VII) Analyse des résultats
VII.1) Usage des jeux vidéo en ligne massivement
multijoueurs (MMORPG)
La majorité des élèves (7
élèves sur 8) jouent aux jeux vidéo en ligne massivement
multijoueurs. Parmi ces 7 élèves, 4 ont une pratique
régulière et jouent environ 2 heures par jour. Selon
l'étude parue en 2013 sur la pratique des jeux vidéo, 7
français sur 10 jouent aux jeux vidéo (dont 42% quotidiennement)
pour une durée d'environ 1h5348. La majorité de notre
corpus correspond donc à la moyenne nationale.
En revanche, parmi ces 7 élèves, 2 ont une
pratique conditionnée par leur régime spécifique :
l'internat. Ces deux élèves sont présents dans leur
établissement scolaire du dimanche soir au vendredi après-midi et
n'ont pas accès aux jeux vidéo durant la semaine. Le week-end,
ces deux élèves jouent en moyenne 2h30 par jour. L'internat
interférant avec leur fréquence de jeu, leur pratique est donc
plutôt occasionnelle.
Le jeu vidéo est donc, pour la majorité de notre
corpus, une activité de loisirs. En effet, la majorité (6
élèves sur 7) répond que le jeu est pour eux un
divertissement, un loisir : « ça me permet de me
détendre » (Bastien). Le jeu est une évasion du monde
réel constitué de
47 Roussel, P. (2005). Management des ressources
humaines. Bruxelles
48
http://www.tns-sofres.com/etudes-et-points-de-vue/les-pratiques-de-consommation-de-jeux-video-des-francais
33
contraintes. « Avec la simulation, le jeu doit
ressembler le mieux possible au réel, même si ce réel est
fantastique, car il s'agit d'y vivre et non d'en rêver ».
(Craipeau, 2011, p.150).
Or, si les élèves interviewés pratiquent
une activité vidéo ludique, celle-ci ne semble pas être
chronophage pour 6 élèves sur 7. En effet, ceux-ci
déclarent pratiquer diverses activités après avoir
joué aux jeux vidéo en ligne : activités sportives
(basket), sorties diverses (cinéma, parc) et certains vont voir leurs
amis. « Contrairement aux idées reçues, les joueurs
âgés de plus de 15 ans ont une vie sociale
développée en dehors du jeu. 57 % d'entre eux passent
plus de temps avec leurs amis et leurs familles qu'à jouer aux jeux
vidéo » (Craipeau, 2011, p.17). De plus, tous les
interviewés évoquent le travail scolaire (révisions,
devoirs à faire). La pratique d'un jeu vidéo ne se fait donc pas
au détriment du travail scolaire.
En revanche, pour un des élèves, le jeu
vidéo semble être une échappatoire à la
réalité.
Comme nous l'avons dit précédemment, le temps de
jeu se situe en moyenne à 2 heures par jour. Ainsi, si la
majorité de nos sujets se situe dans cet intervalle, un des
élèves interviewés, Gaston, évoque une pratique
plus régulière, avec un temps de jeu de 6 heures par soir et 10
heures durant le week-end. Cet adolescent met en lien le jeu vidéo et
son investissement en terme de temps et sa situation personnelle.
Considéré comme absentéiste par son établissement
scolaire, cet adolescent est aussi à Haut Potentiel (surdoué)
avec dysorthographie et dyslexie.
L'univers virtuel a d'abord été vécu
comme un refuge, suite au divorce de ses parents lorsqu'il était enfant.
C'est un « antidépresseur, utilisé comme
anesthésique dans les phases difficiles de la vie » (Anton,
2009, p.1). Durant l'adolescence, le jeu vidéo est ensuite
considéré comme une échappatoire à l'univers
scolaire « on dit souvent que je ne viens pas en cours parce que je
joue, mais j'ai toujours pensé que je jouais parce que je ne voulais pas
aller en cours » (Gaston). Il s'investit alors dans le virtuel.
« Il est probable que la réalité du contact permet
à certains individus de contourner les symptômes de phobie sociale
qui entravent, dans la vie réelle, la libre émergence de leurs
émotions » (Craipeau, 2011, p.120).
Sa pratique est tournée vers les jeux vidéo mais
aussi la gestion de serveur de jeu c'est-à-dire des plateformes
permettant de gérer des jeux vidéo. « Certains jeux
bénéficient de plusieurs serveurs, rassemblant les abonnés
par zone géographique d'origine, ou par langue » (Craipeau,
2011, p.20). Les éditeurs de jeux mettent donc à disposition, le
plus souvent contre rétribution, les jeux crées sur des serveurs
dits officiels c'est-à-dire des jeux crées et
développés par des entreprises et accrédités par la
loi. En revanche, les serveurs
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privés sont non officiels et qualifiés
d'illégaux. Ils ne sont pas payants et sont gérés par des
Maitres de jeux, pour la plupart sans formation et non
rémunérés. Un maitre de jeu est « un joueur
expérimenté, qui derrière des écrans occupent des
fonctions de modérateurs » (Craipeau, 2001, p.34). Gaston est
un de ceux-là : « Je suis plus dans l'administration de serveur
[...] En comptant les heures ou je développe pour le serveur Minecraft
[...] je dois être à au moins à 6 heures par soir et 10
heures de jeu par jour pendant le week-end » (Gaston). Le temps
passé à jouer permet une revalorisation narcissique chez cet
adolescent, joueur de haut niveau « cette revalorisation est
liée à la notion de performance au sein du monde virtuel
» 49 car le joueur est d'autant plus performant que le temps
consacré au jeu sera important.
Lorsqu'il ne joue pas aux jeux vidéo en ligne massivement
multijoueurs (MMORPG), il joue à la console ou regarde la
télévision. Il reste donc dans le monde des médias et des
technologies de l'Information et de la Communication (TIC) dont font partie les
jeux vidéo. Alors que tous les autres pratiquent des activités
extérieures et sortent avec leurs amis, lui n'a pas d'activité en
relation avec ses pairs. Ce phénomène semblerait provenir d'un
cercle d'amis assez restreint et plus âgés chez ce jeune : «
la plupart de mes amis sont tous à l'université »
(Gaston), contrairement aux autres adolescents.
Ainsi, la pratique vidéo ludique et répandue
chez la majorité de notre corpus. Parmi celui-ci, seule une
élève ne joue pas aux jeux vidéo en ligne massivement
multijoueurs (MMORPG).
En effet, elle justifie son absence de pratique par son
désintérêt pour ces jeux : « Les jeux vidéo
ne m'intéressent pas du tout [...] Certaines personnes ne pensent
qu'à leurs jeux vidéo. C'est plus intéressant de regarder
ce qu'il se passe autour, de profiter et de sortir voir ses amis »
(Cassandre). Le désintérêt pour le jeu vidéo semble
correspondre à l'image traditionnelle du no life ou du
geek, « coupés de toute communication avec le monde
extérieur, totalement immergés dans le monde du jeu,
coupés aussi de toutes conscience de leurs corps, au point d'oublier de
manger, de se laver et de dormir » (Craipeau, 2011, p.112).
La pratique d'un jeu vidéo serait donc associée à une
vie sociale inexistante et le jeu vidéo comme obsédant
c'est-à-dire au premier plan des préoccupations des
adolescents.
De même, cette élève privilégie son
groupe de pairs. L'adolescence est une période de quête
identitaire et de construction de soi. L'investissement dans ce groupe de pairs
permet,
49
https://accompagnementscolaire.wordpress.com/2009/03/02/quand-lecran-rend-accro-la-dependance-aux-jeux-video/
35
tout en s'éloignant de la sphère familiale, de
se sentir exister et de s'identifier à ce groupe. « Le groupe
des pairs du même âge assume un rôle central dans les
procédures de socialisation des adolescents, puisque le mouvement
d'émancipation de l'influence familiale s'opère
parallèlement à un investissement intense dans les
activités sociales avec les partenaires du même âge »
(Claes, 1983, p.150). Le jeu vidéo ne présente donc pas
d'intérêt pour cette adolescente et n'est pas source de
motivation, comme le marquent les travaux de Neil Selwynn50
concernant le non-usage des Technologies de l'Information et de la
Communication.
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