Les contrats d'adhesion a l'épreuve de la loi-cadre n?°2011/012 du 06 mai 2011 portant protection des consommateurs au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Serge Valery PETNGA NKWENGOUA FSJP - Université de Ngaoundere - Master II Recherche Droit privé 2011 |
Paragraphe I- La prohibition implicite et sélective des déséquilibres par les moyens empruntés du droit commun160(*).80.En réalité, l'objectif à atteindre ici est de démontrer que le droit commun aidé en cela par les interventions particulièrement audacieuses de la jurisprudence effectue de façon sélective un contrôle des déséquilibres contractuels. Plusieurs instruments de lutte contre les déséquilibres contractuels161(*) peuvent être invoqués mais nous utiliserons les plus pertinents. Nous verrons donc les mécanismes de droit commun de contrôle de l'équilibre des prestations (A) d'une part et d'autre part nous allons envisager les autres mécanismes (B). A. Les mécanismes de contrôle de l'équilibre des prestations.81.Pourle Professeur Calais-Auloy, il n'existe pas dans la théorie générale des contratsun principe général assurant directement la lutte contre les déséquilibres contractuels162(*). Pourles Professeurs Picod et Davo, les déséquilibres des contrats peuvent être tout de même atténués par plusieurs instruments donnant lieu à une utilisation sélective163(*) : certains instruments pour ces derniers sont inadaptés, d'autres pertinents. Il y'a lieu de voir d'une part l'hypothèse du contrôle des déséquilibres par la lésion, vice exceptionnel de consentement (1) et d'autre part celle du contrôle par la cause du contrat (2). 1. Le contrôle de l'équilibre de « l'objet de l'obligation » par la lésion.D'emblée, il importe de dire quela lésion se démarque en principe de la théorie des clauses abusives, laquelle en droit comparé ne concerne ni l'objet ni le prix. En effet, les législateurs français et belge le prévoient expressément pour marquer que la théorie des clauses abusives ne sont pas un système pour généraliser la lésion en droit de la consommation164(*). Pour en revenir à la lésion, l'article 1118 du C. civ. applicable au Cameroun est clair : « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l'égard de certaines personnes ». Ainsi, en dehors de la vente immobilière prévue à l'article 1674 et du partage à l'article 887 du C. civ., pour ce qui est des contrats, il ne peut y avoir lésion qu'à l'égard de certaines personnes : les mineurs non émancipés et des majors incapables165(*). Outre ces différents cas de figure, quelques lois postérieures l'admettent également. De son côté, il est admis que la jurisprudence puisse contrôler les honoraires de certaines professions libérales166(*). Un fait est tout de même notable, celui de la prise en compte de la section 7 article 23 de l'avant-projet d'AUCC qui prévoit que la lésion vicie le consentement du consommateur. Bien plus elle consiste en une disproportion importante entre les prestations des parties et résulte de l'exploitation par l'entreprise de l'état de dépendance, de la détresse économique, de l'urgence des besoins, de l'imprévoyance, de l'ignorance, de l'inexpérience ou de l'inaptitude à la négociation du consommateur. La disproportion importante fait présumer l'exploitation. La lésion peut résulter aussi d'une obligation dont l'importance ou la nature est jugée excessive et déraisonnable, eu égard à la situation patrimoniale du consommateur. Dès lors, il est évident que cet avant-projet veut tendre à une généralisation de la lésion comme principe de restauration de l'équilibre contractuel, ce qui est en l'état actuel du droit positif camerounais impossible. 82.En définitive, l'on aurait pu emboîter le pas de l'avant-projet d'AUCC et généraliser cet instrument pour pouvoir permettre un contrôle des déséquilibres du contrat, mais il serait difficile dans cette optique de concilier justice contractuelle et sécurité juridique. C'est pourquoi, la lésion revêt un caractère exceptionnel compte tenu du fait que c'est seulement dans ces cas sus énumérés qu'elle peut être caractérisée, mais c'est également un vice objectif et forfaitaire167(*) : objectif parce qu'il suffit de constater le déséquilibre entre les prestations lors de la formation du contrat, forfaitaire parce que par exemple dans les contrat visés, il est expressément caractérisé le quota précis donnant lieu au vice de lésion. Bien plus, sa particularité et ses limites proviennent du fait que la lésion n'est rescindable qu'exceptionnellement, le débiteur pouvant être admis à combler le passif, voire la différence168(*).Devant les insuffisances de la lésion à jouer le rôle d'instrument de lutte contre les déséquilibres patents et significatifs des contrats d'adhésion, la jurisprudence dans son office se sert d'autres instruments : c'est le cas de la cause. * 160 PICOD (Y.) et DAVO (H.), op.cit., n° 237, pp. 140 et s. * 161MAZEAUD (D.), « Les nouveaux instruments de l'équilibre contractuel : Ne risque-t-on pas d'aller trop loin ? », in Les actes du colloque : La nouvelle crise du contrat, (sd) Christophe JAMIN, Dalloz, 2003 ; LECUYER (H.), op. cit., p. 643 ; BENABENT (A.), Droit civil, les obligations, 11ème éd., Montchrestien, 2007, n° 140 et s., pp. 107 et s. * 162 CALAIS-AULOY (J.) et STEINMETZ (F.), op. cit., n° 173, p. 201. * 163 PICOD (Y.) et DAVO (H.), op. cit., n° 238, p. 140. * 164 Voir l'art. 31 paragr. 2 al. 2 de la loi belge sur les pratiques de commerce et sur l'information et la protection des consommateurs du 14 juillet 1991 ; ensuite l'art. L.132-1 al. 7 du Code de la consommation française qui prévoit que « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du 1er al.ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ». * 165 TERRE (F.), SIMLER (P.) et LEQUETTE (Y.), op. cit., n° 309, p. 321. * 166 Ce contrôle s'exerce notamment dans le cadre des contrats d'entreprise : Expert-comptable (Civ.1ère, 3 juin 1986, JCP 1988, 20791, note VIANDER), Conseil de Gestion (Com., 2 mars 1993, Bull. civ IV, n° 83, D.1994, som.11, obs. KULLMANN)... . * 167 TERRE (F.), SIMLER (P.) et LEQUETTE (Y.), op.cit., n° 302, p. 317. * 168Ibid., n° 317, p. 331. |
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