CHAPITRE 2 : LES CONTRAINTES D'ORDRE POLITIQUE
Consécutivement à son accession à
l'indépendance la Côte d'Ivoire se laissera entrainer par
l'euphorie des stratégies de développement, prônant
l'omniprésence de l'État dans la sphère économique.
C'est dire que l'État se devait de se doter d'une administration
à la dimension du champ et de l'étendue des
responsabilités que le secteur public s'est vu ainsi conférer. Ce
trop d'État aura pour effet d'entrainer des politiques d'investissement
incontrôlées et l'inefficacité de l'économie
administrée.
Pour juguler cette crise, des programmes et mesures de
restructurations politique et économique seront mise en oeuvre, et
appuyés à travers la Facilité d'Ajustement
Structurelle137 et plus récemment la Facilité pour la
Réduction de la Pauvreté et la Croissance138. Ces
programmes menés en accord avec les institutions financières
internationales, reçoivent l'appui technique et financier de
l'UE139. Mais ces réformes entreprises dans le but de
soulager les finances publiques s'avéreront préjudiciables pour
le secteur public (section 1). En outre,
l'intérêt de plus en plus marqué pour la
démocratisation, la libéralisation économique sont apparus
comme autant de mutations majeures qui s'imposent de plus en plus pour
l'obtention de l'aide. L'État est ainsi pousser à
infléchir ses orientations politiques vers les schémas de bonne
gouvernance imposés de l'extérieur (section
2).
137 La FAS consistait en un octroi de financements
concessionnels par le FMI aux pays membres à faible revenu. Ces
prêts d'ajustement structurel ont été instaurés par
la Banque Mondiale en 1979 ; le premier sera accordé à la
Côte d'Ivoire en 1980.
138 Ce renforcement par la Facilité pour la
Réduction de la Pauvreté et la Croissance consistait, pour le
FMI, à mettre en place un guichet par lequel il pourrait accorder des
prêts assortit de faible taux d'intérêt aux pays à
faible revenu.
139 Cf. article 67 al 4 de l'Accord de Cotonou.
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Section 1 : Les contraintes sur les acteurs et les
institutions
Les conditions requises pour l'obtention d'une aide à
l'ajustement de l'UE, sont celles arrêtées par les Institutions
Financières Internationales140. Les réformes
entreprises dans ce cadre ont pour objectifs essentiels: la rationalisation de
l'administration centrale, la maîtrise des dépenses publiques, le
renforcement des capacités des agents publics et la restructuration des
entreprises publiques . Cependant elles se sont accompagnées d'effets
négatifs aussi bien sur les entités (paragraphe 1)
que les acteurs du secteur public (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Des restructurations impromptues du secteur
public
Considérant les évolutions du secteur public en
Côte d'Ivoire, l'on se rend compte de l'impact qu'ont pu avoir les
exigences des bailleurs de fond141. Les réformes ont souvent
été menées dans l'urgence, et sans une réelle prise
en compte de leur portée à long terme. Elles s'articulent autour
de deux pôles principaux: les réformes institutionnelles
(A), et la réforme du secteur parapublic, avec
cependant un regard toujours présent porté aux
considérations d'ordre budgétaire et macroéconomique
(B).
A) : Des réformes institutionnelles
inadaptées
L'Economie ivoirienne est depuis bien des années
caractérisée par un niveau élevé de dépenses
publiques en considération des ressources disponibles. La croissance
140 Cf. article 64 al 1 & 4, et article 61 al 2 de
l'Accord de Cotonou.
141 JARRET (M-F) & MATHIEU (F.R) « Ajustement
structurel, croissance et répartition : l'exemple de la Côte
d'Ivoire » Tiers monde, tome XXXII, n°125, janvier-mars
1991.
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des dépenses publiques a longtemps été un
des principaux moteurs de la croissance économique, tout en étant
à l'origine de déséquilibres de plus en plus difficile
à gérer142.
Au plan institutionnel, les réformes entreprises visent
pour l'essentiel la rationalisation de l'intervention de l'État et son
désengagement de certaines activités productives
présentant ou pouvant présenter un caractère marchand, la
responsabilisation des populations à la base. Ces réformes
couvrent un spectre assez large d'actions comprenant la redéfinition et
le recentrage des missions de l'État, la réorganisation et la
rationalisation des procédures de création des structures et la
déconcentration des services.
Le chantier de réforme du secteur des administrations
publiques ouvert depuis le début des années 1980,
prévoyait entre autres objectifs, une amélioration de
l'efficacité de l'Administration à travers une réduction
de ses coûts et un allègement de ses structures, la réforme
des organigrammes des ministères en tant que moyen permanent de
contrôle des structures des services publics, autrement dit, un
élément central de régulation pour maîtriser
l'évolution des structures. La réorganisation des structures
entreprise dans le cadre de ce programme s'est traduite par une
réduction à la fois du nombre de ministères, de la taille
des cabinets ministériels et du nombre de directions et de
sous-directions. Il était également prévu de privatiser un
certain nombre de structures de l'Administration centrale avec la
possibilité pour quelques-unes de bénéficier de la part de
l'État de contrats d'exclusivité pendant une durée
limitée, et ceci pour des raisons stratégiques.
En soi, cette volonté de restructuration de
l'administration était bien fondée et devait à terme
réduire les charges de l'État et rendre ses services plus
performants. Force est cependant de constater que, d'une manière
générale, l'acuité des difficultés
financières, l'urgence de maîtriser les dépenses publiques
et le grand cloisonnement qui a caractérisé la mise en oeuvre des
diverses réformes n'ont pas permis de développer de
véritables stratégies permettant d'améliorer
significativement le fonctionnement des services publics ainsi que la
qualité des services fournis aux usagers
142 JACQUEMOT (P), RAFFINOT (M), La nouvelle politique
économique en Afrique, Paris, EDICEF 1993. Les auteurs
développent les concepts de « trop d'Etat » et de «
faillite instrumental de l'Etat » Africain. P 283.
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et de réduire de façon notable les coûts
de fonctionnement de l'appareil administratif. Pour le secteur parapublic qui
sera aussi touché par des réformes similaires, les mêmes
causes emporteront les mêmes effets.
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