PARAGRAPHE 2 : La mise en oeuvre de nouvelles normes du
commerce international
L'action des opérateurs économiques
privés(les commerçants) a permis de forger des usages et
principes généraux qui sont devenus des normes applicables,
reconnues en droit du commerce international. La contribution du
mécanisme juridictionnel de règlement des différends
commerciaux internationaux est loin d'être négligée,
étant entendu que c'est par le bais duquel, en particulier l'arbitrage,
qu'on a pu admettre le caractère obligatoire de ces nouvelles normes du
commerce international dès lors que les parties en conviennent ainsi, et
à l'arbitre (ou le juge) de les faire appliquer en tant que ordres
juridiques. A l'heure actuelle, on peut en retenir celles qui découlent
des pratiques des acteurs commerciaux d'un secteur donné, les
incoterms(A) et celles relevant des principes généraux
du droit du commerce international, la lex mercatoria(B).
252 Voir, affaire Mesures communautaires concernant les
viandes et les produits carnés, 1998. Doc. OMC.
WT/DS48/AB/R, Rapport de l'Organe d'appel, paragraphe 172,
[Hormones]
253 Ibid.
254 Voir, affaire Hormones, paragraphe 187
supra
255 Voir, affaire Communauté
Européennes-Mesures affectant l'amiante et les produits en
contenant,
2001.Doc.OMC, WT/DS135/AB/R paragraphe 167, supra
A) Des usages du commerce international : les
incoterms
L'expression usages du commerce international apparait dans
divers textes relatifs à l'arbitrage commercial
international.256 Dans leur conception restrictive, les usages du
commerce international s'entendent des pratiques contractuelles habituellement
suivies dans une branche déterminée du commerce.257
Elles pourraient s'entendre, dans une conception large, comme des pratiques
contractuelles et des véritables règles de droit
dégagées de l'observation du droit comparé ou d'autres
sources internationales. Il apparait ainsi que les usages pourraient se
confondre avec les principes généraux du droit du commerce
international.258
Les usages en commerce international sont fréquents, et
sont devenus au fil des temps de véritables sources du droit du commerce
international. De plus, leur utilisation constante par les arbitres a permis de
parvenir à l'achèvement en droit du commerce international ce qui
reste à établir en droit international public, à savoir
l'élaboration des règles admises sur la base d'un
consensus.259
Aujourd'hui, dans les usages du commerce international-la
vente internationale des marchandises en particulier -on a constaté
l'influence notoire des incoterms. Ils déterminent les
obligations réciproques du vendeur et de l'acheteur dans le cadre d'un
contrat de vente international.
Abréviation anglo-saxonne de l'expression «
international commercial terms » signifiant en langue française
termes du commerce international (ou conditions internationales de
vente « C.I.V »), les incoterms
résultent d'une codification des modalités de transaction
commerciale mise en place par la Chambre de Commerce international. Chaque
modalité est codifiée par trois(3) lettres et est indissociable
du lieu de livraison auquel elle s'applique. Le but des incoterms est
de fournir une série de règles internationales pour
l'interprétation des termes commerciaux les plus utilisés en
commerce international. Ces termes définissent les obligations du
vendeur et celles de l'acheteur lors d'une transaction commerciale
internationale, en ce qui concerne la livraison de la marchandise vendue, la
répartition des frais et les risques ainsi que la charge des
formalités d'export et import.
Toutefois, il importe de retenir que les incoterms
sont pratiques issues des échanges et transactions (vente et achat
des marchandises) par la voie maritime.260 Mais, ils ont
été élargis dans d'autres secteurs du commerce
international, notamment le secteur bancaire ou celui du blé.
256 Voir, l'article 13§5 du Règlement de la Cour
d'arbitrage de la Chambre de Commerce International(CCI),
l'article 28 alinéa 4 de la Loi-type de la
CNUDCI
257 Cf. E. GAILLARD, « la distinction des principes
généraux du droit et usages du commerce international », in
étude offerte à Pierre. Ballet, Litec, 1991, p 207
258 Ibid.
259 Cf. Thomas .E. CARBONNEAU, « Etude historique et
comparée de l'arbitrage. Vers un droit matériel de
l'arbitrage commercial international fondé sur la
motivation des sentences », Rev.Int.Droit.Comp.Vol.36, n°4,
octobre-décembre, 1984, p 729
260 Voir, J. BEGUIN et M. MENJUCQ, Traité de droit du
commerce international, Litec, 2005
Elaborés par la Chambre de commerce international dans
les années 1920(promulgués en 1950), les incoterms ont
connu une nouvelle version en 2000 puis réformés en 2010. Ces
nouveaux termes du commerce international sont entrés en vigueur le
1èr janvier 2011. Cette réforme a supprimé
quatre(4) termes au profit de deux(2) nouveaux termes. Ainsi, les termes DAF
« Delivered At Frontier » (Rendu frontière), DES
« Delivered At Ship » (Rendu ex ship), DDU «
Delivered Duty Unpaid » (Rendu droits non acquittés) ont
été remplacés par les termes DAP « Delivered At
Place » (Rendu en lieu), et le terme DEQ « Delivered Ex Quay
» (Rendu à quai).Désormais, ces termes commerciaux sont
au nombre de onze(11) répartis entre deux(2)familles : les termes
utilisables pour le transport par mer et par voie navigable intérieures
et les termes utilisables quel que soit le mode de
transport.261
L'importance pratique des incoterms est
réelle. Les arbitres les utilisent fréquemment. Par exemple,
à propos de l'exécution d'une vente FOB « Franco
à Bord » (port d'embarquement convenu) conclue entre un
vendeur yougoslave et un acheteur français, un tribunal arbitral
constitué sous l'égide de la CCI avait fondé sa
décision sur les incoterms, alors que même les parties
n'y s'étaient pas expressément référées, en
estimant que les frais de surestaries causés par l'arrivée
tardive du navire au port d'expédition devaient être
supportés par l'acheteur qui devait designer le navire.262
Ces usages du commerce international, bien qu'étant en
vogue, sont moins utilisés-dans leur conception restrictive-par les
arbitres ; ces derniers font souvent ou principalement référence
à la conception lato sensus des usages, en l'occurrence les
principes généraux du droit du commerce international, sous la
dénomination de la lex mercatoria.
|