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La lutte contre la criminalité financière au Cameroun

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par Arsène Gérard ESSONO EDOU
Université de Yaoundé II - Diplôme dà¢â‚¬â„¢Etudes Approfondies 2012
  

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2°) Le rôle du juge de jugement

Parler de juge de jugement, par opposition au juge d'instruction, est une manière de désigner un autre type de magistrat du siège. Il s'agit, de manière générale, de tout magistrat, quel que soit son degré dans la hiérarchie (juge d'instance, d'appel, de cassation), son pouvoir (juge du fond, du provisoire, du droit), l'origine de son investiture (juge de l'Etat ou nommé par les parties), doté d'un pouvoir juridictionnel en matière pénale. Il s'agit donc, aussi bien des juges des tribunaux, des cours d'appel ou de la Cour suprême, statuant en matière pénale.

Ainsi donc, en matière de répression de la criminalité financière, les juges sont saisis soit par ordonnance de renvoi du juge d'instruction, arrêt de la Chambre de contrôle de l'instruction, citation directe ou par la procédure de flagrant délit (en instance), par requête d'appel (en appel) ou par pourvoi en cassation. Le juge est chargé de trancher le litige. Pour ce faire, il assure la police des audiences et la direction des débats. Il est assisté à cette fin par des agents des forces du maintien de l'ordre pendant toute la durée de l'audience. Il reçoit les preuves et rend sa décision en se fondant sur la Loi et son intime conviction. Il ne peut décider de ne pas rendre cette décision, sous peine de se rendre coupable d'un déni de justice.

Le rôle du juge est fondamental dans le processus de lutte contre la criminalité financière. En effet, c'est lui qui est chargé de déclarer le délinquant coupable ou non, de prononcer la peine applicable et de le remettre entre les mains du système carcéral. Aucun organe de lutte contre la criminalité financière ne peut se passer du juge, car il est le seul habilité à juger de la culpabilité ou non d'une personne, et de l'application des sanctions pénales prévues par la législation en vigueur. C'est donc l'un des organes indispensables du système camerounais de répression de la criminalité financière.

C- La Chambre des Comptes de la Cour Suprême

La nécessité d'établir un organe étatique chargé de gérer les comptes de l'Etat s'est très vite fait ressentir au lendemain des indépendances. C'est ainsi qu'avec l'adoption de l'Ordonnance N°62/OF/4 du 07 Février 1962, l'Etat camerounais connait la création de la Cour Fédérale des Comptes. Cette Cour pose clairement le principe de la séparation des ordonnanciers et des comptables. Par la suite, cette juridiction est supprimée par la Loi N°69/LF/17 du 10 Novembre 1969, et ses attributions d'apurement des comptes et de sanction des comptables publics sont confiés à l'Inspection Générale de l'Etat.

Après la suppression de cette juridiction, d'autres textes seront pris dans le but d'enrichir la législation juridique et financière camerounaise, parmi lesquels on peut citer :

- Le Décret N°67/DF/211 du 16 Mai 1967 portant aménagement de la législation financière de la République du Cameroun et Instruction sur la Comptabilité de l'Etat ;

- La Loi N°74/18 du 05 Décembre 1974 relative au Contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et gérants de crédits publics et des entreprises d'Etat telle que modifiée par la Loi N°76/4 du 08 Juillet 1976 ;

- La Loi N°77/26 du 26 Décembre 1977 fixant le Régime Général de la Comptabilité matières ;

- Le Décret N°196 du 23 Juin 1976 portant statut particulier du corps des comptables matières ;

- Le Décret N°78/470 du 03 Novembre 1978 portant organisation et fonctionnement du Conseil de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF).

Ces différents organes jouent le rôle de régulateurs des comptes publics, jusqu'à la promulgation de la Loi N°96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 Juin 1972, dont l'article 38 créée une Chambre des Comptes au sein de la Cour Suprême du Cameroun. Cet article a été par la suite complété par la Loi N°2003/005 du 21 Avril 2003 fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des Comptes de la Cour suprême.

