La protection pénale des suspects et des personnes poursuivies( Télécharger le fichier original )par Samba Baba N'DIAYE Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Master Droit Privé Général 2013 |
SECTION 2 : LES COMPOSANTES DES DROITS DE LA DEFENSE :La personne poursuivie, dès son inculpation168(*), et la victime, dès sa constitution de partie civile, ont le droit de se faire assister d'un défenseur ou conseil, qui est un avocat. Celui-ci consulte le dossier, peut y déposer des notes en défense, et surtout plaide devant le tribunal ou la cour. Ce rôle est évidemment considérable : l'oeuvre de justice implique le droit à un défenseur169(*). Mais en même temps ce rôle n'est pas toujours bien compris de l'opinion publique qui saisit mal ce que l'avocat doit faire dans le procès de répression et qui oublie comment il doit agir dans le procès de défense sociale. L'avocat est un auxiliaire de justice exerçant l'ensemble des attributions antérieurement dévolues à des professions supprimées170(*). Il cumule actuellement les fonctions de conseil, de mandataire et de défenseur des plaideurs ou des accusés. La défense de l'individu faite par l'avocat rend le procès équitable. Aussi les droits de la défense se trouvent étroitement liées à la notion de procès équitable. Mais la notion de procès équitable est malaisée à définir de façon générale, l'article 6, conv. E.D.H ne faisant qu'en énumérer les principaux aspects (publicité, présomption d'innocence, droit pour l'accusé d'apporter ses preuves...) ; le C.P.P Malien n'évoque que les principes de la procédure pénale notamment du principe du contradictoire, la séparation des compétences, d'égalité devant la justice et d'équité. Aussi les droits de la défense se résument pour l'essentiel à l'assistance d'un avocat (Paragraphe 1) puis au principe de la contradiction et de l'exercice des voies de recours (Paragraphe 2). PARAGRAPHE 1 : L'ASSISTANCE D'UN AVOCAT :Pour exprimer les droits de l'individu, on parle de droits de la défense. Cette expression est très souvent utilisée et elle est susceptible, au point de vue du déroulement de la procédure, à l'assistance de l'avocat. Les droits de la défense incluent toutes les règles qui tendent à protéger le suspect, l'inculpé, l'accusé ou le prévenu contre l'arbitraire ou l'excès de zèle des autorités171(*). Plus généralement les droits de la défense permettent à la personne poursuivie de répondre à la poursuite qui la frappe. L'avocat a le droit d'assister aux interrogatoires (A) mais le juge a également le devoir d'informer ce dernier (B). A. Le droit pour l'avocat d'assister aux interrogatoires Ce droit entraine l'obligation pour le juge de le convoquer par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par avis avec accusé de réception au plus tard quatre jours ouvrables avant l'interrogatoire172(*). Ais l'avocat peut s'abstenir de venir car c'est sa convocation seule qui est requise173(*). Il faut noter que lorsque le conseil réside au siège de l'instruction, il est convoqué au plus tard quatre jours avant l'interrogatoire comme indiqué ci-dessus, mais lorsqu'il ne réside pas au siège de l'instruction, ce délai est porté à huit jours174(*). Dans le procès de répression, l'avocat n'a pas, contrairement à une opinion assez répandue, pour mission de proclamer l'innocence de son client, lorsqu'il ne la croit pas certaine. En ce cas, il doit seulement discuter les preuves produites quant à leur valeur psychologique175(*) ou quant à la régularité juridique de leur administration176(*) afin de rappeler le grand principe de la présomption d'innocence. Il n'affirme pas l'innocence, mais s'efforce de montrer que la culpabilité n'est pas prouvée. Loin d'être le seul défenseur de son client, l'avocat contribue, par la force des choses, au respect de règles qui sont édictées dans l'intérêt général. Au barreau « incombe la haute mission de lutter pour la stricte interprétation, de maintenir avec fermeté les formes protectrices de la défense, de ne point laisser affaiblir le respect du droit individuel... Lorsque l'avocat proteste contre l'extension d'une définition pénale et la violation d'une forme de procédure, ce n'est pas seule cause de l'accusé qu'il défend, c'est la cause de tous les citoyens que menace l'arbitraire, ou plutôt c'est la cause même de liberté ». Ces remarques doivent éclairer l'opposition entre l'avocat et le représentant du M.P. On présente volontiers le premier comme le défenseur de l'accusé et le second comme un accusateur uniquement. C'est doublement inexact. D'une part, le représentant du parquet doit proposer une solution juste, donc faire ressortir les aspects favorables aussi bien que les aspects défavorables à l'accusé. D'autre part, l'avocat n'est pas seulement le défenseur d'un individu puisque son action a pour résultat de servir le bien commun comme il vient d'être dit. L'avocat, défenseur d'une partie, est aussi l'auxiliaire de la justice tout entière. Et ce caractère se