Paragraphe 2 : Le contexte national
L'internalisation du paradigme de gestion axée sur les
résultats en matière de développement ne va pas sans
soulever des questions. Dans les faits, les initiatives dans ce sens se
heurtent aux insuffisances structurelles et autres carences du cadre normatif
(A) à la démarche de performance et surtout
à l'absence d'une maîtrise réelle des nouvelles
méthodes de gestion budgétaire (B).
59
A) : Les insuffisances du cadre normatif
L'idée d'une gestion budgétaire axée sur
la performance ou program budgeting n'est pas nouvelle. Elle
découle d'un souci global de réforme et de modernisation de
l'État qui doit se traduire par l'abandon de la trilogie
·litanie, liturgie, léthargie· pour un ancrage dans la
nécessaire « efficacité, comparabilité,
durabilité133 ». Les États occidentaux ainsi que
les partenaires au développement multilatéraux vont dans leur
ensemble faire une place de choix à la performance et aux
résultats dans la gestion budgétaire. Et à l'heure des
reformes des conditionnalités de l'APD, ceux-ci vont donc exiger la
même chose des pays bénéficiaires.
En côte d'Ivoire, la mise en oeuvre de la réforme
est conduite par le Ministère de l'Economie et des Finances
(Comité de Mise en OEuvre du Plan de Réforme des Finances
Publiques créé le 29 juillet 2009) avec l'appui des partenaires
techniques et financiers (FMI, BAD, BM, UE, UNICEF). L'Union Européenne
à travers le Projet d'appui à la mise en oeuvre du plan de
réforme des finances publiques s'occupe particulièrement du volet
mise en place du CDMT. L'objectif de cet instrument est d'assurer une meilleure
allocation des ressources et de réorienter la gestion vers
l'utilité et la recherche de performance des dépenses
publiques.
Les premières années d'application ont
consisté en l'expérimentation de ces techniques
budgétaires. Des ministères pilotes134 ont
été identifié pour expérimenter les nouveaux
documents budgétaires qui devaient ensuite faire l'objet d'une
généralisation progressive. Mais cette affectation s'est
effectuée sans la transposition préalable des textes
communautaires initiant la gestion budgétaire et comptable axée
sur la performance notamment en ce qui concerne la loi de finances. En effet,
le cadre juridique d'élaboration, de présentation, de vote et
d'exécution des lois de finances était resté celui de
1959. Or, ce texte reposait, tant dans sa philosophie que dans les principes
133 FABIUS (L), ministre de l'économie des finances et
de l'industrie (France), intervention au sénat, projet de loi portant
réforme de l'ordonnance de 1959, jeudi 28 juin 2001
134 Ministère de la Santé et l'Hygiène
Publique (MSHP) et Ministère de la Lutte contre la Sida (MLS) et
Ministère de l'Education Nationale (MEN), Ministère de
l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle.
60
juridiques consacrés, sur une logique de budgets de
moyens dans laquelle la légitimité de la dépense est
appréhendée sous l'angle de la consommation des administrations
et services.
En outre, la Directive n° 01/2011/CM/UEMOA portant
régime financier des collectivités territoriales au sein de
l'UEMOA ne reprend pas à son compte les concepts de programme
budgétaire, d'évaluation de performance, de projet de
performance, de rapport de performance. En clair, les collectivités
territoriales sont formellement hors du champ de la gestion performante des
budgets publics. Ce qui semble en contradiction avec les nouvelles perspectives
de la gestion financière publique.
Quoiqu'il en soit, une nouvelle dynamique a été
impulsée depuis l'adoption en 2014 des lois organiques et des quatre
décrets135 qui ont participé de la transposition dans
la législation nationale des normes communautaires de l'UEMOA relatives
à la gestion des finances publiques. Les autorités politiques
offrent ainsi un cadre plus appropriés à l'efficacité de
ces différentes reformes. Il ne saurait cependant y avoir une
modernisation de la gestion des finances publiques sans nivellement des
attitudes managériales des fonctionnaires et autres agents publics.
.
|