B. La difficile sanction de l'obligation
A la recherche d'une coercition performante.
La performance a ceci de particulier qu'il est difficile de la
sanctionner. Exiger le paiement d'une somme en raison d'un comportement
anti-performant est critiquable au regard des difficultés
financières des personnes publiques, qui justifient elles-mêmes le
recours à une vision performante. L'incitation semble davantage
adaptée.
Pour autant il faut se demander si l'utilisation d'une
sanction pécuniaire sanctionnant la non-performance ne permettrait pas
de faire comprendre aux personnes publiques qu'une vision davantage
stratégique et managériale, serait un changement de bon augure
pour elles. A l'image du référé contractuel qui n'est que
peu utilisé, l'ombre de la sanction pourrait suffire à convaincre
les services achats d'user de nouveaux outils et de veiller à une vision
performancielle de leurs achats.
L'absence de sanction pour faute de gestion
contractuelle. Un mauvais management n'est pas sanctionné
juridiquement. Il peut l'être politiquement, mais seulement pour de
graves manquements. Cette responsabilité politique est pourtant
insuffisante car elle est incertaine.
286 J. DESMAZES, « Achats publics : la
problématique conciliation des dimensions managériale et
juridique de la responsabilité publique », in Politiques
et management public, vol. 19, n° 1, 2001. Les nouvelles exigences de la
responsabilité publique, Actes du dixième colloque international,
Paris, 2000, T. 1, pp. 81-102.
287 A. BARILARI, « Réforme de la gestion publique et
responsabilité des acteurs », AJDA, 2005, p. 696.
76
Seule une pénalisation des pratiques
irrégulières des responsables politiques est prévue. On
pense notamment au délit de favoritisme288, à la prise
illégale d'intérêts289, au trafic
d'influence290 ou encore à la corruption291. Il
est certain que ces pratiques doivent être sanctionnées.
Toutefois, seul le favoritisme permet indirectement une sanction de
l'efficacité à proprement parler. C'est en effet le non respect
des principes fondamentaux qui est alors sanctionné, or on a
déjà vu que le respect de ces principes était aussi gage
d'efficacité.
Ainsi non seulement la contre-performance n'est pas
sanctionnée, mais le choix de la voie pénale est aussi
symptomatique de l'inadaptation du contrôle de l'efficacité de
l'achat public.
Le contrôle pénal vise les personnes ayant eu des
comportements irréguliers, tandis que les sanctions administratives
visent davantage les institutions. Cette pénalisation est une
thérapie et a une fonction dissuasive. La matière des
marchés publics a été entachée de nombreux
débordements et atteintes à la réglementation.
Sévir pénalement a donc eu un but pédagogique afin que la
réglementation des marchés publics soit
respectée292. Cependant, à l'heure où une
approche managériale des marchés publics doit rattraper son
retard, cette pénalisation constitue une rigidité qui participe
à une vision trop juridique de l'achat public. Les acheteurs se
focalisent sur la réglementation par peur de la sanction pénale.
Sans compter que certaines de ces sanctions dans leurs rédactions
actuelles peuvent parfois faire obstacle à des pratiques qui seraient
pourtant les bienvenues, comme le sourcing par exemple. La pénalisation
devait faire peur. C'est réussi. Toutefois cette logique punitive ne
saurait être parfaitement adaptée pour cette fois servir
l'efficacité.
L'incitation contractuelle. Des
mécanismes contractuels existent pour que les personnes publiques
encouragent et veillent à un comportement performant de la part de leurs
partenaires. Aussi l'article 17 du décret relatif aux marchés
publics de mars 2016 traite des prix et prévoit que « des
clauses incitatives peuvent être insérées dans les
marchés publics notamment aux fins d'améliorer les délais
d'exécution, de rechercher une meilleure qualité des prestations
et de réduire les coûts de production. »293
L'incitation plus que la sanction
288 Code pénal, Art. L. 432-14.
289 Code pénal, Art. L. 432-12.
290 Code pénal, Art. L. 432-11.
291 Code pénal, Art. L. 432-11.
292 C. PREBESSY-SCHNALL, « la pénalisation du
droit des marchés publics », coll. Bibliothèque de droit
public, LGDJ, 2002.
293 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics, Art. 17.
77
semble être une contrainte plus efficace. Cela revient
au paiement de prime à la performance294. Cependant ce type
de clause n'est d'une part pas obligatoire et ne s'attache d'autre part
qu'à garantir la performance qu'au stade de l'exécution du
contrat.
Des pénalités sanctionnant la performance
peuvent être prévues également, mais leur mise en oeuvre
est bien souvent plus cher que la pénalité elle-même et
surtout, cette méthode ne favorise pas une relation de confiance avec le
prestataire. L'équilibre contractuel peut vite se rompre avec un usage
excessif de pénalités. De même ces pénalités
n'agissent qu'au stade de l'exécution.
Au-delà de la sanction, c'est le contrôle la
performance qui joue un rôle central (II).
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