Paragraphe 2 : Une fonction publique sous pression
Les réformes entreprises pour restructurer le secteur
public n'ont pas permis de réaliser les économies
escomptées, dans des proportions suffisantes pour permettre le
rétablissement de l'équilibre financier. En outre, ces
réformes ont eu un impact sur l'emploi dans la fonction publique
(A), et le fonctionnement de l'administration
(B).
145 Impact positif sur les finances publiques à travers
fin des subventions, contribution au budget national via les dividendes et les
impôts.
146 Le Monde, 1er avril 2003.
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A) : L'emploi dans la fonction publique de moins en
moins attrayant
Les mesures de réformes mises en oeuvre touchant
à la taille de l'administration publique et aux dépenses du
personnel ont eu des conséquences non seulement sur les
effectifs147 mais aussi sur la structure de la main d'oeuvre
employée.
D'abord, l'abandon de l'intégration systématique
des jeunes diplômés, le gel des recrutements et les diverses
mesures d'incitations aux départs de la Fonction publique
(départs volontaires, retraites anticipées, départs
négociés) ont entraîné une diminution à la
fois des effectifs du secteur public et de la part qu'occupe ce secteur dans
l'emploi au plan national. Autre phénomène induit par le gel des
recrutements, c'est une pyramide inversée des effectifs qui sont
composés en majorité des agents des catégories A et B. Le
vieillissement de la fonction publique et la pyramide des effectifs donnent une
masse salariale forte, autrement dit, produisent un effet contraire à
celui qui était recherché par les
réformes148.
Considéré jadis comme le principal pourvoyeur
d'emplois149, le secteur public offre aujourd'hui très peu de
débouchés, situation qui accentue la pression exercée sur
les autres secteurs. Les nouvelles générations vont au-devant de
sévères désillusions150 qui, si elles ne sont
pas corrigées, sont porteuses de tensions sociales majeures. Ces
ajustements doivent prendre deux directions. D'une part, il convient de faire
comprendre aux jeunes que le salariat n'est pas l'horizon indépassable
d'une trajectoire professionnelle réussie, et que le lien entre
formation universitaire et emploi public est définitivement
révolu.
147JACQUEMOT(P), RAFFINOT (M); La nouvelle
politique économique en Afrique, Paris, EDICEF 1993. P287.
148 . Voir, DIA (M), Pour une meilleure gouvernance comme
fondement de la réforme de la Fonction publique en Afrique au sud du
Sahara, Banque mondiale, 1993.
149 Voir la notion de L'État néo-patrimonial,
JACQUEMOT(P), RAFFINOT (M) op.cit. ; p.284.
150 - L'aide au sous-développement, RAULIN (H), RENAUD (E)
Presses Universitaires de France 1980.
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Par ailleurs, on assiste de plus en plus à un mouvement
de «dé-fonctionnarisation»151 de l'emploi au sein
de la Fonction publique en raison du recours de plus en plus important à
de nouvelles catégories d'agents publics, recrutés sur contrat.
Si les tendances actuelles se poursuivent, les fonctions essentielles de
conception et d'encadrement risquent de souffrir d'un manque crucial de
personnel permanent, expérimenté. Ce changement d'attitude par
rapport au type d'emploi remet en cause progressivement mais sûrement le
principe sacro-saint de permanence et de stabilité de l'emploi sur
lequel est jusque-là conçue la fonction publique de
carrière héritée de la colonisation.
La pression sur les effectifs a contraint à envisager
des mesures plus drastiques (jugées plus sures) de réduction du
personnel. Par exemple, l'introduction en 1993 d'un régime de
départ à la retraite de fonctionnaires après 30 ans de
service. La régression du salaire minimum consécutive à la
mise en oeuvre de certaines mesures d'économie152 est souvent
assez élevée. En outre, la réduction du niveau de salaire
s'est accompagnée d'une évolution défavorable du taux
d'inflation153, accentuant ainsi la détérioration du
pouvoir d'achat des agents publics.
Les agents publics et d'une manière
générale, l'ensemble de la population, sont amenés
à faire face à des charges supplémentaires avec des moyens
plus réduits. La conjugaison de tous ces facteurs restreint les
possibilités d'accès aux services publics et contribue à
dégrader la qualité de la vie des agents de l'État et de
leurs familles. En plus, la réduction des effectifs et partant de la
masse salariale n'a pas souvent emporté les effets
escomptés154, pire même ces mesures ont parfois
contribuées à l'accroissement des dépenses publiques, du
fait des indemnités de licenciement.
151 Ibidem, Rapport Bureau international du travail -
Genève juin 2009, p.34 ; Voir aussi la notion de « péril de
la fonctionnarisation » développée par JACQUEMOT(P) &
RAFFINOT (M), in La nouvelle politique économique en Afrique, Paris,
EDICEF 1993. P. 284
152 Il s'agit du blocage des avancements et des reclassements,
gel des salaires, réduction d'indemnités, réduction du
salaire de base.
153 Hausse des prix continue et
généralisée, souvent causée par un accroissement
excessif des instruments de paiement (billets de banque, capitaux) et dont
l'une des conséquences peut être la dépréciation de
la monnaie. Le GRAND ROBERT de la langue française, version
numérique, Le Robert/ SEJERS 2005.
154 Un rapport sur les effets des PAS dans les États
membres de L'UEMOA que les réductions d'effectifs, ont enregistré
des augmentations de indemnités de licenciement qui ont
substantiellement grevé le budget, souvent excédant ou
égalant les économies à court terme obtenues grâce
à la réduction des effectifs. Voir, DIA (M), Pour une meilleure
gouvernance comme fondement de la réforme de la Fonction publique en
Afrique au sud du Sahara, Banque mondiale, 1993.
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Au demeurant cette nouvelle donne n'a pas eu pour effet, que
du négatif même si le fonctionnement de l'administration en a
pâti.
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