I.2. Le débat sur le
développement et les trajectoires socio-historiques
Le développement se différencie de la croissance.
Il est à la fois un processus objectif et mesurable (indicateurs de
productivité, de pauvreté, d'inégalités ou
d'empreinte écologique), normatif (vecteur d'objectifs sociaux
désirable) et un projet (porté par les acteurs du
développement). Etymologiquement, il signifie déployer ce qui est
enveloppé chez les personnes (capabilités) et les
sociétés (potentialités). Il prend en compte, à la
fois les dynamiques endogènes propres aux diverses
sociétés et leur mode d'insertion asymétrique dans
l'économie international ou mondiale. Certains indicateurs permettent de
mesurer et de comparer les sociétés : revenus par tête
au taux de change ou en parité des pouvoirs d'achat, indices de
pauvreté monétaires ou non, transitions démographique,
indice de Gini, empreinte écologique, intensité carbone. Mais ils
reposent tous sur des conventions. L'enveloppement économique ou
l'involution peut être défini comme le processus inverse du
développement économique se traduisant par des indices de
marginalisation, de déclin de la productivité, de cercles vicieux
et de trappes à pauvreté ou à conflits et d'accroissement
de la vulnérabilité face aux chocs avec des résiliences
conduisant à des replis protecteurs et non à des
stratégies proactives ou réactives. Les trajectoires des
sociétés sont plurielles. Par définitions, le
modèle de développement financiarisé, carboné,
cycle court de produits obsolètes et à accumulation de
déchets et de pollution n`est pas généralisable pour la
planète.
I.3. Les contextes des
économies ou des pays en développement
Le troisième pilier fondant l'économie du
développement est le terrain des pays ou du Tiers-Monde, eux-mêmes
très divers. Il s'agit évidemment de type idéal au sens
Wébérien. Les traits structurels internes (dualisme
désarticulation, faible intégration des marchés, niveau
limité du capital physique et humain et de la productivité,
croissance démographique, poids des jeunes, économie de rente...)
sont en liaison avec des traits structurels externes(faible valorisation et
préservation des ressources naturelles, dépendance en capitaux et
en technologies, extraversion, spécialisation subalterne voire
appauvrissante dans les chaines de valeur mondiales). Les agents de
« l'informel » sont à la fois insérés
dans le marché et dans des réseaux sociaux multiples. Du fait de
la citoyenneté embryonnaire et en l'absence d'assurance vieillesse ou de
sécurité sociale et souvent de la faiblesse de l'Etat, des
communautés d'appartenance ou d'adhésion jouent un rôle
central. Ces caractéristiques visibles au pays par effets de loupe
permettent également de comprendre de plus en plus les
sociétés d'un autre pays (effet de boomerang)
caractérisées par des fractures multiples. Le
développement économique à lui-même varie en
fonction des contextes historiques.Quatre périodes peuvent être
différenciées de manière très simplificatrice.
Elles permettent notamment de situer historiquement l'économie de la
régulation (cf. tableau I)
Tableau I- Les quatre périodes de
l'économie du développement
Périodes
|
Contexte
|
Economie dominante
|
Economie développement dominante
|
Institutionnalisme
|
Construction et fondements 1945-1960
|
Décolonisation; Tiers monde face aux deux blocs
|
Synthèse classico-keynésienne
Mono-économisme
|
Structuralisme; Dualisme; cercles vicieux; effets de seuil...
|
Historique et holiste (Veblen, Commons). Institutions
exogènes.
|
Radicalisation et affrontements 1960-1980
|
Luttes libération nouvel ordre économique
international
|
Néo-classique et néo-ricardien versus marxisme
|
Dépendantisme capitalisme périphérique,
échange inégal
|
Effets de structures sans acteurs; institutions super
structures
|
Libéralisation et ajustement 1980-1995
|
« Consensus de Washington ». chute du mur de
Berlin; divergences des pays
|
Néo-classique; néo-institutionnalisme;
micro-économie information imparfaite
|
Equilibre général; Fonctionnalisme institutionnel;
public choice.
|
Institutionnalisme rationnel (couts de transaction,
pluralité modes coordination, qualité des institutions)
|
Refondation ; 1995-2015
|
Capitalisme financier; environnement; OMD; ODD; pays
émergents, monde multipolaire
|
Théorie standard élargie versus incertitude
radicale, temps inversible; théorie des jeux
|
Développement soutenable (efficience économique,
équité sociale, soutenabilité écologique).
|
Holindividualisme; évolutionnisme; économie des
conventions; régulation institutionnalisme historique complexe
|
|