Section 2. La performance « pour » le contrat
: la garantie effective d'une liberté contractuelle suffisante
Plan. La liberté contractuelle
comporte traditionnellement quatre dimensions, à savoir : la
liberté de choisir de contracter385, la liberté de
choisir le type de contrat386, la liberté de choisir son
cocontractant387, la liberté du contenu du
contrat388.
La liberté contractuelle, est parfois limitée au
profit d'une certaine performance, à l'image de la limitation des
montages contractuels complexes (I). Cependant, il est a
contrario préjudiciable que les procédures de passation de droit
commun soient aussi encadrées (II)
I. La limitation des montages contractuels complexes
justifiée par une exigence de performance
Plan. Si les montages contractuels complexes
ont au départ été développés par les
personnes publiques afin d'être performantes dans leurs acquisitions, en
exploitant pleinement leur liberté contractuelle (A).
Seulement cette stratégie de contournement des règles de droit
commun permise par les contrats complexes, a surtout permis aux personnes
publiques de se libérer de règles qui étaient en
réalité protectrices (B).
A. Le développement des MCC au nom de la
performance
Définition des Montages contractuels complexes.
Ces contrats sont difficiles à définir. Ce que l'on
appel un montage contractuel complexe n'a pas seulement pour objet, la
construction d'un ouvrage, la fourniture d'un bien ou d'un service, comme un
marché public. Au contraire, c'est un contrat aux multiples objets,
interdépendants les uns des autres. Si bien que l'un des critères
de qualification de ces montages est leur caractère composite (soit un
contrat avec plusieurs objets389, soit plusieurs
contrats390).
385 V. en ce sens à propos de la liberté de
choix du mode de gestion du service public: CE, 6 avril 2007, Cne
d'Aix-en-Provence, n° 284736.
386 Voir en ce sens : CE, sect., 8 fév. 1991,
Région Midi-Pyrénées, n° 57679.
387 CE, 12 juin 1987, Cne de Cestas, précit.
388 CE, 3 juillet 2012, Cne d'Aix-en-Provence, n°
358512.
389 À titre d'exemple : BEA « aller-retour »
- CE, 25 février 1994, Sofap-Marignan Immobilier,
n°144641 et s.
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L'autre critère cumulatif à la qualification
d'un montage contractuel complexe est le caractère incertain d'un tel
contrat. Autrement dit, ce contrat innomé et non
appréhendé par le droit positif n'est que transitoire. Dès
lors certains contrats peuvent être complexes un temps et cesser de
l'être une fois pris en compte par le droit positif, comme ce fût
le cas pour les contrats de partenariat. Il est également possible que
de tels contrats finissent par être interdits, comme ce fut le cas pour
les marchés d'entreprises de travaux publics (METP) avec l'interdiction
au paiement différé apparue avec le Code de 2001.
Il existe toute une série de contrats qualifiables de
montages complexes. Les METP391, les beaux emphytéotiques
administratifs « aller-retour », les cessions d'immeubles
avec charges, le crédit-bail, la vente en l'état de futur
achèvement392, etc. On retrouve notamment à travers
ces produits de l'innovation contractuelle les avantages des contrats globaux
et des marchés de partenariat, qui ont déjà
été abordés.
Les raisons du recours aux montages contractuels
complexes. Philippe Terneyre faisait valoir en 1994, trois raisons
principales à l'émergence de ces contrats : la liberté,
les pénuries et la volonté d'esquiver des règles
contraignantes393. Les praticiens grâce à de tels
montages font face à la raréfaction des deniers publics, tandis
que les besoins en équipements publics augmentent. Ils cherchent
également à échapper à certaines règles
contraignantes et veulent notamment éviter les risques pénaux
associés aux marchés publics, ainsi que l'obligation de la
maîtrise d'ouvrage public, la domanialité publique ou encore les
règles de comptabilité et de finances publiques. Dès lors,
ces inspirations des praticiens pourraient s'apparenter à un
désir de performance. Surtout que se sont des innovations, et on sait
à quel point innovation et performance sont intimement
liés394. Enfin la nouvelle ère libérale qui
s'est ouvert dans les années 80, dont on a déjà pu parler,
a imposé l'idée que le partenariat public-privé au sens
large et l'externalisation devenaient nécessaires. Cette idée
s'accompagne en effet du postulat que le partenaire privé est vecteur
« de toutes les vertus du temps, à savoir l'efficacité,
la rentabilité, la productivité, l'adaptation constante.
»395 Aussi à
390 À titre d'exemple : la convention de stationnement
globale - CAA de Bordeaux, 29 mai 2000, Sté Auxiliaire des
Parcs, n° 96BX01642.
391 CE, 11 déc. 1963, Ville de Colombes, Rec. CE,
p. 612.
392 Code civil, art. 1603-1.
393 P. TERNEYRE, « Les montages contractuels complexes
», AJDA 1994, p. 43.
394 V. en ce sens : D. LAMETHE, « L'innovation contractuelle
», Rec. Dalloz 2008, p.1152.
395 Idem.
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moins d'être antimoderne, « il allait alors de
soi que les règles de droit public ne pouvaient, ne devaient pas faire
obstacle à ce partenariat. »396
Le préfinancement privé a en effet pour but de
préserver les deniers publics en profitant du paiement
différé, ainsi que du préfinancement privé,
à la différence d'un marché public de travaux
classique.
Ensuite ces contrats sont l'expression de la liberté
contractuelle. Ils ont en effet l'avantage de permettre une incorporation
complète de techniques de droit privé (cessions d'immeubles avec
charges), à des contrats passés par les personnes publiques. Il
est également possible sans incorporer totalement une technique de droit
privé, de la mêler au droit public en la rendant compatible
à certaines contraintes purement publiques telle que
l'inaliénabilité avec les BEA, qui permettent l'obtention de
droits réels sur le domaine public normalement inaliénable. Il
est également possible de sortir tout simplement des catégories
de contrats préétablies pour créer de toute pièce
des contrats sur-mesure (METP ou BEA « aller-retour »).
Ainsi on retrouve le désir d'efficacité à
l'origine de ces contrats, puisque le sur-mesure permit par cette
flexibilité, par cette liberté, est le moyen d'avoir des
solutions contractuelles adaptées aux exigences et contraintes des
personnes publiques. Ces contrats ont d'ailleurs été
validés par le Conseil d'Etat, avant même que la liberté
contractuelle ne soit véritablement affirmée. Cette absence de
contrôle juridictionnel sur l'opportunité d'un choix contractuel a
effectivement été clairement énoncée par le Conseil
d'Etat dès 1988397.
Il reste que les règles qui sont ainsi
contournées avaient malgré tout, une utilité et
n'étaient pas contraignantes sans raison. Elles étaient
également performantes (B).
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