B.- Création d'un Gouvernement : une feinte
institutionnelle
Duvalier-fils est maintenant sur le pouvoir que son
père lui a laissé en héritage. Lequel héritage
construit sur les changements des constitutions haïtiennes pour en faire
les leurs. Laquelle action manigancée par les principaux alliés
du régime parce que cela fut possible sous l'empire de la violence.
Duvalier-fils, enfant soit-il, se trouve à la tête de la nation
qui a marqué le monde par son histoire, elle est la première
nation noire libre. Par contre, quelle que soit sa splendeur historique,
Duvalier l'a laissée entre les mains de son fis pour la diriger
jusqu'à sa mort.
Baby Doc, pendant sa longue période d'enfance au
pouvoir, s'est trouvé dans l'impossibilité de poser une action,
si oui, ce n'est que celles qui lui ont été soumises par les
proches du pouvoir. Très jeune, il ne pouvait se contenter de lire ou de
répéter que ce que lui ont donné ses principaux
partenaires. Nous n'avons pas, à ce stade, à critiquer
directement l'enfant de 19 ans qui est Président de la
République, mais encore les conséquences des manigances de son
père qui lui a passé le pouvoir.
Nous aurions dit qu'il s'agit d'une violation des droits de
l'enfant, si c'était prévu par la loi. Exposer un enfant de 19
ans à la tête d'un pays, troublé par les turbulences de
toutes sortes, comme Président de la République devrait
être un crime. L'enfant n'a ni assez de maturité physique, ni
intellectuelle pour diriger le pays. Les expériences comptent et
l'âge amène la raison. A un certain âge, il y a des
pressions auxquelles qu'on ne devait pas s'exposer70 ou exposer son
fils.
Il a passé près de 12 ans sous la Constitution
de 1971, laquelle qui a été déjà frappé de
caducité puisque le Président à vie de la
République dont son nom y figurait a été François
Duvalier et non Jean Claude. Il fallait substituer le nom du fils au celui du
père, puisqu'il est mort, ce qui nécessite un amendement
constitutionnel. Mais il a attendu 12 ans, pour imposer une nouvelle
constitution rédigée en moins de deux mois par les parlementaires
en aout 1983.
Cette constitution gardera toujours la majorité
politique à dix-huit, ce qui est évident et Jean Claude Duvalier
eut dès lors 31 ans. Cette nouvelle constitution est votée pour
établir une
70 Par exemple, la loi ne prévoit pas un
âge pour être Ministre en Haïti, mais quelqu'un, qui, est
âgé de 23 ans et est appelé pour être Ministre,
dépendamment de la situation, devrait refuser ce poste car, il n'est pas
bon non seulement pour ses capacités physique, mentale et
intellectuelle, encore moins sa carrière professionnelle. Ne faut pas se
complaire d'être Ministre à 23 ans.
53
nouvelle République, ou dans l'objectif de
démocratiser le pouvoir ou encore dans la vision de poser moins d'actes
de barbarie que son père. Aussi l'amendement de juin 1985 à la
constitution de 1983 laisserait comprendre qu'il pense à ne plus
être seul à la tête du pays.
Le point intéressant de cet amendement est
l'instauration d'un bicéphalisme au pouvoir politique. Un
bicéphalisme qui est, peut-être dans les faits, inopérant
(a) et d'un coup, c'est la fin des constitutions arbitraires
(b).
a) Un bicéphalisme inopérant
Le bicéphalisme au contraire du monocéphalisme,
est un mode d'organisation du pouvoir exécutif dans lequel les
compétences attribuées à l'organe exécutif sont
exercées par le chef de l'État et le gouvernement.
L'exécutif a en effet deux têtes, ce qui fait qu'il
puisse prendre deux directions qui devaient normalement amener aux mêmes
buts ou objectifs. Autrement dit, les avis du chef de l'État sont sujets
au partage avec le chef du Gouvernement qui puisse faire valoir son point de
vue. D'ailleurs, le responsable politique est le chef du gouvernement.
Le pouvoir exécutif est exercé par un
citoyen qui porte le titre de Président de la République. Le
Président de la République est Chef du Pouvoir Exécutif et
chef de l'État.
Le pouvoir Exécutif est constitué par deux
organes : le Président de la République et le
Gouvernement.
Ainsi lisons-nous dans l'article 101 de la Constitution 1983
révisée partiellement le 6 juin 1985. Toujours est-il le pouvoir
est infantilisé en matière d'âge. Le Président de la
République, Jean Claude Duvalier peut décider de nommer un ancien
camarade de classe à la tête du Gouvernement parce qu'il fallait
avoir au moins dix-huit ans pour être Premier Ministre. Une simple
question de volonté s'avérait suffisante. D'ailleurs, le Premier
Ministre est nommé par le Président et est responsable devant lui
et devant la chambre des députés.