développe dans le procès de défense sociale177(*). Ainsi donc le juge se trouve dans l'obligation d'informer l'avocat de l'évolution du dossier de la procédure (B). B. Le devoir pour le juge d'informer l'avocat : Tout d'abord si l'intéressé est détenu, le juge doit accorder à son conseil, aussitôt après la première comparution, un permis de communiquer178(*).Et ce permis ne comporte de restriction qu'à l'égard de tierce personne car le juge peut prescrire cette interdiction à l'égard de l'inculpé et ce pour une durée de dix jours renouvelable une fois pour la même durée. En aucun cas l'interdiction de communiquer ne saurait s'appliquer au conseil de l'inculpé. Ensuite, le juge doit communiquer la procédure à l'avocat selon des règles très libérales, indiquées par l'article 110, alinéa 4 du C.P.P179(*). Après la première comparution de l'inculpé, la procédure est également mise à la disposition des avocats durant les jours ouvrables. Mais dans certains cas, le juge peut procéder à un interrogatoire immédiat et à des confrontations si l'urgence résulte soit de l'état de santé d'un témoin ou d'un co-inculpé en danger de mort, soit de l'existence d'indices sur le point de disparaitre ou encore s'il se transporte sur les lieux en cas de flagrant délit180(*). Cela dit, la communication se justifie parce que l'avocat ne peut utilement remplir son rôle que s'il connait réellement la procédure, sauf à remarquer que la recherche de la vérité peut s'avérer difficile puisque l'intéressé, averti par l'avocat du contenu du dossier, pourra prévoir les « attaques » du juge. Dans l'application, selon la jurisprudence, cette communication, comme règle qui permet à l'avocat d'être présent, ne s'impose que pour les interrogatoires et confrontations véritables, consistant en un échange de questions et de réponses, non pour les confrontations simples où l'intéressé se borne à s'expliquer sur les déclarations des témoins avec lesquels il est mis en présence, ni pour les perquisitions-saisies et reconstitutions si l'intéressé reste muet ou se limite à des déclarations spontanées ni à plus forte raison pour une simple présentation de l'intéressé à des témoins181(*). Naguère seul l'avocat avait accès au dossier, pas la personne mise en examen. Cette règle découlait notamment du C.P.P français en son article 114, alinéa 4, qui décidait que « les avocats des parties peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier pour leur usage exclusif et sans pouvoir en établir de reproduction ». Le législateur français redoutait surtout que la personne mise en examen, mise en contact avec le dossier, exerce des pressions sur les témoins. Et la jurisprudence était conforme : point de communication au client182(*). Enfin, le juge avise183(*) dans les délais les plus brefs le conseil de toutes ordonnances juridictionnelles. Notamment l'ordonnance motivée par laquelle²il refuse de procéder aux mesures d'instruction complémentaires qui lui sont demandées par les avocats. On note aussi que le C.P.P malien prévoit la possibilité pour le Procureur de la République d'assister aux interrogatoires et confrontations, aux auditions de la partie civile, aux dépositions de témoins. Mais il ne pourra prendre la parole que pour poser des questions et après avoir été autorisé par le juge d'instruction184(*). Mais les autres composantes viennent en complément pour affirmer les droits de la défense dans une certaine effectivité (Paragraphe 2). * 168 On a vu dans la première partie qu'aujourd'hui la personne gardée à vue a droit à l'assistance d'un avocat dans des conditions plus réduites, il est vrai. * 169 En théorie l'assistance d'un avocat est nécessaire, voir même obligatoire. Mais en pratique, et surtout au Mali, ce n'est pas toujours le cas car les avocats commis d'office sont absents dans les procès. * 170 En 1971 celle d'avoué près le tribunal de grande instance, d'agréé près le tribunal de commerce, et en 1991 celle de conseil juridique. * 171 Règles régissant par exemple, la garde à vue ou interdisant l'obtention de preuves, ou encore imposant au juge de motiver sa décision. * 172 Art. 110, al. 1 et 2 du C.P.P malien ; Art. 114, al. 2 du C.P.P français dont le délai est de Cinq jours ouvrables avant l'interrogatoire. * 173 Crim., 30 Septembre 1908, B.C., n° 543. * 174 Art. 110, al. 3 du C.P.P malien. * 175 Le témoignage ou l'aveu étaient-ils sincères ? * 176 La perquisition a-t-elle été opérée conformément aux règles légales ? * 177 J. PRADEL, Procédure Pénale, Op Cit., p. 170. * 178 Art. 108, al. 1 du C.P.P malien. * 179 « La procédure doit être mise à la disposition du conseil de l'inculpé deux jours ouvrables avant chaque interrogatoire ou confrontation ». * 180 Art. 110, al. 6 du C.P.P malien. * 181 Crim., 24 Octobre 1991, D., 1992, Somm. 323, Obs. J. PRADEL. * 182 Crim., 26 Juin 1995, B.C., n° 235. * 183 Par l'intermédiaire de son greffier. * 184 Art. 113, al. 1er du C.P.P. |
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