2°) Le rôle du
juge de jugement
Parler de juge de jugement, par opposition au juge
d'instruction, est une manière de désigner un autre type de
magistrat du siège. Il s'agit, de manière générale,
de tout magistrat, quel que soit son degré dans la hiérarchie
(juge d'instance, d'appel, de cassation), son pouvoir (juge du fond, du
provisoire, du droit), l'origine de son investiture (juge de l'Etat ou
nommé par les parties), doté d'un pouvoir juridictionnel en
matière pénale. Il s'agit donc, aussi bien des juges des
tribunaux, des cours d'appel ou de la Cour suprême, statuant en
matière pénale.
Ainsi donc, en matière de répression de la
criminalité financière, les juges sont saisis soit par ordonnance
de renvoi du juge d'instruction, arrêt de la Chambre de contrôle de
l'instruction, citation directe ou par la procédure de flagrant
délit (en instance), par requête d'appel (en appel) ou par pourvoi
en cassation. Le juge est chargé de trancher le litige. Pour ce faire,
il assure la police des audiences et la direction des débats. Il est
assisté à cette fin par des agents des forces du maintien de
l'ordre pendant toute la durée de l'audience. Il reçoit les
preuves et rend sa décision en se fondant sur la Loi et son intime
conviction. Il ne peut décider de ne pas rendre cette décision,
sous peine de se rendre coupable d'un déni de justice.
Le rôle du juge est fondamental dans le processus de
lutte contre la criminalité financière. En effet, c'est lui qui
est chargé de déclarer le délinquant coupable ou non, de
prononcer la peine applicable et de le remettre entre les mains du
système carcéral. Aucun organe de lutte contre la
criminalité financière ne peut se passer du juge, car il est le
seul habilité à juger de la culpabilité ou non d'une
personne, et de l'application des sanctions pénales prévues par
la législation en vigueur. C'est donc l'un des organes indispensables du
système camerounais de répression de la criminalité
financière.
C- La Chambre des Comptes de la Cour
Suprême
La nécessité d'établir un organe
étatique chargé de gérer les comptes de l'Etat s'est
très vite fait ressentir au lendemain des indépendances. C'est
ainsi qu'avec l'adoption de l'Ordonnance N°62/OF/4 du 07 Février
1962, l'Etat camerounais connait la création de la Cour
Fédérale des Comptes. Cette Cour pose clairement le principe de
la séparation des ordonnanciers et des comptables. Par la suite, cette
juridiction est supprimée par la Loi N°69/LF/17 du 10 Novembre
1969, et ses attributions d'apurement des comptes et de sanction des comptables
publics sont confiés à l'Inspection Générale de
l'Etat.
Après la suppression de cette juridiction, d'autres
textes seront pris dans le but d'enrichir la législation juridique et
financière camerounaise, parmi lesquels on peut citer :
- Le Décret N°67/DF/211 du 16 Mai 1967 portant
aménagement de la législation financière de la
République du Cameroun et Instruction sur la Comptabilité de
l'Etat ;
- La Loi N°74/18 du 05 Décembre 1974 relative au
Contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et gérants de
crédits publics et des entreprises d'Etat telle que modifiée par
la Loi N°76/4 du 08 Juillet 1976 ;
- La Loi N°77/26 du 26 Décembre 1977 fixant le
Régime Général de la Comptabilité
matières ;
- Le Décret N°196 du 23 Juin 1976 portant statut
particulier du corps des comptables matières ;
- Le Décret N°78/470 du 03 Novembre 1978 portant
organisation et fonctionnement du Conseil de Discipline Budgétaire et
Financière (CDBF).
Ces différents organes jouent le rôle de
régulateurs des comptes publics, jusqu'à la promulgation de la
Loi N°96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la Constitution
du 02 Juin 1972, dont l'article 38 créée une Chambre des Comptes
au sein de la Cour Suprême du Cameroun. Cet article a été
par la suite complété par la Loi N°2003/005 du 21 Avril 2003
fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des
Comptes de la Cour suprême.
Organe suprême camerounais en ce qui concerne le
contrôle des comptes publics, la Chambre des Comptes de la Cour
suprême a trois missions principales, déterminées par
l'article 41 de la Loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996, qui sont :
- Contrôler et statuer sur les comptes publics et ceux
des entreprises publiques et parapubliques ;
- Statuer souverainement sur les décisions rendues en
dernier ressort par les Juridictions inférieures des Comptes ;
- Connaître de toute autre matière qui lui est
expressément attribuée par la Loi.
