1. Écrire
Comme le souligne Marion (1997:82), « chaque média
induit des parcours de lecture ». Ce parcours de lecture, c'est la
captation de l'attention par le mouvement de lecture traversant un ou plusieurs
territoire(s). Ce parcours, c'est l'écriture qui va l'influencer,
puisqu'en tant que mouvement premier, « écrire n'a rien à
voir avec signifier, mais avec arpenter, cartographier, même des
contrées à venir. » (Deleuze & Guattari,1980:11) Ainsi,
c'est l'écriture qui cartographie les parcours à venir au sein du
territoire du média, puisque l'écriture, étant «
communiquer quelque chose à des absents » (Derrida,1971), est le
tracé des chemins laissé à des futurs lectures qui ne sont
pas encore présentes, elle est construction d'une carte pour que les
lecteurs empruntent ces parcours par le futur, elle est mouvement virtuel.
Du fait que c'est elle qui justifie des temporalités de
lecture, i.e. des parcours de l'attention, l'écriture Ñ dans son
acceptation large de dépôt de signes matériels venant faire
se supplanter l'oeil à l'oreille (McLuhan,1968) Ñ a une impact
sur les dynamiques territoriales du média. En effet, l'écriture
n'est significative que parce qu'elle est mouvement : mouvement
d'écriture du scripteur vers le dépôt du texte, qui se
pérennise dans le mouvement de lecture. Ce sont ces deux mouvements qui
sont les parcours attentionnels des deux catégories d'actants : les
scripteurs et les lecteurs. Écrire est, pour le scripteur,
définir un parcours, « décri(re) en succession tout ce que
la parole contient d'implicite et d'immédiat » (McLuhan,1968:101),
créer un parcours virtuel que le lecteur choisit ou non de suivre, sur
lequel il choisit ou non de laisser son attention.
C'est pourquoi il devient indispensable d'analyser ces
parcours, ces mouvements d'écriture et de lecture, d'autant plus qu'en
tant que parcours au sein d'un flux, ils sont instables, toujours
renouvelables, constamment en changement. Ce sont ces parcours écrits
qui vont capter ou non l'attention, et les différentes composantes de
leur création doivent être comprises pour capter au mieux cette
attention : quels sont leurs rythmes, quels sont les noeuds de passage de cette
écriture dans le flux ? Que change l'écrit d'écran dans ce
rapport au mouvement de lecture dans le parcours, i.e. comment s'effectue la
logique de succession ? Quelle légitimité s'accorde sur ces
parcours, et en quoi les territoires numériques fragilisent-ils les
figures traditionnelles de l'auteur ? C'est à ces questions que nous
répondrons dans cette première partie.
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Colin FAY
1.1. Les signes passeurs
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