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Considerations historico-juridiques sur le regime politique haitien

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par Jhensly Endy Frederic
Faculte de Droit et des Sciences Economiques, UEH - Droit 2014
  

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Chapitre I

De l'essence du régime politique haïtien

Dans le second chapitre de la première partie du travail, nous avons étudié les constitutions de 1950, 1957 et celles des Duvalier. Sans tenir compte des diverses conjonctures de crise entre 1846 à 1957, le pays a connu une période de dictature qui comporte deux phases. La première s'étend de 1957 à 1971 avec le père Duvalier (papa Doc) et la seconde de 1971 à 1986 avec Duvalier Fils (baby Doc). Arrivé au pouvoir en 1957 au moyen d'élections, Duvalier chercha et parvint à neutraliser certaines institutions et à domestiquer ou anéantir d'autres. Tout le monde savait qu'il s'agit d'une « dictature souveraine73 ».

Le pouvoir dictatorial n'est en aucun cas autorisé par la Constitution, ni limité constitutionnellement. Il n'est pas constitué, mais il s'impose de fait. Cette période dictatoriale est l'affaire du Président ou d'une manière générale de l'Exécutif et les principaux bourreaux du pouvoir. Le 7 février 1986, ce régime s'est effondré sous le poids de la conjonction de divers facteurs internes et externes. D'une part, les grands soulèvements populaires qui ont ruiné l'architecture du pays, et d'autre part, les pressions de la communauté internationale n'ont laissé le choix qu'à la chute du régime en place.

L'Assemblée constituante originaire a voulu, de ce fait, camper un nouveau régime sur les décombres du précédent. La Constitution de 1987 est donc l'oeuvre de l'émotion, de décisions hâtives sans grandes concertations, malgré les trois mois de travail. Certains éléments du régime parlementaire sont combinés avec ceux du présidentiel, sans pourtant prendre l'essentiel des deux, pour nous donner un régime particulier. Voilà pourquoi les articles relatifs au régime seront analysés ci-dessous sans oublier la loi sur l'amendement dont l'importance est très considérable dans le cadre de ce travail.

Ce chapitre s'intéresse d'une manière particulière à trouver la vraie nature du régime politique haïtien et il se divise, en effet, en deux sections. La première est titrée "Pour une catégorisation du régime politique haïtien" et la seconde "Motifs pour une qualification du régime".

73 Etienne, Sauveur Pierre, Haïti, misère de la démocratie ; Cresfed, l'harmathan, Paris 1999, p56

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Section I.- Pour une catégorisation du régime politique haïtien

« Particulier » est un adjectif convenable pour qualifier le régime politique d'Haïti. Il est, dans l'esprit des constituants de 1987 et de plus d'un aujourd'hui, en adéquation avec l'attente des forces politiques et de la population de l'époque. Le climat, dans lequel ont travaillé les constituants, a entrainé un rejet du passé, et a conforté la volonté de remplacer l'ancien régime. Cette motivation les a poussés à verrouiller le pouvoir Exécutif pour l'empêcher de faire ce qui lui plait. C'est comme lui mettre dans un labyrinthe. L'explication de la rigidité de la procédure d'amendement de la Constitution 1987 en découlerait, par exemple.

De surcroit, les travaux post-constitution nous permettent de constater ce que les constituants ont voulu faire. Georges Michel74 a révélé les paroles de certains collègues, notamment Dr Louis Roy : « Nous avons enlevé les dents au Président de la République de sorte qu'il ne puisse plus mordre. Tôtu pa gen dan, m pa konn kijan l ap fè mòde ». Et il poursuit en s'adressant à Rick Garnier : « Nous avons ficelé le Président de la République comme un saucisson. Je crois que nous l'avons mis hors d'état de nuire ». Et il répond : « Tais-toi ! Tu as raison, mais il ne faut pas le crier si fort avant le referendum ».

Par contre, ce qui est prescrit dans les normes n'est pas forcément d'une application adéquate dans les faits. En effet, nous allons étudier d'un côté le parlement et ses compétences (A) et de l'autre côté, l'Exécutif qui est composé d'un Président de la République, comme chef de l'État et le Premier Ministre, chef de gouvernement (B).

A.- Le parlement et ses compétences

La Constitution haïtienne, fruit du processus démocratique, a attribué en 1987 des fonctions et des prérogatives au parlement bicaméral haïtien. On ne peut douter qu'elle semble le plus innover dans le domaine de l'équilibre des pouvoirs, mais c'est aussi celui dans lequel son application suscite beaucoup plus de controverses75 parce que la réalité témoigne toujours le niveau de respect cultivé à l'égard de la loi.

Généralement, le fonctionnement du parlement ne témoigne pas systématiquement la soumission aux prescrits constitutionnels. Le mode de contrôle, qui devait jouer un rôle fondamental dans le

74 Michel Georges, op. cit. p133.

75Manigat Mirlande, Plaidoyer pour une nouvelle constitution, éd, Zemès, Canada 2010, p94.

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processus du respect de la séparation des pouvoirs et de l'établissement effectif de la démocratie en Haïti, n'est pas d'application stricte. Quoiqu'il soit formellement prévu dans la Constitution, mais les conjonctures politiques sont très déterminantes sur l'exercice de ce privilège démocratique, accordé au parlement.

