Considerations historico-juridiques sur le regime politique haitien( Télécharger le fichier original )par Jhensly Endy Frederic Faculte de Droit et des Sciences Economiques, UEH - Droit 2014 |
B.- Moyens de concentration du pouvoirAvec la Constitution de 1950, le champ de la politique était élargi. Il devenait accessible à tous. L'élection a été organisée, les procédures de discussion et de délibération parlementaire ont été possibles surtout avec la présence du Sénat. Nous pourrions dire que le peuple était doublement représenté dans les assemblées. Le pouvoir n'était plus incarné dans la personne d'un chef mais il était plutôt en cours d'être institutionnalisé. D'un coup, le parlement a été en baisse par la suppression du Sénat. Mais, la présidence était renforcée et consolidée. Cela constituait un déficit pour le pouvoir législatif mais profitable, qu'on le veuille ou non, au pouvoir exécutif parce que les possibilités de contrôle devenaient 49 Edenter, verbe utilisé par Michel Georges dans son livre, La constitution de 1987 : souvenir d'un constituant, Maison Henri Deschamps, P-au-P 1991, p133, pour montrer que les constituants de 1987 ont enlevé tous les pouvoirs au Président de la République. 35 minimes. Il a eu plus de possibilités pour faire passer ses décisions sur l'infantilité des Députés plus jeunes et moins habiles que les Sénateurs. Un tel acte a favorisé la personnalisation du pouvoir et a été contraire à la démocratie. Cette dernière vise la participation directe ou indirecte des citoyens à la vie publique. Elle a pour fondement les institutions politiques et met l'accent sur les assemblées parlementaires qui constituent le principal lieu de représentation politique. Toute diminution de leur influence est néfaste sur la représentation politique. En ce sens, le peuple est désormais perçu comme la source de légitimité du pouvoir. Mais en Haïti, le Sénat a été mis hors du jeu politique en 1957. De Saint Thomas à Hobbes, la représentation est la condition d'existence d'un peuple. Il est fort probable que cette notion constitue la toile de fonds de la modernité politique50, et sans elle, le pouvoir est faible, car elle lui donne assise et force51. Elle est donc un processus artificiel et abstrait par lequel chacun, en désignant un représentant, accepte d'identifier sa volonté à celle du souverain. « Elle est l'un des paramètres essentiels de la démocratie52». Elle est la condition essentielle de la démocratie représentative dont les principaux acteurs considèrent comme la seule viable dans les sociétés à forte densité démographique car l'exercice direct du pouvoir parait utopique. Quand nous considérons la suppression du Sénat par la Constitution de 1957, nous avons envie de conclure que les possibilités pour le Président d'agir comme bon lui semble se renforcent, (a) surtout quand des provisions légales lui donnent une bonne assise (b). a) Une présidence renforcée Le parlement est l'organe de contrôle par excellence. Si l'exécutif est une vertèbre de contrôle des actions des autres pouvoirs, le parlement en est la colonne vertébrale. Il est le contrôleur principal. Son contrôle est d'une plus grande importance que celui du pouvoir exécutif. Nous dirions que le pouvoir législatif, sauf pour le besoin de son fonctionnement, ne décaisse pas le trésor public. Il ne dirige pas les forces armées, ni la police. Il ne nomme, encore moins révoquer 50Grignon Philippe, Le peuple et ses représentants. [En ligne]. In : www.la vie des idees.fr disponible sur : http://www.laviedesidees.fr/Le-peuple-et-ses-representants.html (page consultée le 17/02/2013) p2. 51HOBBES, Thomas (1651), Léviathan, chap. XVI, coll. : "Les classiques des sciences sociales, Édition réalisée le 3 janvier 2004, revue et corrigée le 12 juin 2012 à Chicoutimi, Québec. p123. 52 Simone Godard-Fabre, op cit. p17. 36 les employés, les fonctionnaires et les grands cadres de l'État. Tout ceci relève de la compétence du pouvoir exécutif, en particulier du Président de la République. Nous lisons que le Président de la République nomme et révoque les Secrétaires d'État, les fonctionnaires et les employés. Il fait sceller les lois du sceau de la République. Il a la faculté de dissoudre le corps législatif conformément à la loi. Il a le droit de grâce et de commutation de peine (art 90 et s. de la Constitution de 1957). Si le Président de la République a toutes ses attributions, alors un contrôle est nécessaire pour éviter qu'il ne dépasse pas les limites. Ce contrôle nécessite des hommes forts, compétents et expérimentés. L'un des meilleurs moyens est le Parlement avec un Sénat et une chambre des Députés. Quand nous sommes en présence d'un bicaméralisme, le contrôle est plus ou moins strict. Si une décision a été adoptée par une chambre sous la pression quelconque ou sur l'emprise du coeur, l'autre chambre peut en prendre contre-pied toutefois jugée mauvaise. Mais, quand il s'agit d'une chambre unique surtout celle des Députés, le pouvoir exécutif est trop confortable. Sa volonté passerait relativement facile. b) La Constitution de 1957, assise du Président de la République de 1957 Nous tenons à montrer que la Constitution de 1957 constitue les moyens permettant le passage à tout acte délictuel postérieur à elle. Loin de nier ses bienfaits. Depuis l'indépendance, elle est la première qui ait tenté de valoriser l'utilisation du créole dans les services publics, ce afin de sauvegarder les intérêts matériels et moraux des citoyens qui ne connaissent pas suffisamment la langue française (art. 35). Nous ne devons pas oublier également que cette Constitution fait, pour la première fois, appel au devoir civique des citoyens fonctionnaires en leur recommandant une certaine éthique et une grande fidélité à la République. A ne pas oublier non plus, qu'elle accorde aux haïtiens le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, même pour s'occuper d'objets politiques, de s'associer et de se grouper en partis politiques, en syndicats et en coopératives (arts. 31 et 32). Néanmoins, le respect de ces droits nécessite des institutions solides. La chambre unique susceptible d'instituer par la Constitution de 1957 serait trop jeune et manquerait d'expériences. Les possibilités de prendre contre-pied des actes du Président de la République étaient minimes. Le bon côté du bicaméralisme est qu'il permet à une chambre de corriger les erreurs ou les 37 émotions d'une autre. Même si le Sénat doit être plus expérimenté, il peut être, dès fois, en erreur ou se tromper de bonne foi. Une fois la gaffe est constatée, la chambre des Députes peut en faire objection et vice versa. Mais généralement, un plus grand respect est accordé au Sénat. Premièrement, ses membres sont issus d'un électorat plus large que les Députés. Autrement dit, leur niveau de représentation politique est plus grand. Deuxièmement, l'âge requis pour être Sénateur est plus grand que celui pour être Député. Donc plus d'importances sont accordées aux sénateurs. In fine, de la Constitution de 1950 qui a eu un parlement bicaméral et a instauré, pour la première fois, le suffrage universel direct pour briguer un poste politique en Haïti à la Constitution de 1957 qui a supprimé ce bicaméralisme au profit d'un parlement à chambre unique, soit celle des Députés, on ne peut aboutir qu'à une institutionnalisation manquée ou ratée du pouvoir politique haïtien. Et le fait de rater cette institutionnalisation amorcée, le pouvoir politique a été personnalisé pendant longtemps. 38 |
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