B) : La crainte de l'insécurité
budgétaire
Le risque à craindre de cette volatilité des
flux d'aide, comme ce fut le cas au Burkina Faso lors du test de la
réforme de la conditionnalité de l'UE, est l'instabilité
de la situation financière du fait de l'imprévisibilité.
L'incertitude des financements nuit à l'exhaustivité des
ressources financières de l'État, qui ne peut prévoir avec
assurance le montant des financements extérieurs dont il disposera au
cours de l'année. Or, dans le contexte ivoirien, la
prévisibilité des ressources extérieures semble
indispensable à une gestion budgétaire efficace et à
l'atteinte de résultats. La volatilité des flux d'aide compromet
fortement l'aptitude à planifier les dépenses et donc à
engager les compléments d'investissement indispensables pour satisfaire
aux objectifs de développement de long terme.
Dans le cas du Burkina Faso, l'UE a engagé l'initiative
de sa réforme de la conditionnalité, mise en oeuvre entre 1997 et
2000 par le groupe Réforme économique
129 VAILLANT (L-J), « Crises, finances publiques et aide au
développement », RFFP, n° 108-octobre 2009, pp.
61-68.
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dans le contexte de la libération
politique130. Cette expérience pilote s'inscrivait dans la
volonté de l'UE de réformer la conditionnalité de son aide
aux États (ACP), affirmée par la Commission européenne en
1999. La nouvelle conditionnalité consistait à rajouter des
indicateurs de résultats aux indicateurs classiques d'instruments et de
conditionner le décaissement d'une tranche des financements à la
réalisation par le pays des nouveaux critères de performance
définis.
Des indicateurs « sociaux » concernant la
santé et l'éducation, et un système de notation ont
été rajoutés aux critères traditionnels de
performances budgétaires pour évaluer les résultats
atteints. Ce qui a conduit à une discontinuité de l'aide
effectivement décaissée en raison de la logique du « tout ou
rien » pour le décaissement de la tranche indexée sur la
performance. Cette pratique de l'UE s'apparente à un dispositif de
sanction et non de suivi d'amélioration de l'efficacité de l'aide
d'autant plus que les faibles capacités des administrations ne
facilitent pas la collecte et le traitement d'informations pertinentes sur
l'impact des politiques.
L'on a donc, en effet, le sentiment qu'au moment même
où l'UE proclame les principes d'appropriation et d'alignement, la
Commission pourrait, au contraire, être tentée de s'ériger
en juge des performances et de la bonne gouvernance et affaiblir d'autant le
principe de cogestion de l'aide et partant les règles de gestion des
finances publiques.
130La libération politique correspond au
sein des relations internationales à la période qui s'ouvre
après la guerre froide. Sur le plan de la coopération
financière elle se traduit par le regard de plus en plus pointu
porté par les bailleurs de fond sur les politiques internes des
États bénéficiaires de leur aide. Les nouvelles
modalités de l'aide budgétaire européenne poursuivaient
trois objectifs exprimés par la Commission dans son bilan de test sur la
réforme de la conditionnalité de 2000. Il s'agissait :
- d'améliorer l'appropriation par les responsables
nationaux de l'action publique ;
- de renforcer la coordination de l'action des donateurs par des
évaluations conjointes ;
- et d'accroître la régularité et la
prévisibilité des flux d'aide, en évitant la politique du
« tout ou rien » ; GUILLAUMONT (P) et GUILLAUMONT-JEANNENEY (S),
« Une expérience européenne : la conditionnalité de
performance au Burkina Faso », Afrique contemporaine n° 209,
printemps 2004, p. 201.
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