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Le crime d'agression en droit international pénal, portée et enjeux de la révision de Kampala

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par Olivier Lungwe Fataki
Université Catholique de Bukavu - Licence 2016
  

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CONCLUSION GENERALE

Depuis le temps des âges, l'agression internationale était strictement un acte entre États supposant la guerre d'agression, sans que ne soit donné une définition juridique de ces concepts. Il a fallu attendre l'avènement de la Résolution 3314 (XXIX) de l'assemblée générale de l'ONU en l'année 1974 pour avoir une définition de l'agression, mais cette fois encore comme acte de l'Etat.

Outre les antécédents de Nuremberg en rapport avec la répression du crime contre la paix, en droit international pénal, la question de l'agression comme crime de l'individu s'est posée avec une particulière acuité à la conférence de Rome de juillet 1998 sur le Statut de la CPI, mais sans compromis aucun sur ce crime. Plus tard, la conférence des Etats parties au Statut de Rome, tenue à Kampala du 31 mai au 11 juin 2010, va aboutir à une résolution comportant la définition et les éléments constitutifs du crime d'agression.

Ce faisant, le présent travail s'est proposé de parler du crime d'agression en droit international pénal dans la perspective de la portée et des enjeux de la révision de Kampala.

Pour y arriver, deux questions ont été posées, à savoir :

Existe-t-il une différence de fond entre le concept d'agression contenu dans la résolution 3314 (XXIX) de l'AG de l'ONU et dans le Statut de Rome révisé ?

Si l'agression est le crime d'Etat par excellence, comment établir la responsabilité pénale individuelle ?

En guise d'hypothèses, il a été avancé en premier lieu que la définition du concept d'agression arrêtée dans la Résolution 3314, considère le crime d'agression comme imputable à l'Etat, supposant la responsabilité de celui-ci ; tandis que celle donnée par l'article 8 bis du Statut de Rome de la CPI, prend pour responsable du crime d'agression une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l'action politique ou militaire d'un Etat.

En second lieu, nous avons avancé que l'incrimination individuelle de l'agression reste strictement reliée à l'acte de l'État, dans la mesure où il vise à réprimer un phénomène étatique, le recours à la guerre, directement ordonné et planifié par les hautes autorités politiques et militaires de l'État. Ce raisonnement parait conforter les prescrits de l'article 25 par 3.b du Statut de Rome qui veulent que soit pénalement responsable la personne qui aurait ordonné, sollicité ou encouragé la commission d'un tel crime, dès lors qu'il y a commission ou tentative de commission de ce crime.

Pour développer ces hypothèses, il a été fait usage d'une méthode, à savoir la méthode juridique qui nous a permis d'analyser la Résolution 3314 ainsi que le statut de Rome tel que révisé à Kampala en vue d'étudier la définition de l'agression dans ces instruments. En usage de cette méthode, il a été fait recours à ses deux approches, l'une historique qui nous a servi dans la mesure où un passage en revue de l'histoire de la considération de l'agression sur le plan international s'est avéré utile pour comprendre son incrimination dans le Statut de Rome ; et l'autre comparative qui nous a permis de rechercher les différences et les ressemblances entre la Résolution 3314 (XXIX) et le Statut de Rome révisée en rapport avec le crime d'agression. En application de la méthode juridique, nous avons recouru à la technique documentaire par laquelle nous avons consulté des oeuvres doctrinales et autres documents nécessaires au traitement adéquat de cette thématique.

Ainsi, avions-nous subdivisé ce travail en deux chapitres outre l'introduction et la conclusion.

Le premier chapitre a été consacré à l'étude comparative de la Résolution 3314 (XXIX) et du Statut de Rome révisé par rapport au crime d'agression. Pour cerner la définition de l'agression qu'il y a dans ces instruments juridiques, ce chapitre a commencé par donner un aperçu historique de la démarche tendant à incriminer l'agression depuis le Traité de Versailles de 1919, passant par le Pacte Briand-Kellog, jusqu'à l'accord de Londres de 1945 ayant qualifié la guerre d'agression comme crime contre la paix. S'agissant de la comparaison, ce chapitre a donné la portée juridique d'une part de la Résolution 3314 (XXIX) qui n'est pas contraignante et d'autre part du Statut de Rome qui est contraignant à l'égard des Etats parties avec possibilité pour le Conseil de sécurité des NU d'en élargir le champ d'application aux Etats non parties, au nom de sa mission de maintien de la paix et la sécurité internationales. Egalement, la notion du crime envisagée dans la Résolution 3314 (XXIX) s'inscrit dans le cadre de la responsabilité de l'Etat alors que le Statut de Rome considère pour auteur du crime d'agression, l'individu.