Il est, à ce titre, important d'étudier la fonction législative exercée par le bicaméralisme haïtien, une institution unitaire (a) et son comportement face à l'exercice de ses compétences (b).

a) L'unité du bicaméralisme haïtien

L'amendement constitutionnel n'a pas apporté de grandes modifications à la définition matérielle du pouvoir législatif. Il est encore exercé par deux chambres représentatives. Une chambre des députés et un sénat forment le corps législatif ou le parlement (art 88 de la Constitution de 1987). Le parlement haïtien, à notre sens, serait l'organe souverain créé par la charte fondamentale, en vue de faire des lois sur toutes les questions d'intérêt général et il est aussi l'organe de contrepoids du pouvoir Exécutif.

L'inscription du parlement haïtien dans la perspective du bicaméralisme est, à nos yeux, normale car il vise un plus grand équilibre des pouvoirs, mais cela ne fait pas de lui un parlement au sens moderne du terme s'il n'a pas rempli avec brio et efficacité les fonctions pour lesquelles il a été créé. « Le pouvoir législatif fait des lois sur tous les objets d'intérêt public », (art 111). Par cette prescription constitutionnelle, « aucun domaine n'échappe actuellement à l'intervention du législateur76 ».

Il est, au sein de l'État, l'institution principale la plus proche de tous les secteurs de la société, il représente des circonscriptions diverses du pays. Il constitue le « pilier central du régime politique d'interaction égalitaire77 et il est aussi le « coeur de toute vraie démocratie78 ». Le parlement est le premier des pouvoirs constitutionnels qui incarne le pouvoir du peuple à travers ses représentants79. Il doit se conformer aux critères80 : de légiférer et contrôler, qui ont trait à

76Dorval Monferrier, La place de la loi et de la coutume en Haïti, in de la place de la coutume dans l'ordre juridique Haïtien, Bilan et perspectives à la lumière du droit comparé de Gilles Paisant (dir) presses universitaires de Grenoble, 2003, p89.

77 Latortue Youri, Le devoir de servir, éd. group, P-au-P 2012, p51.

78 Pierre Louis Josué, Haïti et ses institutions, imprimerie Henri Deschamps, P-au-P, Octobre 2005, p63.

79 Vladimir Yvon Mathe, Le parlement, contrepoids de l'arbitraire, in la chronique judiciaire d'Haïti. No 163, 14ème année, Avril 1994, P17.

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l'élaboration des lois et au contrôle des actes du gouvernement, de représentation, critère pouvant le rappeler qu'il a été choisi par toutes les tendances de la société, d'indépendance budgétaire et administrative par rapport aux autres pouvoirs et enfin de pluralisation qui accorde la liberté d'expression à tous les parlementaires. Le parlement est, en effet, le lieu où la critique est institutionnalisée81.

Tous les parlementaires proviennent du scrutin réalisé au suffrage universel. Ils jouissent tous des mêmes droits et prérogatives attachés à la fonction parlementaire. Ils ont tous l'initiative des lois, le pouvoir d'enquêter, etc... Cependant, suivant une approche dialectique de la relation existante entre les deux chambres du parlement haïtien, l'on dirait que la prééminence est accordée au sénat. La poursuite de l'analyse peut faire comprendre que les sénateurs soient plus matures que les députés ce dont l'effet est de "sanctionner" les actes de jeunesse de la chambre basse.

En dehors de toutes les fonctions principales des parlementaires, ceux-ci restent des citoyens à part entière de la société ou de la circonscription représentée. Ils sont, de ce fait, des agents de développement.

b) Le parlement dans l'exercice de ses compétences

Ils ne se limitent pas exclusivement aux attributions prévues de manière formelle dans la Constitution. Ils s'inscrivent aussi dans une perspective de développement communautaire. Non seulement, ils doivent remplir d'un côté, leurs fonctions spécifiques de parlementaire, mais aussi d'un autre côté, dans les projets communautaires de développement82, ils jouent un rôle d'importance considérable. Ils préparent et exécutent, en symbiose avec les maires, des projets communs de développement. Ils financent des activités sociales communautaires dans la zone dans un contexte de développement. Ce qui peut, toutefois, servir acte préparatoire pour les prochaines élections, probablement. D'ailleurs, les mandants n'évaluent pas les parlementaires suivant le nombre de lois proposées, encore moins sur le contrôle exercé sur le pouvoir Exécutif, mais surtout sur la quantité de projets réalisés dans la circonscription en question.

80 Latortue Youri, op cit. p56.

81 Hugo Victor, cité par Roy, Jean Claude, in LES POUVOIRS : la constitution de 1987 et la fin de l'arbitraire, Ed. Henri Deschamps, P-au-P 1991, p57.

82 Propos de Siclait Jean Mario, ancien Député de la première circonscription de Jérémie, 46ème législature, soit 1995-1999.

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Les parlementaires jouent le rôle de délégués de la zone pour la recherche des projets de développement. Ils facilitent l'arrivée des projets de construction d'écoles nationales, de lycées et de centres de santé communautaire. En Haïti, en période estivale surtout, les parlementaires sont aussi financeurs de certaines activités sociales organisées dans les communes.

Les parlementaires arrivent même à jouer un rôle de facilitateurs de services, d'emplois, pour certains ressortissants de leurs communes, compte tenu de la réalité du pays. Ils se révèlent des notables de la zone, surtout dans les milieux ruraux, ils jouissent d'un grand prestige, leurs paroles sont respectables dans la mesure où ils font preuve de représentation et de moralité. Ils ne doivent se livrer en effet, à des activités louches et dévalorisantes aux yeux de la communauté.

A côté du pouvoir législatif, existe le pouvoir exécutif qu'il importe de voir ses attributions au regard de la Constitution haïtienne.

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