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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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Chapitre 2 : La recherche d'une obligation de performance
de l'achat public

Plan. L'obligation de performance n'est pas explicitement présente en droit positif. Cependant, de nombreux éléments juridiques semblent implicitement faire état d'une telle exigence de performance (Section 1). Pour qu'une telle obligation puisse un jour exister, il faut dès maintenant en définir ces contours et s'interroger sur son bien-fondé, son utilité et ses inconvénients (Section 2).

Section 1. Les fondements juridiques utiles à l'émergence d'une obligation de performance

Plan. Si l'évolution des finances publiques vers une logique de performance semble être le fondement principal à cette nouvelle exigence pour les marchés publics (I). Cette dernière peut et doit désormais prendre appui sur la législation spécifique aux marchés publics, guidée par la garantie de libre concurrence (II).

I. L'origine financière de l'exigence de performance au service de sa

reconnaissance juridique

Plan. La LOLF marque un changement de paradigme dans la gestion publique. Aussi la mise en place progressive d'une logique de performance par une loi organique peut être vu comme la première traduction juridique de la notion de performance qui est avant tout économique et managériale (A). La commande publique va être profondément marquée par ce changement de vision (B).

A. La LOLF ou l'apparition d'une logique juridique de performance

L'impérative rationalisation des dépenses publiques. A partir de la première guerre mondiale, l'Etat va changer radicalement de rôle et devenir de plus en plus interventionniste. On parlera d'Etat providence. Il est alors amené à intervenir de plus en plus car les progrès techniques appellent une correction d'un certain nombre d'inégalités. L'Etat se fait d'abord le

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bienfaiteur de l'éducation en devenant le principal éducateur, puis il fait sien le domaine social. L'Etat va peu à peu intervenir dans tous les domaines de l'économie. Enfin la dépense publique qui est utilisée pour l'ensemble de ces interventions ne peut jamais véritablement baisser, puisque le progrès économique est conditionné par elle selon la « loi Wagner », théorisée dès le 19ème siècle206. L'accroissement de la dépense publique est donc avéré et est quasi-continu depuis la Première Guerre Mondiale.

Il intervient de manière tant structurelle que conjoncturelle, si bien que l'Etat agit également pour corriger les crises économiques. Les crises pétrolières de 1973 et 1979 ont obligé l'Etat à intervenir massivement dans l'économie afin de soutenir l'emploi et d'indemniser le chômage. La croissance économique ralentie et avec elle les recettes fiscales sensées financer la dette publique, qui finit donc par fortement augmenter, au même titre que les taux d'intérêt de celle-ci. Les néo-libéraux tel que Thatcher et Reagan ont ensuite imposé de baisser les impôts et la dépense publique pour sortir de la crise et combattre des déficits publics récurrents. Cette méthode vient mettre un terme aux politiques dites keynésiennes qui sont de moins en moins efficaces.

Parallèlement à cette situation financière et budgétaire tendue ont assiste à une augmentation des attentes des administrés vis-à-vis de l'Etat et des services publics. De même l'avènement de l'Union économique et monétaire a contraint les Etats membres à réduire leurs déficits et à rationaliser l'utilisation des deniers publics207. Finalement, c'est donc bien la gestion des services publics qui est mise en cause. Un certain nombre d'outil vont progressivement apparaître toujours dans le but de rationaliser la dépense publique au niveau national. Le premier de ces outils sera la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2001208.

La perception de l'économie dans les finances publiques ayant évoluée, les lois de finances ne peuvent déterminer à elles seules un équilibre économique globale. Au contraire, elles doivent en tenir compte. C'est un changement important et maintenant quand on lit l'article 1er de la LOLF on peut voir que « les lois de finances tiennent compte d'un équilibre économique définit ».

206 A. WAGNER, Les fondements de l'économie politique, coll. Science Social, Hachette Livre BNF, 1904

207 R. (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques ; R. (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

208 L. organique, n° 2001-692 du 1er août 2001, relative aux lois de finances.

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La logique de performance. Cette nouvelle constitution budgétaire, véritable « miracle politique »209 a instauré une nouvelle logique, celle de la performance. Le but recherché est d'obliger ainsi l'administration à se demander si l'argent dépensé l'a été utilement. Auparavant les lois de finances étaient votées sous l'empire d'une ordonnance de 1959210. Or celle-ci est en partie responsable de la situation de surendettement actuelle. Aucune évaluation des dépenses, ni justifications n'était exigée, puisque 95% du budget (les services votés) était automatiquement revoté pour l'année suivante, sans véritable discussion, remise en cause ou critiques.

La démarche de performance va changer radicalement cette façon de faire puisque désormais une justification des dépenses est imposée. Les crédits donnés aux administrations sont accompagnés d'indicateurs de performance. La logique de moyen consistait en effet à ne s'intéresser qu'au montant des crédits alloués, alors que la logique de résultat est inspirée de l'entreprise privée et prend en considération les objectifs à atteindre. Avec la logique de résultat, si l'objectif n'est pas atteint cela signifie que la politique mise en place est mauvaise, que le financement est mauvais, etc. Il faut raisonner en terme de politique publique et non de ministère, ce qui entraîne d'ailleurs une rénovation de la forme du budget, puisque les autorisations budgétaires sont désormais accolées à une politique publique et ne sont donc plus strictement réparties de façon organique, selon les ministères211.

L'efficacité de la dépense devient donc centrale et cette préoccupation possède un fondement juridique. L'efficacité de la gestion a fait l'objet d'une mise en forme juridique, remettant en cause le système financier originel qui semblait pourtant très bien établi. L'ensemble des administrations ont dû alors adopter de nouvelles méthodes de gestion pour permettre à cette « culture de la performance »212 de s'imposer. Plus précisément, les gestionnaires des administrations ont dû s'atteler à mettre au point une stratégie budgétaire. Ce changement est laborieux, mais la modernisation était pourtant indispensable, à tous les niveaux et dans toutes les fonctions de l'Etat, à commencer par sa fonction achat.

Les valeurs communes de l'achat public et de la performance financière. La performance au sens de la LOLF « n'a pas pour but de définir le niveau des moyens en

209 P. SUET, « Après la réforme de la LOLF. Un nouveau partage des responsabilités », RFFP 2003, n°82, p. 53.

210 Ordonnance n°59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

211 C. WALINE, P. DESROUSSEAUX, S. GODEFROY, Le budget de l'Etat, Doc. fr., 2012, p. 177.

212 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances Publiques, 10ème éd., coll. Manuel, LGDJ, 2010, p. 32.

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fonction des objectifs et des résultats attendus ou réalisés mais, pour un niveau de moyens donné, d'optimiser les résultats : elle doit permettre, sous contrainte budgétaire, d'apprécier et d'améliorer l'efficacité de la dépense publique et celle de la gestion des responsables de programmes et d'évaluer la pertinence des actions financées »213. Chercher à optimiser l'achat public en tant qu'il est source de dépenses publiques, dans un contexte budgétaire tendu, s'inscrit donc dans le prolongement direct de la rénovation de la logique budgétaire voulue par la LOLF.

D'ailleurs, c'est également en 2001 que le premier Code des marchés publics « eurocompatible » fait son apparition. On peut y lire pour la première fois que « l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse. »214. Cette mention de l'efficacité et de la préservation des deniers publics, au moment de transposer la directive européenne, et alors que cette dernière n'en fait aucune fois mention, ne peut être une simple coïncidence. Il s'agissait d'un décret215 préparé par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, simultanément à l'élaboration de la LOLF, en discussion au Parlement, sous le contrôle de ce même ministère.

Les procédures de mise en concurrence et de publicité ont alors trouvées, du même coup, une justification autre que seulement la « libre concurrence » ou l'achèvement du marché intérieur. De plus cela s'inscrivait pleinement dans le nouveau rôle de gendarme budgétaire que l'Europe se construit depuis le Traité de Maastricht de 1992. Mais surtout, cette nouvelle justification avait l'immense avantage d'être purement française et en lien avec la nouvelle vision propagée par la LOLF. Jusqu'aux directives de 2014216, cette idée n'était que secondaire pour l'Union Européenne. Il s'agissait seulement pour cette dernière d'une sorte d'effet collatéral bienvenu, rien de plus.

213 H. BIED-CHARRETON, « La démarche de performance dans le cadre des lois de finances », Les notes bleues de Bercy, 10 mars 2006, n° 304.

214 CMP 2001, art. 1er.

215 D. n° 2001-210, 7 mars 2001, portant code des marchés publics.

216 Par exemple la préservation des deniers publics est mise en avant aux considérants 63 (à propos des systèmes d'acquisition dynamique) et 47 (à propos de l'encouragement pour l'innovation). De même, le rapport coût/efficacité est mis en avant à de nombreuse reprise afin de décrire à quoi correspond une offre économiquement avantageuse.

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Enfin la LOLF « reprend à son compte un certain vocabulaire contractuel (responsabilisation sur des objectifs et des engagements négociés, autonomie dans la gestion des moyens, évaluation de la performance au moyen d'indicateur) »217

Cette nouvelle justification de la soumission des personnes publiques aux procédures de mise en concurrence et de publicité devient de fait utile pour légitimer une application de cette logique de performance à l'achat public (B).

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand