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Considerations historico-juridiques sur le regime politique haitien

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par Jhensly Endy Frederic
Faculte de Droit et des Sciences Economiques, UEH - Droit 2014
  

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B.- Un Président-Roi de la République

Parler de président à l'ère contemporaine implique que l'on vit dans une République. Une république, étymologiquement, se définit comme la chose du peuple ou le pouvoir du peuple. Quand le peuple est le maitre du pouvoir politique, il lui revient aussi le droit de choisir ses représentants parce qu'il ne peut l'exercer directement de par sa forte densité. Autrement dit, quand on parle de Président, on fait allusion à une république qui implique élection, l'un des moyens de faire participer les citoyens dans la direction du pays.

Et généralement, quand on parle de roi ou reine, il est question de monarchie. Ils sont nombreux les hommes et les femmes qui ont porté ce titre dans le monde, même en occident qui se réjouisse d'avoir théorisé adéquatement la démocratie à tous les peuples du monde. Dans la majorité des cas, en attendant le chambardement par certaines révolutions et l'encadrement juridique de la sphère politique, la passation du pouvoir héréditaire entre les rois ou les reines se fait en famille61. A ce stade, beaucoup de pays dans le monde ont connu une monarchie avant de devenir république62. Mais nous doutons fort que ces pays passent de république en monarchie.

Il est paradoxal, pour nous et pour les autres éventuellement, qu'un homme puisse être un président-roi. On peut être Président en République et roi en monarchie. Ce sont deux régimes

61 La famille Bourbon en Espagne, la famille Bernadotte en suède, etc...

62 L'Allemagne, de 1871 à 1919, avec l'Empire allemand ; le Brésil, de 1822 à 1889, avec l'Empire du Brésil ; l'Italie de 1861 à 1928 puis de 1943 à 1946 en tant que Royaume d'Italie ; la France, avec le Royaume de France, de 1791 à 1792 puis de 1814 à 1848 (Restauration française et Monarchie de Juillet) ;

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politiques différents. Par contre, Haïti, pays tout à fait spécial, peut-être, a concilié président et roi pour en faire un autre, président-roi. Nous dirions que c'est compréhensible si les éléments qui font de quelqu'un un président existe et ceux qui font d'un autre un roi sont présents, un simple mélange des compétences les plus fondamentales suffit pour être un président-roi.

Haïti est, dans ce cas, une république monarchique ou une monarchie républicaine, mais il n'est pas question de cette dénomination. Liberté, Egalité, Fraternité et République d'Haïti sont les mentions qui sont toujours figurées au frontispice de toutes les constitutions d'Haïti. Et l'article premier est toujours consacré à : Haïti est une république indivisible, souveraine, indépendante, démocratique et sociale. Il est tout à fait incompréhensible qu'il existe, légalement et constitutionnellement, tant de contradictions dans les sphères du pouvoir politique haïtien. Nous ne sommes pas au niveau de l'inadéquation existante entre les actions politiques et les prescrits constitutionnels, ce qui relèverait de la science politique, mais nous sommes dans l'interprétation des règles juridiques constitutionnelles.

Personne ne peut douter que les Duvalier ont développé un rapport très étroit avec l'hérédité (a) et la mort (b), au niveau des constitutions élaborées à leur profit.

a) Le fameux droit de désignation de son successeur

Les rois et les reines ont eu toujours le pouvoir ou le privilège de choisir leur successeur et généralement le choix se portait sur leur fils ainé, selon la tradition. Ces cas de figure font référence aux régimes monarchiques et héréditaires où la possibilité d'accession au pouvoir n'existait pratiquement pas sans être membre de la famille royale. Même si l'inverse n'est pas forcement vraie, on peut être membre de la famille royale sans devenir jamais roi ou reine. Avec les grandes révolutions qui ont chambardé un ensemble de systèmes dans le monde, ce temps-là est révolu mais en Haïti, nous lisons que :

Le citoyen Dr François Duvalier, chef suprême de la nation haïtienne ayant provoqué pour la première fois, depuis mil huit cent quatre (1804) une prise de conscience nationale à travers un changement radical au point de vue politique, économique, social, culturel et

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religieux en Haïti, élu Président à vie le 14juin 1964, afin d'assurer les conquêtes et la performance de la République duvaliériste, sous l'étendard de l'unité nationale63.

