DEUXIEME PARTIE
LE REGLEMNET JURIDUCTIONNEL DES DIFFERENDS COMMERCIAUX
INTERNATIONAUX : UN MECANISME EFFICIENT
Les relations commerciales internationales se sont
extraordinairement développées depuis la fin de la Guerre froide.
Cette croissance du volume commercial mondial a occasionné une forte
formalisation de l'activité commerciale internationale. C'est ainsi que
les opérations commerciales internationales ont été
soumises, par voie conventionnelle, à des corps de règles plus
solides afin de mieux les appréhender. Et, les conflits pouvant en
survenir ont été soumis à des procédures
juridictionnelles plus efficaces dans le but de les résoudre de la
manière la plus convenable.
Dans le cadre du commerce multilatéral, encadré
par les Accords de Marrakech, des avancements importants ont
été notés grâce à son système de
résolution des conflits sous les auspices de l'ORD. Egalement,
concernant les opérations d'investissement relatives au commerce, on a
relevé une contribution avérable des opérateurs
économiques privés. Ces derniers ont apporté une part
considérable dans le volume du commerce mondial. Cela est sans doute la
conséquence d'une sécurité juridictionnelle dont ils ont
eu à bénéficier au cours de la solution de leurs
différends avec leurs partenaires contractuels (il s'agit ici des Etats)
par la procédure arbitrale.
Le mécanisme du règlement juridictionnel des
différends commerciaux internationaux est donc, aux jeux de nombreux
observateurs, efficient. Cette efficience lui est due, d'une part par son souci
de toucher l'ensemble des questions poignantes de la Société
internationale en rapport avec le commerce international, d'autre part par son
apport réel à l'émergence de nouvelles normes et usages
applicables dans le cadre des échanges internationaux. Cependant, il est
retenu que, nonobstant son efficience, des difficultés n'ont pas
manqué d'être soulevées, ce qui fait que le
mécanisme est loin d'être exempt de vices.
Il s'agira donc d'apprécier cette efficience-qui sera
opérée à deux point de vue-(Chapitre I) avant d'analyser
les difficultés auxquels le mécanisme est confronté
(Chapitre II).
CHAPITRE I : UNE EFFICIANCE APPRECIABLE A DEUX
NIVEAUX
L'efficience du mécanisme de résolution des
conflits internationaux relatifs aux transactions internationales peut
être est appréciée à deux niveaux.
Premièrement, ce mécanisme a permis de constater une
effectivité du droit international général (Section 1).
Cette effectivité se réalise suivant une tendance graduelle
(lentement mais sûrement). Deuxièmement, en suivant le
mécanisme, il est permis de constater, à bien des égards,
une réelle volonté de rationaliser les opérations
commerciales internationales (Section 2).
SECTION 1 : Un moyen de promouvoir l'effectivité
du droit international général
En effectuant un coup de routine aux différentes
affaires relatives à l'activité commerciale internationale qui
ont été résolues par la voie juridictionnelle, nous sommes
arrivés à déceler une effectivité du droit
international. En effet, le mécanisme de résolution des conflits
commerciaux multilatéraux, sous l'égide de l'ORD, a permis de
constater une réelle prise en considération des
préoccupations nouvelles de la Société internationale
(Paragraphe 1). Parallèlement, dans le cadre de l'arbitrage commercial
international, sous l'action des « commerçants », ont
été érigés en règles juridiques des usages
et principes généraux de droit qui, par ailleurs, ne
s'identifient à aucun ordre juridique étatique (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : La prise en compte des préoccupations
nouvelles de la Société internationale
La résolution des contestations commerciales
multilatérales a contribué à la réflexion sur les
enjeux intéressant la communauté internationale dans son
ensemble. Ceux-ci, à l'ère actuelle, s'inscrivent dans la
dynamique de la préservation du bien-être social et
économique de la famille humaine, et au-delà de celle-ci, la
préservation de toute sorte de vie.
Nous pouvons, non sans prétention à
l'étude exhaustive, synthétiser ces préoccupations en deux
domaines. D'une part, elles sont d'ordre environnemental(A), car s'inscrivant
dans le sillage de la préservation et la protection de l'environnement,
et d'autre part, elles sont d'ordre social(B), par ce que mettant en relief la
sécurité sociale des personnes.
A) Les préoccupations d'ordre
environnemental
La protection de l'environnement est pendant longtemps
reléguée au second plan dans les préoccupations
commerciales internationales, par la simple raison qu'on avait
considéré qu'il ne pouvait y avoir un lien de causalité
direct entre le commerce et la dégradation de
l'environnement.240 Cependant, l'évolution des
mentalités et la lutte sans relâche des défenseurs de
l'environnement ont fini par influencer les négociateurs des relations
commerciales multilatérales à intégrer la dimension
environnementale dans ces dites relations.241 En effet, à
défaut d'un consensus à l'époque du GATT, les
préoccupations environnementales ne seront introduites dans les accords
commerciaux multilatéraux que fort récemment, c'est-à-dire
sous l'évènement du système de l'OMC, notamment lors de la
signature de l'Acte final créant un « comité du commerce et
de l'environnement ».242
Compte tenu de la dimension attractive du mécanisme de
règlement des différends internationaux, l'ORD se trouve amener
à répondre sur des questions d'enjeux recouvrant des mesures
extra-commerciales. Il tente ainsi, dans quelques affaires, de concilier
principe de la
240 Voir, B. DIASSY, L'OMC et la protection de
l'environnement, mémoire de master 2 en droit de l'environnement,
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université Cheikh
Anta Diop de Dakar, 2007, p 13 ; N. HAKAN et V. SCOOT, Commerce et
environnement, Etude spéciale, OMC, 1999, p 20
241 Cf. Alex. KOUVEJE, « En attendant le cycle : Que
faire après Seattle? », Politique étrangère,
n°2, 2000, p 453-454 ; Voir également, le préambule de
l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du
commerce(OMC)
242 Voir, la Décision ministérielle du 15 avril
1994 adoptée à la fin de la Conférence de
Marrakech
liberté commerciale et celui de la
protection de l'environnement même si, faut-il le signaler, le
premier principe semble prendre le dessus sur le second,243 si l'on
sait que son but le plus solennel est de promouvoir une réduction
importante des barrières tarifaires ou non tarifaires
considérées comme des entraves au développement du
commerce international.
Les mesures environnementales prises par un membre, partie aux
accords de Marrakech, sont en principe licites sauf s'elles visent à
restreindre arbitrairement le principe de nondiscrimination
affiché par l'OMC. Elles doivent être clairement justifiées
; aussi elles doivent se détacher complétement de toute tentative
de protectionnisme déguisé.
La protection de l'environnement doit être donc
conciliée avec la libéralisation des échanges. Le
mécanisme de règlement des différends de l'OMC n'ignore
aucunement la possibilité pour les Membres de prendre en charge la
protection de leur faune et de leur flore dans leurs rapports
commerciaux. Ceux-ci ont, par exemple, le droit et l'obligation de
protéger les espèces menacées tout en respectant le
principe de libre-échange tant défendu par
l'institution. En effet, l'ORD a estimé que : « Nous n'avons
pas décidé que les nations souveraines qui sont membres de l'OMC
ne peuvent pas adopter des mesures efficaces pour protéger les
espèces menacées(...) Il est évident qu'elles le peuvent
et qu'elles le doivent. »244 Toutefois, si l'on examine la
jurisprudence de l'ORD on pourra arriver à se subodorer de la pertinence
des décisions de celui-ci face aux questions épineuses relatives
à la protection de l'environnement. Il reste dans les esprits sa
réticence dans les affaires célèbres mettant en relief la
préoccupation environnementale, notamment, Essence nouvelles et
anciennes formules(1996) ; Hormones (1997) ;
Crevettes(1998) ; Saumons(1998), alors qu'il devait se monter
plus audacieux et plus pertinent afin de marquer sa position définitive
sur ce « couple conflictuel »245: la
liberté commerciale et la protection de l'environnement.
Il faut donc attendre quelque temps après pour voir
l'ORD se montrer moins réticent envers les considérations
environnementales. Bien sûr, dans l'affaire
Amiante,246 l'Organe d'appel a eu à faire
prévaloir la protection de l'environnement sur la liberté du
commerce international. Cette décision reste la seule à travers
laquelle les défenseurs de l'environnement ont pu trouver
satisfaction.247 Quand même, il faut s'en glorifier,
étant entendu que malgré la pression des membres, la protection
de l'environnement commence à prendre une place non négligeable
dans le système de résolution des conflits commerciaux au sein de
l'OMC. L'ORD recourt ainsi de plus en plus à des normes
extérieures aux dispositions de l'institution
243 Cf. D. CARREAU et P. JUILLARD, op.cit. p 383
244 Voir, affaire Crevettes, note supra
245 Il faut entendre par là de la difficile
conciliation qui existe entre la protection de l'environnement et la promotion
du libre-échange dans les relations commerciales mondiales. Il est
évident que le commerce est fondamentalement lié à
l'environnement à tel point que la défaillance de l'un peut
impacter l'autre. Cependant, le souci de protéger leur environnement
pourrait amener les Etats (membres de l'OMC) à, par des manoeuvres
dilatoires et fallacieuses, réduire considérablement les
importations d'un produit dans le but de favoriser sa production au niveau
local : c'est le phénomène de protectionnisme
déguisé. Voir affaire Etats-Unis-Normes concernant l'essence
nouvelle et ancienne formule, 29 avril 1996. OMC.Doc WT/DS2/AB/R. Rapport
de l'Organe d'appel [Essence]
246 Affaire Communautés Européennes-Mesures
affectant l'amiante et les produits en contenant, 12 avril 2000. OMC.Doc
WT/DS135/AB/R. Rapport de l'Organe d'appel [Amiante]
247 Cf. D. CARREAU et P. JUILLARD, op.cit. p 384
commerciale mondiale afin de statuer sur les disputes
commerciales touchant à l'environnement.248
Les préoccupations environnementales font l'objet de
considération dans le mécanisme de règlement des
différends de l'OMC. Mais, le mécanisme doit et semble
étendre cette prise de conscience aux questions d'ordre social.
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