Le deuxième chapitre a abordé la question de la responsabilité pénale individuelle pour crime d'agression. Ce chapitre a donné les éléments constitutifs du crime d'agression tels qu'arrêtés à Kampala, avant de revenir sur la responsabilité pénale individuelle pour crime d'agression. Il a été cependant relevé que l'action judiciaire pour crime d'agression pourrait être handicapée au niveau interne des Etats par le jeu des immunités pénales dont jouissent les personnes visées, et au niveau international par le refus de la part des Etats de coopérer avec la CPI. Pour illustrer ce refus, il a été invoqué le cas du président soudanais, El-Béchir, qui, malgré les deux mandats d'arrêt de la CPI le visant, circule librement au Kenya, en Afrique du Sud, en Ouganda et récemment au Rwanda sans être arrêté et sans qu'aucune mesure contraignant les Etats de l'arrêter ne soit prise par le CSNU en vertu de l'Accord de coopération entre l'ONU et la CPI.

Au regard des analyses faites dans le cadre de ce travail, il s'est dégagé donc que la définition du crime d'agression par le Statut de Rome, quoique reprenant les mêmes actes d'agression prévus par la Résolution 3314 (XXIX) diffère de celle donnée par cette dernière en ce que le Statut de Rome s'inscrit entièrement dans le cadre d'un traité prescrivant la répression des crimes internationaux qui supposent la responsabilité de l'individu, c'est le champ du droit international pénal ; alors que la Résolution 3314 (XXIX) s'inscrit dans le cadre du droit maintien de la paix avec comme acteur les Etats qui y engagent leur responsabilité internationale.

Quant à la responsabilité individuelle pour crime d'agression, nous avons réalisé que les personnes effectivement en mesure de contrôler l'action politique ou militaire d'un Etat peuvent être des dirigeants ou hautes personnalités de l'État, et particulièrement des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques. Ces personnes bénéficient, au regard de leur statut, d'un pouvoir réel d'influencer l'action politique ou militaire d'un Etat.

Ainsi, nos hypothèses ont été confirmées.

Cependant, nous avons mis en lumière le fait que la CPI se veut complémentaire aux juridictions nationales qui ont vocation à connaitre en premier des crimes internationaux commis sous leurs juridictions. Or, les personnes visées par l'incrimination de l'agression, en l'occurrence les dirigeants, jouissent dans bien des Etats des immunités qui les mettent à l'abri des poursuites pénales. Nonobstant le défaut de pertinence de la qualité officielle, option consacrée par l'article 27 du Statut de Rome et tempéré par l'article 98 du même Statut, nous avons remarqué dans ce travail que les actions mues par la CPI contre les Chefs d'Etat en exercice n'obtiennent toujours pas de succès faute de la volonté de la part des Etats parties au Statut de Rome et du Conseil de sécurité de l'ONU de coopérer avec la CPI, pourtant ils en ont l'obligation. Ce qui se vérifie encore une par le cas du Président soudanais, Omar El-Béchir, invoqué précédemment.

N'est-ce pas là un signal éloquent de la qualification de lettre morte des dispositions du Statut de Rome relatives au crime d'agression?

Eu égard à cette inquiétude, avons-nous suggéré ce qui suit pour que l'action judiciaire de la CPI en matière de crime d'agression soit menée à bien :

- Les Etats Parties au Statut de Rome devraient ratifier les amendements du Statut de Rome issus de la Résolution de Kampala, étant entendu que seuls 28 Etats l'ont déjà fait jusqu'à la date du 18 avril 2016, pourtant le nombre de 30 est requis pour qu'elle entre en vigueur. Egalement, ces Etats devraient s'acquitter de bonne foi de leurs obligations vis-à-vis du Statut de la CPI.

- La CPI devrait revoir les dispositions de l'article 98 du Statut de Rome au vu du défaut de pertinence de la qualité officielle consacré à l'article 27 du même Statut, tant il est vrai que beaucoup d'Etats y trouveraient un alibi pour ne pas arrêter et déférer à la CPI les dirigeants ou autres personnes effectivement en mesure de contrôler l'action politique ou militaire d'un Etat, visés pour Crime d'agression. Cette Cour devrait également agir de sorte que le juge pénal adopte une attitude impartiale et ne prenne pas en compte des considérations de nature politique ou autres qui ne seraient pas juridiques.

- Le CS de l'ONU devrait agir, par son pouvoir normatif contraignant, dans le sens d'enjoindre à un ou plusieurs États explicitement nommés l'obligation de coopérer avec la CPI dans le cas où ils la violeraient et imposer des sanctions du fait des manquements à cette obligation. Le CS devrait s'acquitter objectivement et diligemment de son rôle de constat préalable d'un acte d'agression tel que le veut l'article 39 de la Charte des Nations-Unies, à défaut de quoi, nous aurions recommandé que l'Assemblée générale de l'ONU se saisisse de la question en vertu de la Résolution Acheson.

Dans le présent Travail, nous n'avons analysé que le crime d'agression dans son aspect de la responsabilité pénale individuelle. De ce fait, nous ne prétendons pas avoir tout cerné sur la question, en droit international pénal, des poursuites et de la répression des individus pour le crime dont question. Nous émettons ici le voeu de nous laisser compléter par d'autres chercheurs avisés et intéressés par le sujet.

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