B. Les marchés publics globaux de la section 4
de la nouvelle ordonnance
Le développement des marchés publics
globaux. La section 4 de l'ordonnance de 2015 énumère
quatre types de marché global, autre que ceux permis par
dérogation à l'article 32 : les marchés de
conception-réalisation368, les marchés publics globaux
de performance369 et les marchés publics globaux
sectoriels370.
Ces marchés diffèrent du marché de
partenariat, car le paiement différé n'est pas autorisé,
que la mission de financement ne peut être déléguée
et que la maîtrise d'ouvrage sera nécessairement publique,
conformément à la réserve d'interprétation du
Conseil Constitutionnel371.
Passer par un marché global peut servir
l'efficacité, à condition qu'il soit toujours justifié par
des circonstances d'espèces particulières. Cette
appréciation in concreto est nécessaire puisque le marché
global oscille entre deux écueils.
D'un côté, un tel marché peut permettre
des économies d'échelle, de réduire les risques
liés aux problèmes d'interface fréquents lors de chantiers
importants, sans compter que la procédure est alors
nécessairement raccourcie et donc moins coûteuse en termes de
temps et d'énergie.
D'un autre côté le recours à de tel
contrat a pour conséquence de réduire la concurrence, en
réduisant les choix de titulaires possibles, or la mise en concurrence
est en principe au service de l'efficacité. Il peut y avoir des
exceptions et c'est en cela que laisser cette possibilité de recourir
à des marchés globaux est louable.
367 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une
rencontre impossible ? », art. préc.
368 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 33.
369 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 34.
370 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 35.
371 Cons. Const., 26 juin 2003, préc.
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Plan. C'est en réalité, une
flexibilité et même une certaine liberté qui est ainsi
garantie au service de l'efficacité (1), même si
ce n'est pas le cas pour l'ensemble des contrats globaux de cette section 4
(2).
1) Des contrats globaux au service de
l'efficacité
Les marchés publics de conception
réalisation. Reprenant les articles 37 et 69 du Code, la
nouvelle ordonnance dispose que « les acheteurs peuvent conclure des
marchés publics de conception-réalisation qui sont des
marchés publics de travaux permettant à l'acheteur de confier
à un opérateur économique une mission portant à la
fois sur l'établissement des études et l'exécution des
travaux ».
Aussi les pouvoirs adjudicateurs soumis à la loi MOP
devront démontrer que cette globalisation se justifie pour des raisons
d'ordre technique, ce qui ne laisse que peu de possibilités selon le
Professeur Linditch, ou en raison d'un engagement contractuel sur un niveau
d'amélioration de l'efficacité énergétique rendant
nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de
l'ouvrage372, laissant cette fois de larges possibilités de
motivations toujours selon le Professeur Linditch. Il s'agit en effet d'une
dérogation à l'alinéa 2 de l'article 7 de la loi MOP, qui
interdit de confier à un même opérateur une mission de
conception et une mission de construction.
Cette possibilité est laissée aux marchés
quel que soit leur montant. Mettre en place un seuil pour recourir à ces
contrats aurait été un non-sens, puisque les montants des
marchés varient avant tout selon la taille de la collectivité.
Le choix de l'efficacité peut donc être fait
lorsque les circonstances imposent un regroupement des missions de conception
et de réalisation.
Marchés publics globaux de performance.
La globalisation s'élargie dans ce cas. Il devient possible de
remettre à un même opérateur, en supplément des
missions de conception et de réalisation, les missions d'exploitation
et/ou de maintenance373. Reste à savoir si maintenance et
exploitation pourront être mis ensemble374.
372 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés
publics, art. 33.
373 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés
publics, art. 34.
374 F. LINDITCH, « Allotissement et marchés globaux
», art. préc.
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La performance est cette fois explicitement présente
puisque pour recourir à de tels contrats, il faut fournir « des
objectifs chiffrés de performance définis notamment en termes de
niveau d'activité, de qualité de service, d'efficacité
énergétique ou d'incidence écologique », ainsi
que « des engagements de performance mesurables
»375.
Cette nouvelle place de la performance
énergétique résulte du rapport remis au ministre de
l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du
Logement en mars 2011 par Maître Ortega, qui préconisait
qu'à l'occasion de la création de ces contrats globaux de
performance, la performance puisse être « notamment
énergétique »376.
Ces contrats, comme ceux de conception-réalisation
trouvent en effet leur origine dans les contrats de performance
énergétique (CPE) apparus en 2006 en droit de l'Union
Européenne377, introduits en 2009 en droit
français378, puis encouragés par un décret de
2011 qui vient leur donner la forme d'un marché global379. Le
CPE se définissait comme « tout contrat conclu entre le
maître d'ouvrage d'un bâtiment et une société de
services d'efficacité énergétiques visant à
garantir au cocontractant une diminution des consommations
énergétiques d'un bâtiment ou d'un parc de bâtiments,
vérifiée et mesurée dans la durée, par un
investissement dans des travaux, des fournitures ou des services
»380
Ainsi non seulement il est fait le choix de la performance
à proprement parlé puisque les objectifs à atteindre vont
être fixés et leur accomplissement sera ensuite
vérifié. De plus, ces objectifs s'entendent très
largement, ce qui laisse un large éventail de possibilités, pour
peu que ces critères de performance soit « mesurables
». On peut donc analyser cette possibilité de marché
global comme un triomphe de la performance. On sait que les
collectivités affectionnent le marché global, aussi on leur
propose d'y recourir en échange d'inclure une démarche de
performance. Il est d'ailleurs d'autant plus regrettable que la notion de
performance ne soit pas mieux définie à cette occasion.