L'article 7 de la Loi N°2003/005 pour sa part
précise que « la Chambre des comptes
contrôle et juge les comptes des comptables publics, déclare et
apure les comptabilités de fait, prononce les condamnations à
l'amende dans les conditions fixées par la loi et statue souverainement
en cassation sur les recours formés contre les jugements
définitifs des juridictions inférieures des
comptes. »
Ainsi donc, organe juridictionnel, la Chambre des Comptes de
la Cour Suprême s'assure de la bonne tenue de la comptabilité de
l'Etat. Elle est en principe assistée dans cette fonction par des
juridictions inférieures des comptes, qui constituent le premier
degré de juridiction. Cependant, en attendant la mise en place de ces
différentes juridictions, la Chambre des comptes, en vertu de l'article
79 alinéa 3 de la Loi, exerce les attributions des juridictions
inférieures des comptes en attendant leur mise en place. Elle juge
actuellement en instance, et seules deux voies de recours sont ouvertes contre
ses arrêts, selon les articles 72 à 76 de la Loi de 2003. Ces
voies de recours sont :
- L'Annulation, faite par l'Assemblée
plénière de la Cour suprême. Celle-ci doit être
saisie d'un pourvoi en annulation intenté par le Procureur
Général près la Cour Suprême, pourvoi d'ordre du
Ministre de la justice, saisi par le Ministre en charge des finances, le
comptable ou ses héritiers. En cas d'annulation, l'Assemblée
plénière de la Cour suprême évoque et statue
à nouveau. De plus, il est nécessaire de souligner que le pourvoi
en annulation a un caractère suspensif ;
- La Révision, exercée par la
Chambre des comptes toutes sections réunies. Elle est faite suite
à erreur, omission, faux ou double emploi, découverts
postérieurement au prononcé de l'arrêt. De plus, elle est
mise en oeuvre à la demande soit du comptable, soit du Ministre
chargé des finances ou des représentants légaux des
personnes morales publiques concernées, soit du Procureur
Général près la Cour Suprême, soit d'office.
Exercé dans un délai de six mois à compter de la
notification de l'arrêt au comptable, le recours en révision n'a
pas d'effet suspensif.
La procédure à suivre devant la Chambre des
comptes de la Cour suprême est déterminée dans la Loi de
2003. De plus, il faut préciser que plusieurs sanctions sont
prévues contre les comptables indélicats, qui sont pour la
plupart constituées d'amendes, prévues dans les articles 54
à 58 de la Loi de 2003.
La Chambre des Comptes de la Cour suprême joue donc un
rôle important dans le cadre de la lutte contre la criminalité
financière, car elle constitue le gendarme financier de l'Etat, son
comptable. Elle permet de déceler les irrégularités dans
la gestion financière de la chose publique. C'est donc un organe
important dans la détection et la répression des
délinquants financiers. Cependant, son rôle se limite aux comptes
publics, et ne saurait s'étendre aux comptes privés. Car en
effet, les structures privées sont censées se doter d'instruments
de contrôle internes. De plus, les bénéfices des
sociétés privées ne sont pas reversés à
l'Etat, mais à leurs propriétaires. On ne saurait donc demander
à l'Etat de contrôler des comptes pour lesquels il n'a pas
d'intérêt.
Au-delà de l'organisation judiciaire en vigueur en
matière de lutte contre la criminalité financière,
plusieurs organes extrajudiciaires oeuvrent dans la poursuite du même
objectif.
Paragraphe II : LA
PLURALITE D'ORGANES EXTRAJUDICIAIRES OEUVRANT EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LA
CRIMINALITE FINANCIERE
A côté des autorités judiciaires
classiques, le Cameroun s'est doté d'une pluralité d'organes
extrajudiciaires, chargés de compléter et de faciliter le
rôle des Tribunaux. Alors que certains de ces organes dépendent
entièrement de l'Etat et de ses institutions (A), d'autres au contraire
agissent en toute indépendance (B), ce qui permet d'assurer une certaine
crédibilité à leurs actes.
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