CONCLUSION
La recette d'un achat public performant. Il
faut pouvoir s'inspirer du secteur privé afin d'adopter une vision
économique et managériale de l'achat public. Autrement dit, il
est aujourd'hui nécessaire de rationaliser l'achat public grâce
aussi bien au droit privé, qu'à des techniques
entrepreneuriales.
L'analyse de la fonction achat, pousse à joindre des
outils que l'on croyait incompatibles, la faute à une vision
dépassée de l'Administration et à une philosophie
surannée de l'achat public. L'une des lois du physicien Newton est la
suivante : « lorsque deux forces sont jointes, leur efficacité
est double ». En l'occurrence, le management et le droit doivent se
joindre pour permettre à l'achat d'être performant. La performance
de l'achat public est une politique publique qui se décompose
effectivement en deux chantiers.
En premier lieu, il faut pouvoir faire de la performance de
l'achat public, le principal objectif d'un acheteur public, au moment où
il définit sa politique d'achat. Pour cela il faut au préalable
savoir quel sera l'objet de cette performance de l'achat. Il est essentiel de
savoir au nom de quoi, il est nécessaire d'être efficient et
efficace lorsque les pouvoirs adjudicateurs achètent. C'est lors de
cette implantation de la performance en tant qu'un des fondements principaux de
l'achat public que le droit s'impose, comme l'outil de la cohérence et
de la réussite d'une telle entreprise. Il permet en effet de
responsabiliser les acheteurs publics quant à cette vision
performancielle.
En second lieu, une fois qu'il a été
déterminé que l'objet de la performance de l'achat public est de
parvenir au meilleur rapport qualité-prix lorsque l'Administration
achète, plutôt que de garantir le marché intérieur
ou le développement durable, alors la stratégie d'achat peut
être élaborée. C'est à cette occasion que des
techniques managériales venues du secteur privé, ou que divers
contrats d'achat encourageant la performance, ou encore que des techniques
juridiques inspirées du droit privé, vont tenter de s'imposer
afin d'encourager la performance de l'achat public.
164
La performance de l'achat public : une utopie.
Selon Jacques Attali, « l'utopie est la volonté de
modeler l'image de la Société à partir d'un idéal
éthique, d'une certaine conception de la justice, du bonheur, de
l'efficacité, de la responsabilité. »642 La
performance de l'achat public est une utopie. La performance est loin de
toujours être synonyme de progrès, mais en matière d'achat
c'est indéniablement un idéal de gouvernance vers lequel il faut
tendre. Elle doit permettre aujourd'hui de parvenir à un achat qui se
ferait au meilleur coût et qui offrirait la meilleure qualité aux
produits utilisés par l'Administration.
Duguit écrivait que le service public est «
indispensable à la réalisation et au développement de
l'interdépendance sociale »643. Il fait donc partie
intégrante de la société. Chacun des organismes publics
chargés d'une mission de service public ont des besoins auxquels il faut
subvenir pour qu'ils puissent accomplir une telle mission. Un achat performant
permettra de renforcer la qualité du service public en lui donnant
d'avantage de moyens et le quotidien des citoyens s'en trouvera de fait
impacté.
Par ailleurs, agir pour un achat public performant, suppose
une plus grande efficacité de l'acte d'achat. Cette efficacité
est dépendante d'une responsabilisation des acheteurs, quant à
une vision davantage managériale de l'achat public, mais aussi quant
à la sécurisation juridique d'un tel acte. De même, cette
responsabilité implique de conférer une valeur et un contenu
juridique à la performance.
Cette notion de performance est finalement le reflet d'un
compromis entre économie et droit, entre management et
sécurité, ou encore entre secteur public et secteur privé.
Il faut également savoir lorsque l'objectif de performance ne doit plus
dominer et laisser la place à la non-performance qui est parfois tout
autant essentielle. La performance est donc affaire de compromis et donc de
justice.
Le juste équilibre, lui, varie constamment et la
performance, comme tout idéal n'est jamais vraiment atteinte, car comme
l'écrivait le philosophe Alain, l'idéal est un «
modèle qu'on se compose, en vue de l'admirer et de l'imiter.
L'idéal est toujours nettoyé d'un peu de réalité
qui ferait tache. »644Il faut sans cesse adapter sa vision
performancielle à la réalité administrative. Aujourd'hui
la situation tendue des finances publiques pousse à se concentrer sur le
coût et la qualité des achats, tandis que demain l'achat
écologiquement et économiquement sain devra s'imposer au
dépend parfois des intérêts propres de l'Administration.
642 J. ATTALI, Fraternités - Une nouvelle utopie,
Fayard, 1999.
643 L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel,
t. 2, Sirey, 1923, p. 55.
644 ALAIN, Les aventures du coeur, Paul Hartmann,
1945.
165
|