B) La possible reconnaissance et exécution de la
sentence arbitrale
La sentence arbitrale est revêtue de la chose
jugée dès qu'elle est rendue.229 C'est dire qu'elle
devient obligatoire. Cependant, elle n'est point exécutoire. Pour cela,
la sentence doit requérir la mise en oeuvre de la contrainte publique.
Cette situation s'explique par le fait que l'arbitre, à la
différence du juge étatique, ne bénéficie pas
d'imperium. Il clair donc que la sentence ne peut donner lieu à
des mesures qui mettent en mouvement la force publique que lorsqu'elle a
été revêtue de la formule
exécutoire.230
Pour que la sentence arbitrale devienne exécutoire, il
faut que l'autorité de la chose jugée soit combinée avec
la reconnaissance, c'est-à-dire que le juge devant lequel la sentence
est invoquée reconnaisse cette autorité de la chose jugée:
C'est l'exequatur qu'il entend donner à la sentence. Cet
exequatur suppose un certain nombre de conditions de fond. D'abord, il s'impose
à la partie qui en prévaut d'établir l'existence de la
sentence.231 Cela s'entend, ensuite, que la sentence doit être
écrite.232 Enfin, elle ne doit pas être contraire
à l'ordre public international des Etats parties.233
Toutefois, il convient de retenir que la reconnaissance et
l'exécution des sentences arbitrales étrangères a fait
l'objet d'une consécration conventionnelle. De nombreux pays ont
adhéré aux conventions sur l'arbitrage commercial international
qui font état de la reconnaissance et de l'exécution des
sentences arbitrales. Ce qui a contribué, de façon spectaculaire,
au développement de l'arbitrage commercial international.
Principalement, nous retenons la Convention de New York du 10
juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences
arbitrales. En premier lieu, la convention prévoit une
reconnaissance et une exécution des sentences arbitrales
étrangères, c'est-à-dire celles rendues sur le territoire
d'un autre Etat partie à la convention dont le champ d'application est
défini à l'article I. Ainsi, elle fait l'obligation
générale aux Etats contractants de reconnaître
l'autorité de telles sentences et d'en accorder l'exécution
conformément à leurs règles de procédure
visées à l'article III. La partie qui cherche à obtenir
l'exécution d'une sentence arbitrale étrangère doit
présenter au tribunal étatique compétent l'original de la
sentence arbitrale ou son copie et celle de la convention
d'arbitrage.234 La partie contre laquelle l'exécution de la
sentence est requise peut faire opposition en apportant la preuve que l'un des
motifs de refus d'exécution dont la liste limitative est donnée
au paragraphe 1 de l'article V
229 L'article 23 de l'Acte Uniforme de l'OHADA sur
l'arbitrage précise que : « la sentence arbitrale a,
dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée
relativement à la contestation qu'elle tranche. » .Egalement,
l'article 27 du Règlement arbitrage de la CCJA considère que la
sentence arbitrale rendue en vertu du présent règlement a «
l'autorité définitive de la chose jugée sur le
territoire de chaque Etat partie, au même titre que les décisions
rendues par les juridictions de cet Etat. »
230 Cf. P. MEYER, op.cit. p 237
231 Voir, article 31 alinéa 1 de l'Acte Uniforme de
l'OHADA sur l'arbitrage
232 Article 32 alinéa 2 du Règlement
d'arbitrage de la CNUDCI
233 Voir, l'article 31 alinéa 4 de l'Acte Uniforme de
l'OHADA sur l'arbitrage
234 Voir, l'article IV § 1 de la Convention de New York du
10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences
arbitrales étrangères
est satisfait. Le tribunal étatique peut d'office
refuser l'exécution pour des raisons d'ordre public.235
Lorsque la sentence fait l'objet d'une demande en annulation ou en suspension
dans le pays où elle a été rendue, le tribunal
étatique étranger devant lequel son exécution est
recherchée peut surseoir à statuer ou ordonner à la partie
demanderesse de fournir des sûretés convenables.236 Et
en second lieu, elle tient à faire reconnaitre la convention arbitrale.
