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Le crime d'agression en droit international pénal, portée et enjeux de la révision de Kampala

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par Olivier Lungwe Fataki
Université Catholique de Bukavu - Licence 2016
  

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§2. L'agression, Crime international de l'Etat

D'amblée, il y a lieu de signaler que la Résolution 3314 (XXIX) a été adoptée en 1974, soit 29 après l'entrée en vigueur de la Charte des NU et tire son fondement dans les lacunes de celle-ci qui parle de l'agression sans la définir. C'est pourquoi, dans le cadre de ce paragraphe, la logique voudrait que nous commencions par présenter comment la Charte de l'ONU considère l'agression (a) avant de parler de la définition de l'agression dans la Résolution 3314 (XXIX) (b).

a. Notions d'agression dans la Charte des Nations Unies

La Charte des Nations Unies est l'acte constitutif de l'Organisation des Nations Unies. A son article premier, alinéa 1, il est noté que le but l'ONU est de maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix66(*).

Il est interdit aux Etats, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force (armée) contre l'indépendance politique et l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. En formulant cette règle fondamentale en son article 2 point 6, la Charte des Nations Unies, à la suite du Pacte Brilland - Kellog, met la guerre hors la loi67(*).

Maurice Kamto soutient que la validité du principe de prohibition de l'emploi de la force est établie même en droit coutumier68(*), ce qui lui imprime un fondement irréfutable tant en droit conventionnel qu'en droit coutumier et lui donne la valeur d'une règle de droit impératif.

Toutefois, l'interdiction de la menace et de l'emploi de la force dans les relations internationales rencontre deux exceptions incontestées en droit positif :

- La légitime défense individuelle ou collective et

- La sécurité collective (article 51 de la Charte).

En effet, en cas d'agression armée et dans des conditions de nécessité, l'Etat victime de l'agression est autorisé, dans l'exercice de la légitime défense individuelle, à recourir provisoirement, de manière proportionnée, à la force pour repousser l'agression en attendant que le Conseil de Sécurité prenne les mesures nécessaires pour rétablir la paix et la sécurité internationales. En plus, à la demande de l'Etat agressé, tout autre Etat membre de la communauté internationale a aussi le droit d'exercer la légitime défense collective, c'est-à-dire de faire la guerre à l'agresseur aux mêmes conditions que la légitime défense individuelle au moins. Lorsque l'usage de la force est autorisé ou décidé par le Conseil de sécurité ou par un organisme régional de sécurité collective, avec l'assentiment du Conseil de sécurité, les Etats peuvent licitement faire la guerre69(*).

Cependant, en droit international tant pénal que public, la question de savoir si l'institution de la légitime défense peut valablement être invoquée pour justifier un recours à la force visant à répondre à des actes de terrorisme s'avère discutable.

Qu'il suffise, à cet effet, de n'invoquer que le cas des attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats Unis.

Dès le lendemain des attentats du 11 septembre 2001, en effet, la Résolution par laquelle le Conseil de sécurité condamne ces actes porte la mention, dans son préambule, de la reconnaissance, par le Conseil, du « droit inhérent à la légitime défense individuelle et collective »70(*). A peu près au même moment, le président américain proclame que son pays est confronté à une guerre, et qu'il répliquera à ces actes en lançant une « guerre contre le terrorisme ». L'idée de la légitime défense est très clairement présente dans cette argumentation également et c'est sur cette base que seront menées les opérations militaires contre l'Afghanistan à partir du mois d'octobre 2001.

Pourtant, la légitime défense pour qu'elle soit juridiquement fondée doit remplir les conditions suivantes :

- L'Etat intéressé doit avoir été victime d'une agression armée ;

- La nécessité et la proportionnalité ;

- L'information du Conseil de sécurité.

Les lignes suivent parleront seulement de la première condition dans le cas des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-unis. Pour ces derniers, le soutien apporté par le régime Taliban à l'organisation Al-Qaida reviendrait à une véritable implication de l'Afghanistan dans ces attaques, qui deviendraient dès lors imputables à cet Etat et le rendraient responsable d'un acte d'agression à l'encontre des Etats-Unis. Et encore, rien dans la Charte des Nations Unies ne limitait la notion d'agression armée à l'acte d'un Etat, et qu'un recours à la force en réaction à un acte hostile d'une certaine gravité commis par un groupe privé était parfaitement envisageable au titre de la légitime défense71(*).

En revanche, s'il est vrai que l'article 51 de la Charte ne précise pas qu'une agression doit émaner d'un Etat pour ouvrir le droit à la légitime défense, cette exigence ressort par contre très clairement des termes mêmes de la résolution 3314 (XXIX) portant définition de l'agression, comme on l'a souligné plus haut. Prétendre qu'un acte d'agression pourrait être le fait d'un groupe privé, et justifier sur cette seule base un recours à la force à l'encontre de ce groupe sur le territoire d'un Etat72(*) où il est, par hypothèse, situé, s'avère dès lors manifestement en porte à faux par rapport aux règles existantes73(*).

Pour faire face à un acte d'agression, la Charte donne pouvoir au Conseil de sécurité de constater « l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression » et de faire des recommandations ou de décider quelles mesures seront prises conformément aux dispositions des articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales (art. 39 Charte de l'ONU).

Mais la Charte est muette sur ce qu'il faut entendre par « acte d'agression » et ce qui pourrait distinguer pareil acte d'une « menace contre la paix » ou d'une « rupture de la paix ». D'où la nécessité de la définition donnée par la résolution 3314 (XXIX) dans le but, selon Maurice Kamto, de donner, aux instances compétentes pour constater une telle situation, l'outil conceptuel leur permettant d'identifier l'agression74(*).

* 66 Article premier, §1 de la Charte des Nations-Unies. Dans M. CIFENDE et S. SMIS, Op., cit., p. 5.

* 67 M. CIFENDE, op. cit., p. 9.

* 68Idem, p. 15.

* 69Idem, p. 9.

* 70 Résolution 1368 (2001) du 28 septembre 2001 sur les Attentats du 11 septembre 2001. Disponible en ligne sur www.nato.int/isaf/topics/mandate/unscr/resolution_1386_f.pdf. Visité le 20 janvier 2016.

* 71P. KLEIN, Le Droit international à l'épreuve du terrorisme, ULB, Recueil des cours, tome 215, 2012, p. 387.

* 72 E. GROSS, Democracy in the War against Terrorism: The Israel Experience, Loyola of Los Angeles LR, 2002, p. 1196. Cité par P. KLEIN, Op. cit., p. 389.

* 73P. KLEIN, Op. cit, p. 388.

* 74 M. KAMTO, op. cit., p. 16.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld