Piraterie ou contrefaçon des oeuvres musicales: facteurs explicatifs, modes opératoires et impact sur les artistes-musiciens à Yaoundé( Télécharger le fichier original )par Joel Christian NKENG à NKENG Université de Yaoundé 1 - Master 2 en Sociologie 2010 |
I.2.2.2- Faiblesses des PASLes PAS ont mis peu d'accent sur les secteurs réels de l'économie, et ont ignoré des politiques parfois vitales pour certains pays en crise, en insistant sur la croissance économique qui serait impulsée par la maîtrise des dépenses publiques essentiellement et la libéralisation de l'économie. Ainsi, des axes importants tels que : le développement rural, le développement industriel et énergétique, le développement des infrastructures et surtout le développement social ont été relégué au second plan. Aucune allusion n'est faite à la création d'emploi ou tout au moins, à la conservation des emplois. En outre, les PAS, solution pensée au Nord pour les pays en voie de développement, s'inscrivent selon ELA, J-M. dans une logique « d'arrogance et d'ignorance » à l'égard des besoins fondamentaux des populations locales. Et, précise DURUFLE, G. : La faillite est don évidente, mais faillite de qui ? De quoi ? Faillite des politiques d'ajustement structurels imposées par les bailleurs de fonds étrangers (FMI et BIRD principalement, mais également CCCE [Caisse centrale de coopération économique] dans les anciennes colonies françaises), qui étranglent les pays et leur imposent des politiques libérales dévastatrices, dira-t-on d'un côté ; faillite de politiques économiques et de gestions nationales mal orientées et mal conduites, lenteur des réformes, répliquera-t-on de l'autre.148(*) Les conséquences ne se font pas attendre. N'en déplaise à Michel CAMDESSUS, alors Directeur de la Banque Mondiale à cette époque, qui affirme avec un brin d'optimisme que : « même si les effets positifs se font attendre, les PAS permettront de lutter efficacement contre la pauvreté149(*) ». Au Cameroun, les PAS ont donné lieu à une diminution des salaires des fonctionnaires, dans les systèmes où la répartition des revenus était déjà l'une des plus inégalitaires du monde. Pour ce pays où l'Etat est le principal employeur, on imagine l'effondrement des budgets familiaux avec les mesures imposées par les PAS. De nombreux services publics sont totalement désorganisés, les fonctionnaires sont démotivés et mécontents. L'impact de l'ajustement structurel sur les différents aspects du marché du travail en Afrique est considérable, comme le souligne HUGON, P. dans un article de périodique de l'OIT150(*). I.2.2.3- Echec des PAS, crise de l'emploi et montée du chômageLes résultats des PAS ne sont guère probants. L'échec retentissant qui sanctionne la mise en oeuvre de ces programmes s'exprime à travers une crise accentuée sur les plans économique, financier et surtout social. Même si sur le plan économique l'on note le retour réussi à certains équilibres macroéconomiques et une augmentation de la croissance, il faut cependant reconnaître que cette croissance n'a pas été de longue durée ; ce qui a entraîné une dévaluation du franc CFA. Sur le plan social, la restructuration des entreprises du secteur public et parapublic qui a entraîné la fermeture de certaines entreprises et le gel des recrutements dans la fonction publique, et les mesures d'allègement des effectifs, notamment les compressions et licenciements massifs de la fonction publique, ainsi que des entreprises privées, ont engendré une forte montée du chômage. En effet : Du fait de la crise économique persistante, nombre d'entreprises publiques et privées camerounaises ont cessé de fonctionner. Quant aux plus performantes, elles ont réduit le volume de leurs activités engendrant par là même la réduction des emplois et de la distribution des revenus qui découlaient de l'emploi d'un volume important de main-d'oeuvre.151(*) Cette montée vertigineuse du chômage et sa cohorte de conséquences néfastes entraînent l'``irruption des pauvres152(*)'' et va nécessiter en urgence, la mise en oeuvre des mesures correctives, encore appelées Dimensions sociales de l'ajustement structurel (DSAS). Celles-ci sont prises pour juguler cette pesanteur sociale néfaste des PAS en apportant une vision micro des objectifs de développement. Toutefois, n'ayant toujours placé la création des richesses et des emplois au centre de leurs préoccupations, ces PAS vont à nouveau connaître des problèmes. La situation va davantage se dégrader avec la monnaie des pays africains de la zone franc (le franc CFA) qui est dévaluée en janvier 1994. Avec cette dévaluation, va donc apparaître un nouveau phénomène : « la pauvreté ». Entre 1984 et 1991, le niveau de l'emploi a baissé de 10%153(*), « le phénomène du chômage touche près de 22% de la population active, et atteint 24% et 31% dans les grandes métropoles, 4% dans la zone rurale »154(*). Selon le FNE155(*), entre 1988 et 1992, 45 000 emplois ont disparu du fait des liquidations des entreprises publiques et parapubliques. Entre 1989 et 1990, les pertes d'emplois dans le secteur privé se chiffrent à 20 000, d'après la même source. Les effectifs de la fonction publique sont passés de 188 200 fonctionnaires en 1987 à environ 157 510 en mai 1996. Soit une perte de près de 30 000 emplois en moins de 10 ans. A cet égard, les réformes macroéconomiques d'ajustement