Aux termes de l'interprétation de cet article, il est le seul, depuis 1804, qui a fait ce qu'il a pu faire, en matière de prise de conscience nationale, pour la première fois. Il est le seul qui a pu provoquer un changement radical dans le pays sur tous les plans. Et tout cela lui a valu le titre de Président à vie de la République. Il aurait pu se faire appeler roi de la République. Pratiquement, ce sont les rois qui jouissent de la mention à vie sans même pourtant inscrit quelque part puisque le pouvoir n'était pas codifié dans une charte fondamentale.

Etre président à vie d'une république, à notre avis accorde le titre de Président-roi. Lequel statut qui marche avec le droit de vie et de mort sur tous les individus vivant dans le pays. Pratiquement, quand on est responsable devant personne, il est facile de faire ce qu'on veut car aucune barrière n'existe. Tout président à vie ne va pas avoir de craintes pour personne et n'a non plus de comptes à rendre. Il est maitre et seigneur. Il peut faire ce qui lui semble bon à sa propre satisfaction au détriment de tout autre. S'il est responsable, ce n'est que devant lui-même ou devant Dieu s'il croit que son pouvoir est divin ou encore devant la mort.

b) La mort et le Président de la République

Seule la mort peut juger quelqu'un qui jouit d'une présidence à vie. Il n'est responsable, nous dirions, que devant la mort. Aucun parlementaire ne peut se permettre le droit de questionner le Président, ce dernier n'est pas responsable devant eux. Nul ne peut se permettre de mener une campagne contre le Président-roi, il n'a plus à participer dans une course électorale pour être réélu. Présidence à vie a pour corollaire la mort comme interpellateur ou juge. Nul ne peut se prévaloir le droit que le Chef à vie a mal agi. Tout ce qu'il a fait est bien. D'ailleurs, son successeur est celui qui partage la même vision que lui.

Le Président à vie de la République Dr François Duvalier a le droit de désigner comme successeur, tout citoyen remplissant les conditions prévues à l'article 91 de la Constitution. (Art 100 de la même constitution).

63 Art 99 de la constitution de 1971).

LE MONITEUR, Journal Officiel de la République d'Haïti, Constitution de la République d'Haïti 1964 amendée-Reproductions pour erreurs matérielles, P-au-P, jeudi 25 fév. 1971, 126ème année, No 16.

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Il n'est pas du tout permis à n'importe qui de briguer la plus haute magistrature de l'État haïtien ou de succéder au Dr François Duvalier sans être un adepte, un partisan ou le fils de ce dernier. Il est le seul qui peut choisir quelqu'un pour le remplacer en cas d'empêchement éventuel ou après sa mort. Personne, après lui qui a pu opérer un changement radical sur les plans économique, social, politique et religieux, ne peut faire valoir la prétention de mieux diriger le pays, selon la Constitution de 1971.

François Duvalier a été un vrai amoureux du pouvoir. Il a fait de son mieux, constitutionnellement et pratiquement, pour garder ou conserver sous son contrôle le pouvoir. Il doit rester toujours sous sa domination même après sa mort. Celui qu'il a choisi, fut celui qui se montre le plus digne et le plus apte à sa doctrine ou à sa politique de gouvernance. Dès le départ, il avait déjà en tête celui qu'il faut choisir. D'ailleurs, il a aménagé, à cet effet, des provisions légales et constitutionnelles pour lui permettre de bien asseoir son projet politique, rien d'autre que la consolidation et la personnalisation du pouvoir.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci