B) Un mécanisme traité
d'insatisfaisant
L'ORD est certes un point focal du système de l'OMC.
Cependant, pour des manquements inhérents à tout système
juridictionnel, il est aperçu, par certains, comme un mécanisme
de règlement des différends commerciaux internationaux qui est
insatisfaisant. Parce que simplement ses procédures sont lourdes (1) et
ses sanctions sont relativement timides (2).
1- Des procédures lourdes
Avec la rapidité des opérations commerciales
internationales, il est indispensable que les conflits relatifs à ces
dites opérations soient résolues de la manière la plus
efficace et la plus rapide afin que l'ordre commercial international se
rétablisse le plus rapidement possible. Le système de
règlement des différends de l'OMC se veut être efficace et
efficient, encore faudrait-il qu'il réponde à cette exigence de
rapidité qui est intimement liée aux transactions internationales
que connait le monde du 21èm Siècle. Ce monde,
épousé fortement par le développement intenable des
Nouvelles Techniques de l'Information et de la Communication(NTC), ne
cesse d'infliger aux acteurs du commerce international, en particulier les
Etats, de nouveaux défis et contraintes d'ordre économique,
politique et surtout social.
L'organe de règlement des différends de l'OMC
est réputé lourd en procédure. Il est vrai que le
système vise à solutionner les conflits entre les membres de
manière équitable et efficiente, mais les procédures sont
inscrites dans des phases trop longues à tel point qu'il laisserait une
marge de doute sur son efficacité surtout dans le contexte où le
commerce multilatéral est investi de plusieurs paramètres
exigeant sa rapidité. Les procédures de l'ORD peuvent
s'étaler, de la demande des consultations jusqu'à la
phase de mise en oeuvre définitive des recommandations, sur une
durée minimale de 425 jours et une durée maximale de 670 jours.
C'est qui fait que le mécanisme se révèle très
compliqué et moins avantageux pour les pays en faible situation
économique. Justement, si ceux-ci sont victimes des
irrégularités commises par un autre membre, il leur serait
très difficile d'attendre toute cette durée, au cours de
laquelle, probablement, la mesure illicite continuerait de les affecter
concrètement, pour qu'ils soient enfin autorisés à prendre
des mesures de compensation et éventuellement recourir à des
représailles (restrictions commerciales ou mesures de rétorsion
au sens du droit de l'OMC) à l'égard du membre responsable. Il
s'y ajoute également l'absence presque de procédures
d'urgences.306 En effet, nous n'y retrouvons pas de procédure
de référé et celle de sursis, que nous
avons l'habitude de voir généralement dans les procédures
judiciaires de règlement des différends à l'échelle
nationale. Nous notons simplement une disposition laconique de
Mémorandum d'accord qui prévoit qu'en cas « d'urgence, y
compris dans les cas où il s'agit de biens périssables, les
parties au différend, les groupes spéciaux, l'Organe d'appel ne
ménageront aucun effort pour accélérer la procédure
dans toute la mesure du possible.»307 Cette disposition ne
détermine aucunement la
306 Voir, Jean-Yves DURANCE, « Réforme de l'Organe
de règlement des différends (ORD) de l'OMC, Propositions de la
CCIP », Rapport de la commission du commerce international de la
Chambre de commerce et industrie de Paris, adopté le 10 avril 2003,
p 19
307 Article 4§9 du Mémorandum d'accord
308 Voir, Frank. PETITEVILLE, « L'hégémonie
est-elle soluble dans le multilatéralisme ? Le cas de l'OMC »,
Critique internationale n°22, janvier 2004 p 75
nature de la procédure d'urgence et laisse cette
faculté à la volonté des parties, et le cas
échéant à celle de groupes spéciaux et de l'Organe
d'appel. Or, cette détermination aurait permis de rétablir au
plus vite le membre victime dans ses droits d'une part, et d'autre part
interrompre les effets de la mesure défectueuse, en attendant que le
litige soit tranché définitivement.
Largement critiqué d'insatisfaisant pour la longueur de
ses procédures, le mécanisme de règlement des
différends de l'OMC est encore blâmé pour ses sanctions
relativement timides.