En effet, aux termes de l'article II paragraphe1 les Etats contractants
reconnaissent la convention arbitrale écrite par laquelle les parties
s'obligent à soumettre tous ou certains de leurs différends
susceptibles d'être tranchés par la voie arbitrale. Ainsi, le
tribunal d'un État contractant, saisi d'un litige sur une question au
sujet de laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, doit
renvoyer les parties à l'arbitrage, à la demande de l'une
d'elles.237
Subsidiairement, citons d'abord la Convention
européenne de Genève du 21 avril 1961 sur l'arbitrage
international, modifiée par l'Arrangement de Paris du 17
décembre 1962. Cette convention s'applique, aux termes de son article 1
paragraphe 1, à toutes les divergences nées des opérations
du commerce international conclues par des personnes physiques ou morales ayant
pour résidences habituelles ou siège dans des Etats contractants.
Elles sont libres de s'en remettre à un centre d'arbitrage permanent ou
à un arbitrage ad hoc. Ensuite, le Traité de Port-Louis
du 17 octobre 1993 relatif à l'OHADA. Ce traité a permis
d'introduire, en Afrique, une sorte de « solidarité communautaire
» pour le développement des législations en matière
des affaires et en particulier le commerce international. En signant ce
traité, les Etats africains francophones n'ont fait que s'aligner sur le
mouvement mondial, avec l'introduction de l'Acte uniforme sur le droit de
l'arbitrage, qui fait de l'arbitrage le mode usuel de règlement des
différends du commerce international.238 En outre, le
même acte uniforme prévoit une reconnaissance et exécution
des sentences de la CCJA sur les territoires des Etats membres.239
Enfin, la Convention de Washington du 18 mai 1965 pour le règlement
des différends relatifs aux investissements entre Etats et
ressortissants étrangers. En créant un centre d'arbitrage,
CIRDI, la convention entendait répondre à une
préoccupation réelle des investisseurs étrangers, celle
concernant le règlement de leurs litiges avec les Etats contractants,
notamment ceux du Tiers-Monde, dans lesquels la « bonne » justice
peut faire défaut (par exemple la justice est taxée, à
tort ou à raison, d'incompétence, de partialité et de
dépendance au pouvoir politique).
Toutes ces conventions constituent un gage pour la
reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales. Les parties, en
choisissant le mode arbitral de règlement de leur conflit, sont
conscientes à l'avance que, même si l'arbitre est dépourvu
de l'impérium, sa sentence va, de forte chance, requérir
l'exéquatur et être applicable.
235 Voir, l'article V § 2 de la Convention de New York
236 Voir, l'article VI de la Convention de New York
237 Voir l'article II § 3 de la Convention de New York
238 Cf. Jaen.Yado.TOE, Droit du commerce
international, Direction de la Presse universitaire, Ouagadougou, 1999, p
151
239 Voir, l'article 34 de l'Acte Uniforme de l'OHADA sur le
droit de l'arbitrage
. Conclusion de la première partie
Le règlement juridictionnel des différends
commerciaux internationaux est un mécanisme largement ambivalent. Comme
nous l'avons montré, c'est mécanisme qui se fait en fonction des
acteurs en conflit. Ainsi, il a été noté que les conflits
qui mettent en jeu les intérêts des Etats, membres de l'OMC, sont
tranchés principalement par le système de résolution des
différends de ladite organisation, à travers l'ORD. Celui-ci,
constituant une avancée du règlement des différends
commerciaux multilatéraux, est, pour une majeure partie de la doctrine,
original et efficace. Cependant, il demeure relativement défavorable aux
particuliers, notamment les opérateurs économiques privés,
qui ne peuvent le saisir directement. C'est la raison pour laquelle ceux-ci,
dans les différends qui les opposent aux Etats, sont tentés de
porter ces litiges devant un tiers, un arbitre, afin qu'ils soient
tranchés efficacement. C'est la voie arbitrale qu'ils
préfèrent au détriment de la justice étatique.
Cette attitude est compréhensible dans la mesure où l'arbitrage
commercial international leur assure certaines libertés et garanties
procédurales que la justice étatique ne pourrait pas leur
accorder convenablement.
Toutefois, ce caractère ambivalent aura certainement
des influences positives ou négatives sur le mécanisme en tant
que tel. Ce qui va nous permettre de voir les éléments qui font
que le mécanisme, nonobstant quelques manquements, soit
considéré comme efficient.
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