structurel mises en oeuvre au Cameroun ont conduit dans un premier temps à une réduction de l'emploi public et du secteur moderne en général, puis parallèlement à une augmentation des services et une informalisation croissante des formes d'insertion des actifs dans le marché du travail. Si le chômage et le sous emploi restent en général une préoccupation majeure en matière de développement au Cameroun, l'accès des jeunes (15-25 ans) au marché du travail en constitue la problématique la plus sensible. Au Cameroun, en effet, la moitié de la population des chômeurs est jeune. Ainsi : Alors qu'il est évalué à environ 80% de la population active totale, il touche près de 15% des jeunes actifs, avec des écarts prononcés selon le sexe et le milieu de résidence. Les jeunes constituent ainsi la couche de la population qui tire le chômage vers le haut. Les jeunes chômeurs représentent près de la moitié du total des chômeurs avec en milieu rural une proportion avoisinant les 60% du total.156(*) Selon la Banque Mondiale : « A Yaoundé, sur dix jeunes de 10 à 29 ans se présentant sur le marché du travail en 1992, trois sont chômeurs, six passent dans le secteur informel et un seulement intègre le secteur moderne (public ou privé) »157(*) . A ce sujet, les deux enquêtes réalisées respectivement en 1996 (ECAM I) et en 2001 (ECAM II) sont plus précises à ce sujet. D'après leurs résultats, le chômage atteindrait le taux de 17% en 1995. Il reflète surtout une population jeune, car sur près de 35% de la population active au chômage, 60% sont des jeunes de moins de 30 ans. L'enquête sur l'emploi et le secteur informel réalisée en 2005 a établi le taux de chômage à 4,4%. En 2009, la situation de l'emploi au Cameroun est encore plus préoccupante. L'emploi jeune reste toujours au centre de toutes les attentions. Une étude récente menée de 2004 à 2008 portant sur « la dynamique d'insertion socio-professionnelle des jeunes dans la ville de Yaoundé » par l'ISSEA159(*) a démontré que 64% de jeunes ayant reçu une formation professionnelle ont le niveau du cycle secondaire, que le taux général de non-insertion des jeunes reste très élevé (plus de 45% en 2006), que les couches de 15 à 20 ans sont les plus touchées par le problème du chômage et une bonne partie de la population active exerce surtout dans le secteur informel. Le chômage s'est donc emparé de la majorité de la population active160(*) du pays, c'est-à-dire les personnes qui participent ou désirent participer à l'activité économique ou à la production des biens et services pour obtenir en retour un revenu monétaire ou en nature. Le chômage est donc une cause évidente de la situation de pauvreté induite par des politiques d'ajustement au coût social élevé. Les privatisations, les réductions drastiques des déficits publics et les restructurations du secteur public ont conduit non seulement à une baisse de l'emploi dans le secteur public, mais aussi une contraction de l'activité privée et de l'emploi afférent. Cette conjoncture économique difficile qui prévaut entraine la baisse du pouvoir d'achat des camerounais et la dégradation des conditions de vie de la majorité de la population. Dans un tel contexte, il se trouve que les oeuvres musicales sont devenues trop cher pour ces populations qui peinent à satisfaire leurs besoins élémentaires. Par conséquent, le secteur informel reste pour beaucoup la seule issue pouvant permettre de s'extirper de la pauvreté ou de la misère dans laquelle ils sont englués, et surtout de retrouver l'espoir perdu. Et c'est logiquement auprès des vendeurs des CD pirates que tout le monde se rue désormais. * 148. DURUFLE, G., op.cit., p.5. * 149. B. DUJARDIN, M. DUJARDIN, et I. HERMANS, « Ajustement Structurel, Ajustement Culturel », in Revue de société française de santé publique, 2004/4, n° 15. * 150. HUGON Philippe, « Ajustement structurel, emploi et rôle des partenaires sociaux en Afrique francophone », in Cahiers de l'emploi et de la formation, Genève OIT, 1998. (Disponible sur le site : http://www.ilo.org/public/french/employment/stat/publ. * 151. Grégoire TAMO, cité par KENGNE FODOUOP (Sous la dir. de), in Economie informelle et développement dans les pays du sud à l'ère de la mondialisation, Yaoundé, PUY, 2000, 392 p, p.182. * 152. ELA, J-M., Afrique : l'irruption des pauvres. Société contre ingérence, pouvoir et argent, Paris, l'Harmattan, 1994. * 153. Source: MINEFI 2003, Document de stratégie de réduction de la pauvreté, Yaoundé, MINEFI, p.4. * 154. MENGUE, Marie-Thérèse, « La pauvreté dans la recherche en science sociale », in MENGUE, M-T., et BOUKONGOU, J-D., (Dir.), Comprendre la pauvreté au Cameroun, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2004, pp.27-45, p.34. * 155. FNE, 1996, p.16. * 156. Projet DSRP Jeunesse, 2006, p.1. * 157158. Banque Mondiale, « Cameroun : Diversité, croissance et réduction de la pauvreté », Rapport n°13167-CM, 1995, p.91. * 159. L'Institut Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée (ISSEA), qui a rendu public les résultats de cette enquête lors d'un atelier de restitution d'étude, dont les résultats sont repris ici sont tirés du quotidien Cameroon Tribune, édition du 14 juillet 2009, p.12. * 160. Est actif au sens du BIT, tout actif occupé ou tout chômeur cherchant activement du travail. |
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