsqu'une mesure illicite prise par un membre leur affecte sérieusement.299 Or, ceux-ci sont les plus touchés des mesures défectueuses ; c'est donc une exigence légitime pour leur part de vouloir participer au mécanisme de règlement des différends de l'OMC, non pas à titre amicus curiae, mais en tant que parties ayant le plein pouvoir à saisir directement l'ORD pour faire valoir leurs droits. Cela va permettre de rendre le mécanisme beaucoup plus transparent, puisque ce sont eux qui connaissent mieux les contours des opérations commerciales internationales, ce sont eux aussi qui maitrisent mieux le degré d'impact de la violation. De surcroît, l'on a constaté que les particuliers ou leurs intérêts sont souvent mis en jeu dans certains différends soumis à l'ORD. Par exemple, dans l'affaire pellicules photographiques,300 ce qui était en jeu, en réalité, était un litige entre deux multinationales : Fuji et Kodak. Egalement, dans les affaires amiante, hormone, essences, l'intérêt des défenseurs de l'environnement ou celui des droits de l'Homme était plus que jamais mis en évidence. Retenons alors que même si ce nouveau mécanisme de règlement des différends commerciaux constitue l'une des grandes innovations opérées dans le système commercial multilatéral, il n'en reste pas qu'il est entaché de cette limite relative au refus de participation des personnes privées.301 Sous le bénéfice de ces considérations, nous pourrions dire que pour les réformes ultérieures du mécanisme de règlement des différends de l'OMC, l'accent devra être mis sur la question du droit des particuliers à saisir directement l'ORD lorsqu' un membre aura pris des mesures illicites leur faisant grief. En sus, il sera important de se pencher sur le problème de la faible participation des PVD. 2- Une modeste participation des PVD Le mécanisme de résolution des conflits de l'OMC n'est pas facilement accessible pour la majeure partie des pays économiquement faibles. Le constat indique que ces pays saisissent timidement l'ORD. Par exemple, au cours de l'année de 2013, sur les vingt(20) nouvelles demandes de consultation adressées à l'ORD, les pays en développement n'ont déposé que les nefs (9).302 Evidemment, cette situation est aisément compréhensible pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'arsenal procédural établi au sien du mécanisme est carrément insupportable ou difficilement supportable aux pays en développement. La complexité des procédures, au-delà de leur mixité (politique et juridictionnelle), et se déroulant suivant des étapes longues, resterait une des causes de la modeste participation des pays en développement. Egalement, ces procédures sont extrêmement couteuses. En effet, hormis les honoraires des juristes, le coût des procédures provient des voyages à Genève-une ville très éloignée de la plupart 299 Voir, Jamal. BARAFI, Les acteurs privés dans le système de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce(OMC), thèse de doctorat en droit, Université de Strasbourg, Ecole Doctorale, Droit, Science politique et Histoire, 28 septembre 2013. p 11 300 L'affaire Japon-Mesures affectant les pellicules et papiers photographiques destinées aux consommateurs. 1998.OMC. Doc. WT/DS44/R, Rapport du Groupe spécial [Pellicules photographiques] 301 Voir, Aliou. NIANG, op.cit. p 276 302 Consulter le Rapport annuel, OMC, 2014, p 88, disponible sur le site, www.wto.org /différends. d'entre eux-pour les audiences devant l'ORD. Ces voyages peuvent s'élever à des sommes très importantes si bien que les pays pauvres se trouveront presque dans l'impossibilité de les supporter. En outre, la modeste participation des pays moins avancés (PMA) au mécanisme de règlement des différends de l'OMC pourrait s'expliquer par leur nombre limité au sien de l'Organisation et leur volume faible dans le commerce mondial. En fait, ces pays contribuent environ 1% du volume du commerce mondial. Ce faible volume pourrait être un facteur d'un faible contentieux commercial, par conséquent peu de demandes devant l'ORD. M. Canal-Forgues est éloquent à ce point lorsqu'il soutient que : « c'est certainement le développement de l'activité commerciale internationale des pays qui déterminera en grande partie l'accroissement éventuelle de leur participation au mécanisme de règlement des différends. Celle-ci sera alors le reflet bienvenu de cette activité accrue, plutôt qu'un objectif à poursuivre en soi. »303 Pour s'en convaincre, il suffit de prendre l'exemple de leur participation au mécanisme au cours de l'année 2005. En effet, en 2005, seul un parmi eux (à savoir le Bengladesh) avait fait une demande devant l'ORD, à la différence des pays développés comme les Etats-Unis, la Communauté européenne, le Canada et le Japon qui sont les plus actifs au sein du mécanisme. Cependant, ils intervenaient comme tierces parties dans certaines affaires portant sur des matières commerciales qui leur concernaient, et qui touchaient généralement certains produits comme le sucre, ou la banane, ou les crevettes ou encore le coton.304 En fin, cette modeste participation pourrait provenir de leur carence en juristes spécialisés en matière de commerce international. Généralement, les PED ne disposent pratiquement pas de plateaux juridiques animés par des personnalités chevronnées en matière de politiques commerciales internationales ; ce qui fait qu'ils n'oseraient pas, même si appuyés par un expert juridique mis à leur disposition par le SG de l'OMC, se frotter avec les pays développés. Ces « barons » de l'OMC disposent de représentation de juristes plus actifs que ceux des pays en voie de développement. Par exemple, les Etats-Unis disposent d'une vingtaine d'avocats spécialisés dans les questions de commerce international tandis que l'Union européenne dispose un service juridique spécialisé pour les affaires de l'OMC.305 Nonobstant ses avancées importantes dans la prévisibilité du système commercial international, le mécanisme de règlement des conflits de l'OMC est taxé de discriminatoire. Egalement, d'aucuns le critiquent d'insatisfaisant. 303 Cf. E. Canal-FORGUES, L'institution de la conciliation dans le cadre du GATT. Contribution à l'étude de la structure d'un mécanisme de règlement des différends. Bruxelles, Bruylant, 1993, p 8 304 Par exemple, le Madagascar a été tierce partie dans quatre affaires(4), la Tanzanie, le République dominicaine et le Malawi dans trois(3) affaires, le Sénégal dans deux(2) affaires alors que le Tchad et le Bénin ont été tierces parties seulement dans une(1) affaire chacun d'eux. 305 Voir, Jamal. MACHROUH, Justice et développement selon l'Organisation mondiale du commerce, Harmattan, Paris, 2008, p 273 |
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