2- Des sanctions relativement timides
Ce serait aussi une manière de se verser dans une
naïveté évidente que de prétendre que le
multilatéralisme de l'OMC ignore complétement les
inégalités de puissances et d'influences entre ses
membres.308 Et, l'ORD n'en constitue pas moins une exception. Il
faut rappeler tout de même que le but initial du mécanisme de
règlement des différends de l'OMC, tel que défini à
l'article 3 paragraphe 7 du Mémorandum d'accord, est, tout d'abord,
« d'arriver à une solution positive des différends
», tout en préférant, en outre, « une solution
mutuellement acceptable pour les parties et compatible avec les accords
visés ». Ce souci fait que le mécanisme procède
de façon tout fait timide par rapport à des sanctions qu'il
aurait prises à l'égard d'un membre qui avait violé les
règles de l'OMC.
Dans un premier temps, la solution envisageable lorsqu'un Etat
viole un accord commercial, est de l'inviter à « l'octroi d'une
compensation » à la faveur de l'Etat membre lésé
; laquelle solution, il faut le rappeler, n'est appliquée que si le
retrait immédiat de la mesure incompatible est irréalisable.
Toutefois, il importe de signaler que les mesures de compensation, dans
l'état actuel du droit de l'ORD, ne sont pas à caractère
financier direct. On pourrait dire qu'elles sont en nature car consistant
plutôt, en pratique, à des baisses sur les droits de douane ou
à des avantages frappant l'exportation d'un produit
déterminé. Ce type de sanction peut s'avérer inefficace
à l'endroit des pays en développement, qui exportent rarement,
puisque leur part dans le volume du commerce mondial est extrêmement
faible, par conséquent leur part dans les exportations est presque
nulle. Ainsi, ils trouveraient moins avantageuses les mesures de
compensations.
Dans un second temps, la sanction qui est prévue par le
Mémorandum d'accord, lorsque les négociations pour arriver
à des compensations mutuellement acceptables sont vaines, est de
permettre à la partie plaignante de procéder à des
contre-mesures ou mesures de rétorsion.
Concrètement, le membre a la possibilité de suspendre ses
concessions ou autres obligations, conformément aux orientations de
l'ORD, au désavantage du membre incriminé. Cette sanction se
manifeste, dans la pratique, inefficiente. Evidemment, dans le cas où le
différend oppose un membre, partie du groupe des PED, et un autre membre
appartenant à celui que l'on dénomme abusivement les «
princes de l'OMC », l'impact des contre-mesures ne serait tout
bonnement qu'illusoire ; c'est parce que le poids économique est
largement différent. Par exemple, en quoi l'Etat du
Sénégal gagnerait à suspendre ses concessions contre les
Etats-
Unis d'Amérique ou contre le Japon, si ce
n'était qu'une perte évidente. Par contre, on pourrait sentir
l'impact de telles sanctions lorsqu'on était en présence des
parties ayant approximativement le même pouvoir économique. Il
apparait donc clairement que les mesures de rétorsion ne peuvent
être efficientes que lorsque les Etats membres parties au
différend sont sur un niveau de développement économique
plus ou moins identique. Qui plus est, on ne doute point sur la
dépendance chronique des marchés des PED à ceux des pays
développés, si bien qu'il s'est avéré presque
impossible pour les premiers d'appliquer des contre-mesures à
la défaveur des seconds, qui par ailleurs demeure leurs partenaires
privilégiés( souvent traditionnels à l'image des pays
sud-américains avec les Etats-Unis ; les pays asiatiques avec le Japon ;
les pays africains avec l'Union européenne) dans les relations
commerciales internationales.
Au regard de tous ces éléments sus
mentionnés faisant compromettre l'efficience du mécanisme de
règlement des différends de l'OMC, il est indispensable et
exigeant, pour un avenir radieux de l'ORD, de se pencher sur la question des
sanctions en vue de leur amélioration. Ce qui permettrait de rendre le
mécanisme beaucoup plus crédible.
Après avoir soulevé, de façon non
exhaustive, les lacunes de l'ORD, il s'agit de voir celles du système
d'arbitrage qui, elles aussi, n'ont pas manqué de trahir l'efficience du
mécanisme de règlement juridictionnel des différends
commerciaux internationaux.
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