Organe suprême camerounais en ce qui concerne le contrôle des comptes publics, la Chambre des Comptes de la Cour suprême a trois missions principales, déterminées par l'article 41 de la Loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996, qui sont :

- Contrôler et statuer sur les comptes publics et ceux des entreprises publiques et parapubliques ;

- Statuer souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les Juridictions inférieures des Comptes ;

- Connaître de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la Loi.

L'article 7 de la Loi N°2003/005 pour sa part précise que « la Chambre des comptes contrôle et juge les comptes des comptables publics, déclare et apure les comptabilités de fait, prononce les condamnations à l'amende dans les conditions fixées par la loi et statue souverainement en cassation sur les recours formés contre les jugements définitifs des juridictions inférieures des comptes. »

Ainsi donc, organe juridictionnel, la Chambre des Comptes de la Cour Suprême s'assure de la bonne tenue de la comptabilité de l'Etat. Elle est en principe assistée dans cette fonction par des juridictions inférieures des comptes, qui constituent le premier degré de juridiction. Cependant, en attendant la mise en place de ces différentes juridictions, la Chambre des comptes, en vertu de l'article 79 alinéa 3 de la Loi, exerce les attributions des juridictions inférieures des comptes en attendant leur mise en place. Elle juge actuellement en instance, et seules deux voies de recours sont ouvertes contre ses arrêts, selon les articles 72 à 76 de la Loi de 2003. Ces voies de recours sont :

- L'Annulation, faite par l'Assemblée plénière de la Cour suprême. Celle-ci doit être saisie d'un pourvoi en annulation intenté par le Procureur Général près la Cour Suprême, pourvoi d'ordre du Ministre de la justice, saisi par le Ministre en charge des finances, le comptable ou ses héritiers. En cas d'annulation, l'Assemblée plénière de la Cour suprême évoque et statue à nouveau. De plus, il est nécessaire de souligner que le pourvoi en annulation a un caractère suspensif ;

- La Révision, exercée par la Chambre des comptes toutes sections réunies. Elle est faite suite à erreur, omission, faux ou double emploi, découverts postérieurement au prononcé de l'arrêt. De plus, elle est mise en oeuvre à la demande soit du comptable, soit du Ministre chargé des finances ou des représentants légaux des personnes morales publiques concernées, soit du Procureur Général près la Cour Suprême, soit d'office. Exercé dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt au comptable, le recours en révision n'a pas d'effet suspensif.

La procédure à suivre devant la Chambre des comptes de la Cour suprême est déterminée dans la Loi de 2003. De plus, il faut préciser que plusieurs sanctions sont prévues contre les comptables indélicats, qui sont pour la plupart constituées d'amendes, prévues dans les articles 54 à 58 de la Loi de 2003.

La Chambre des Comptes de la Cour suprême joue donc un rôle important dans le cadre de la lutte contre la criminalité financière, car elle constitue le gendarme financier de l'Etat, son comptable. Elle permet de déceler les irrégularités dans la gestion financière de la chose publique. C'est donc un organe important dans la détection et la répression des délinquants financiers. Cependant, son rôle se limite aux comptes publics, et ne saurait s'étendre aux comptes privés. Car en effet, les structures privées sont censées se doter d'instruments de contrôle internes. De plus, les bénéfices des sociétés privées ne sont pas reversés à l'Etat, mais à leurs propriétaires. On ne saurait donc demander à l'Etat de contrôler des comptes pour lesquels il n'a pas d'intérêt.

Au-delà de l'organisation judiciaire en vigueur en matière de lutte contre la criminalité financière, plusieurs organes extrajudiciaires oeuvrent dans la poursuite du même objectif.

Paragraphe II : LA PLURALITE D'ORGANES EXTRAJUDICIAIRES OEUVRANT EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LA CRIMINALITE FINANCIERE

A côté des autorités judiciaires classiques, le Cameroun s'est doté d'une pluralité d'organes extrajudiciaires, chargés de compléter et de faciliter le rôle des Tribunaux. Alors que certains de ces organes dépendent entièrement de l'Etat et de ses institutions (A), d'autres au contraire agissent en toute indépendance (B), ce qui permet d'assurer une certaine crédibilité à leurs actes.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo