B. Un rétrécissement bienvenu des
montages contractuels complexes
Le rétrécissement des montages
complexes. Ces montages ont vu leur périmètre se
réduire progressivement. Ils ne seraient en effet que des «
pratiques déviantes »398, d'après Florian
Linditch.
Certes la liberté d'emprunter des techniques
contractuelles de droit privé est consacrée de longue date par la
jurisprudence administrative399. La vente en l'état de futur
achèvement
396 Idem.
397 CE, 18 mars 1988, Loupias et autres c. Commune de
Montreuil-Bellay, n 57893.
398 F. LINDITCH, Le droit des marchés publics,
coll. Connaissance du droit, Dalloz, 2009.
399 CE, 1923, Société générale
des transports maritimes.
103
(VEFA) fût donc utilisée par les personnes
publiques. Elle est en effet très avantageuse car elle permet un
transfert progressif de la propriété au fur et à mesure de
l'avancement des travaux (au départ le contrat n'entraîne que le
transfert de la propriété du sol). Cette technique autorise donc
la personne publique à ne pas assumer la maîtrise d'ouvrage et
à acquérir des équipements en différant leur
paiement. Cependant, tout en considérant qu' « aucune
disposition législative n'interdit aux collectivités publiques de
procéder à l'acquisition de leurs biens immobiliers en utilisant
le contrat de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA)
prévu à l'article 1601-3 du code civil
»400, le Conseil d'Etat a affirmé en 1991 qu'une
limite à son utilisation existait. Le recours à la maîtrise
d'ouvrage privée que permet la VEFA pouvait se faire à condition
qu'il n'y ait pas de détournement de procédure.
De même, concernant une autre limite à la
liberté contractuelle l'arrêt Teleaustria de 2000 permit
à la CJCE d'étendre les principes fondamentaux à des
contrats qui de par leur objet ne sont normalement pas soumis aux directives,
au nom du principe de nondiscrimination. L'ensemble des contrats passés
par les personnes publiques dès lors qu'ils octroient un avantage
économique à un opérateur, devront se soumettre à
une mise en concurrence et une publicité adaptée. Le Conseil
d'Etat a néanmoins résisté en considérant
« qu'aucun texte ni aucun principe n'impose à une personne
publique d'organiser une procédure de publicité préalable
à la délivrance d'une autorisation ou à la passation d'un
contrat lorsqu'elles ont pour seul objet l'occupation d'une dépendance
du domaine public. »
401
Finalement, l'ordonnance du 23 juillet 2015 a bel et bien mit
fin aux BEA dit « aller-retour », par l'intermédiaire
de son article 101. Ce choix n'est pas contraire à l'efficacité
de l'achat public. Ces montages autorisaient un contournement irrationnel des
contraintes. La loi MOP, ainsi que les procédures de mise en concurrence
ont toutes deux un objectif commun de bon usage des deniers publics. Aussi ces
contrats complexes avaient certes un objectif de simplification, mais il ne
s'agit pas de simplifier tout et n'importe quoi.
Les collectivités ont néanmoins beaucoup plus de
difficultés, en particulier avec la baisse des dotations de l'Etat pour
répondre à leurs besoins en terme de construction. Il demeure que
le détournement de procédure vis-à-vis de la loi MOP ou
des procédures de mise en concurrence et de publicité, ne peut
être justifié par cette pénurie.
400 CE, sect., 8 fév. 1991, Région
Midi-Pyrénées, n 57679.
401 CE, 3 déc., 2010, Ville de Paris c. Ass. Paris
Jean Bouin, n 338272 et s.
104
Complexité et efficacité. Il ne
faut pourtant pas voir dans cette interdiction une négation de la
complexité. La réalité est complexe, aussi une analyse
juridique qui prendrait en compte cette donnée de départ et qui
ne chercherait plus à tout simplifier, tout unifier serait un paradigme
nouveau, bien plus efficace402. Un droit qui saisirait la
diversité des achats publics, ainsi que la multiplicité des
personnes publiques, tout en refusant pour autant un droit éclaté
et peu prévisible.
Aussi ces montages complexes deviennent symptomatiques de
l'inadaptation du droit des marchés publics. Il faut un droit commun de
l'achat public, et l'affirmation de principes fondamentaux est en cela un
excellent début. Il reste que parallèlement à ces
principes auxquels le juge doit encore donner un véritable contenu pour
constituer un socle commun essentiel, il faut donner aux pouvoirs adjudicateurs
de véritables moyens d'expression contractuels afin que le contrat
s'adapte à la réalité des situations d'espèce,
plutôt que l'inverse qui n'est pas viable (II).
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