Cependant, ces critères de performance qu'il faut fixer
semblent s'imposer du fait de l'ajout de la mission d'exploitation et ces
objectifs ne semblent être destinés qu'à cette mission.
C'est regrettable de ne pas pouvoir poser des objectifs sur les missions de
375 Idem.
376 O. Ortega, Les contrats de performance
énergétique, mars 2011.
377 Dir. 2006/32/CE, 5 avril 2006, sur l'efficacité
énergétique.
378 L. n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation
relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite «
loi Grenelle I ».
379 D. n° 2011-1000 du 25 août 2011 modifiant
certaines dispositions applicables aux marchés et contrats relevant de
la commande publique et pris en application de L. n° 2010-788 du 12
juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « loi
Grenelle 2 » ; codifié à l'article 73 du CMP.
380 O. Ortega, Les contrats de performance
énergétique, op. cit., p. 76.
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conception et de réalisation qui seraient susceptibles
de faire varier le prix (qui est payé intégralement après
service fait, sans pouvoir différer le paiement afin de vérifier
la réalisation d'éventuels objectifs des missions de conception
et de réalisation).
Il faut noter également que «
l'impossibilité de faire financer le coût de l'équipement
par le titulaire de ce contrat, et donc d'insérer une clause de paiement
différé permettant de lisser le paiement de la part des travaux
sur la durée globale, réduira certainement l'intérêt
que pourrait représenter un tel marché dans le cadre duquel le
cocontractant de la personne publique s'engage sur les performances de ses
réalisations. »381
C'est pourquoi, l'intérêt d'un tel contrat (poser
des indicateurs, etc.) en matière de gain d'efficacité reste
résiduel, surtout que le marché de partenariat a vu son
accès facilité avec l'apparition de seuils. Il garde
néanmoins un avantage comparé au marché de partenariat,
celui de profiter de certaines facilités procédurales,
comparé aux études et avis à recueillir
préalablement au marché de partenariat.
2) Un recours à la globalisation méconnaissant
parfois les exigences de performance
Les marchés publics globaux sectoriels.
La nouvelle ordonnance dispose que « les acheteurs publics
peuvent confier à un même opérateur économique une
mission globale portant sur la conception, la construction,
l'aménagement ou encore l'entretien et la maintenance d'immeubles ou
d'infrastructures affectés à certains services publics :
défense et sécurité, établissements
pénitentiaires, centres de rétention et zones d'attente,
établissements publics de santé et organismes visés
à l'article L. 124-4 du code de la sécurité sociale
gérant des établissements de santé et des structures de
coopération sanitaire dotées de la personnalité morale
publique. » 382 Ce nouvel article remplace les contrats globaux
à paiement public différé qui étaient fondés
sur une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive de
droits réels (AOTDR) ou sur un bail emphytéotique administratif
(BEA), qui ont été tous les deux supprimés383.
Cependant, ces nouveaux
381 A. BUREL, « Le nouveau marché global de
performance, un outil de plus pour les collectivités ? », Op.
cit.
382 S. BRACONNIER, « Les nouveaux marchés publics
globaux et marchés de partenariat », AJDA 2015, p.
1795.
383 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 101.
marchés globaux ne peuvent pas faire l'objet de
paiements différés, contrairement aux anciens baux
sectoriels384.
A nouveau, comme pour les deux autres contrats globaux et le
marché de partenariat, la globalisation dans certaines circonstances
d'espèce, à l'instar de services publics régaliens, est
utile. Ces contrats sectoriels permettent certes de faire des économies
en gagnant notamment en efficacité, en abaissant les coûts, etc.,
cependant, ces contrats s'inscrivent nettement moins dans une démarche
de performance que les deux autres. Les conditions de cette globalisation sont
organiques et ne traduisent plus des nécessités liées
à l'espèce ou ne prévoient pas non plus des indicateurs de
performance.
Le service public, en raison de son caractère
régalien justifie visiblement que la performance soit perdue de vue.
Allons au plus vite, dépensons sans compter, réduisons la
concurrence, cela n'a pas d'importance, ou du moins cela se justifie, puisque
cette activité est de service public. Sauf que ce manque de performance
se répercutera d'une façon ou d'une autre sur les usagers.
La performance trouve donc dans la plupart de ces contrats
globaux des moyens d'expression. Du moins, l'inspiration de tels contrats vient
d'une véritable volonté de performance, c'est indéniable.
Ces dérogations au droit commun des marchés publics peuvent
d'ailleurs être vues comme l'octroi d'une plus grande liberté
contractuelle.
Reste qu'une performance durable et étendue ne saurait
se contenter de contrats spécifiques. Il faut changer de paradigme, en
permettant à la liberté contractuelle des personnes publiques de
s'étendre tout en étant maîtrisée, c'est la
clé d'un contrat performant (Section 2).
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384 CGPPP, arts. L. 2122-15 ; CSP, L. 6148-2.
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