Le crime d'agression en droit international pénal, portée et enjeux de la révision de Kampala( Télécharger le fichier original )par Olivier Lungwe Fataki Université Catholique de Bukavu - Licence 2016 |
§3. Elément personnel du crime d'agressionL'élément personnel du crime d'agression, tel qu'on le verra plus tard, est lié à la qualité de son auteur. Le crime d'agression doit être le fait d'un dirigeant, c'est-à-dire d'une personne qui est en position de « contrôler ou de diriger l'action politique ou militaire d'un Etat187(*) ayant commis l'acte d'agression ». Dans ce sens, il va de soi que le crime d'agression relève non pas du comportement dans la guerre mais du droit relatif à la planification, la préparation, le déclenchement et la commission de l'acte d'agression188(*). Pour les personnes ici visées, la criminalisation individuelle de l'agression entre États est d'autant plus dangereuse que dans le Statut de Rome de la CPI figure la notion de « complicité passive ». Notion aux contours incertains189(*), mais elle a d'utilité pour combattre les actes constitutifs des crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre : le fait par exemple d'avoir su, d'avoir vu, et de n'avoir pas empêché la commission d'actes entrant dans ces catégories juridiques. Ainsi, dans l'Affaire du Procureur contre Jean Pierre Bemba, la Chambre préliminaire III a conclu, au-delà de tout doute raisonnable, que (...) des soldats du MLC avaient commis, sur le territoire de la RCA, des crimes relevant de la compétence de la CPI, en l'occurrence les crimes de guerre et crimes contre l'humanité par meurtre, par viol et pillages (§ 694)190(*). Pour la Cour, la commission de ces crimes résultait du fait que, bien qu'ayant exercé une autorité et un contrôle effectifs sur ses troupes déployées en RCA, Jean-Pierre Bemba n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour empêcher ou réprimer l'exécution des crimes commis par ses troupes, ni pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites (§ 735)191(*). Cependant, outre la responsabilité du supérieur hiérarchique fondée sur les raisons de savoir, pourrait aussi passer pour une complicité passive d'agression le fait, qui est le propre des chefs militaires, de concevoir, à la demande, des plans d'engagement des forces, sans en assumer forcément la décision. Il en est de même de la notion de « coaction » qui se situe au-delà de la simple complicité et qui peut être par exemple accomplie, s'agissant de l'agression, par le fait de laisser passer dans son espace aérien des avions étrangers allant attaquer un pays tiers192(*). Somme toute, il ressort du document annexé à la Résolution de Kampala que, parmi les éléments constitutifs du Crime d'agression, hormis le fait que l'auteur soit une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l'action politique ou militaire de l'État ayant commis l'acte d'agression, l'on peut tenir compte du fait qu'il ait eu également connaissance des circonstances de fait qui avaient établi l'incompatibilité d'un tel recours à la force armée avec la Charte des Nations Unies et de fait ayant établi une telle violation manifeste de la Charte des Nations Unies193(*). * 187 Article 8 bis du Statut de Rome. Déjà cité. * 188Ibidem. * 189J.-P. PANCACRIO, Op. cit., p. 52. * 190G. MABANGA, Affaire Bemba : La CPI fixe les critèresd'appréciation de la responsabilitépénale du chef militaire et du supérieur hiérarchique, La Revue des droits de l'homme, actualité droit-liberté, Mars 2016, p. 5. En ligne sur http://revdh.revues.org/2072. Visité le 24 mai 2016. * 191Idem, p. 6. * 192G. MABANGA, Op., cit., p. 6. * 193Résolution RC/Res.6., Déjà cité. Annexe II: Amendements relatifs aux éléments des crimes. |
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