La professeure Mirlande Manigat nous dit qu'en vain fut
amendée la Constitution de 1983 dont la seule marque distinctive est la
création du poste de Premier Ministre, alternative à la
renonciation à la présidence à vie réclamée
par des milliers internationaux71 qui croyaient encore
71Manigat, Mirlande, Entre les normes et les
réalités. Le parlement haïtien (1806-2007),
université quisqueya, Presses de l'imprimeur II, P-au-P, Haïti,
p483
54
possible d'amender le régime, le bonifier en quelque
sorte pour le rendre plus acceptable. Mais, le président Jean Claude
Duvalier n'a jamais désigné un Premier Ministre et ce
bicéphalisme ne fut jamais opérationnel, donc inopérant.
De ce fait, Duvalier fils a raté la chance d'apporter le bémol
dans la dictature amorcée par son père et c'est la fin de cette
grande période.
b) Fin du temps des constitutions
dictatoriales
Sous l'ère des Duvalier, le pays connut les
Constitutions de 1957, celle qui constitue la chaise d'aisance, par la
suppression du Sénat, sur laquelle s'assoit François Duvalier
pour camper ses projets de personnalisation du pouvoir politique haïtien.
Et il a, entre-temps, fait adopté la Constitution de 1964 pour lui
octroyer le titre de Président à vie de la République,
pour avoir été le premier qui a pu changer le pays sur les plans
social, politique, économique et religieux. Et ensuite, la Constitution
de 1971 imposée pour permettre à son fils Jean Claude de jouir le
fameux héritage dont il lui a légué, soit le pouvoir
politique du peuple haïtien. La majorité civile et politique
était donc fixée à dix-huit, ce qui permettait à
Duvalier-fils d'être Président à vie d'Haïti en
1971.
Passé près de 12 ans à la tête du
pays comme un bambin, puisqu'il ne pouvait pas diriger vraiment à 19
ans, si oui, ce n'est que par les proches-parents. Duvalier fils a fait voter
la Constitution de 1983, révisée en 1985 pour instituer le poste
de Premier Ministre à la tête du Gouvernement. Mais au final,
l'histoire a montré qu'il n'a jamais nommé un Premier Ministre
jusqu'à la destitution du régime le 7 février 1986. Et le
pays a connu, en termes de rupture, la Constitution de 1987, objet fondamental
de la seconde partie du travail.
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Seconde partie
La Constitution de 1987 : un acte de rupture
et de divorce
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Pays à faibles structures
socio-économico-politiques, Haïti n'a pas pu échapper aux
dominations économiques, aux influences sociales et politiques de
l'Angleterre, de la France, des États-Unis, etc... Dans tous ces aspects
de la question, la dimension politique jouit d'un sérieux regard dans le
cadre de notre travail. Le régime parlementaire et le régime
présidentiel qui sont deux régimes-types issus du système
de suffrage, ont marqué toute l'histoire politique de l'humanité
avec le fameux principe de la séparation ou de la distribution des
pouvoirs pour éviter tout abus flagrant.
Baignée pendant plus de vingt-neuf ans dans
l'océan dictatorial des Duvalier, soit de 1957 à 1986, Haïti
s'est trouvée dans l'obligation de tout restructurer. Pris par la
conjoncture de l'époque, influencés simultanément par la
communauté internationale, notamment la France et les États-Unis,
les constituants de 1987 ont doté, à leur façon, le pays
d'une Constitution dont les interprétations prêtent à
l'équivoque dans la compréhension de la nature du
régime.
Ce travail, qui vise aussi à rechercher la nature du
régime politique, va, de toute façon, tenir compte de la loi
portant amendement de la Constitution de 1987, publiée le Mardi 19 juin
201272. Un amendement qui a soulevé beaucoup de débats
sur l'échiquier politique haïtien, mais, ces deniers nous
intéressent peu parce que nous nous attachons davantage aux prescrits de
la loi au lieu d'analyser les faits politiques parce qu'encore une fois nous
voulons contribuer théoriquement au positivisme juridique. Cette partie
du travail s'intéresse, particulièrement, à la
Constitution de 1987, et se divise en deux chapitres.
Dans le premier chapitre, nous allons chercher l'essentiel du
régime politique haïtien et c'est pourquoi il est titré
"De l'essence du régime politique haïtien". La
Constitution de 1987, élaborée dans les climats cités plus
hauts, a probablement des conséquences négatives sur la
société et nous allons nous intéresser, de ce fait,
à la réalité actuelle du régime politique
haïtien. Voilà pourquoi le second chapitre est titré
"Le régime politique haïtien : sa réalité et
son devenir".
72LE MONITEUR, Arrêté du 19 juin 2012
publiant la loi constitutionnelle portant amendement de la Constitution de
1987(Reproductions pour erreurs matérielles) correspondances y
attachées, numéro extraordinaire, Mardi 19 Juin 2012,
167eme année, No 96.
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