2.3.4 Le rôle de l'entraide internationale en
matière pénale
En principe, l'EIMP ne s'applique pas dès le moment
où la Suisse est compétente, que ce soit selon le principe de
l'universalité ou en vertu d'une autre forme de compétence. Mais
il y a une situation concrète qui se rapproche de celle de la
compétence universelle qui relève de cette loi. Nous pensons
à celle qui résulte de l'application de la
délégation de poursuite selon les art. 85ss EIMP. Son but est
d'accorder à un Etat la compétence de poursuivre un auteur
présumé en vertu de l'obligation qui découle de l'adage
aut dedere aut iudicare (si on n'extrade pas, il faut juger)
53 PIQUEREZ, p. 44, no 22.
54 VAN WIJNKOOP.
55 FF 2008 3506.
56 FF 2008 3507.
57 FF 2008 3549 ; DUPUIS, p. 1579.
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lorsqu'il refuse d'extrader la personne poursuivie à
l'Etat requérant, détenant la compétence originaire (selon
le principe de la territorialité) ou lorsque celui-ci ne demande pas
l'extradition58.
Cette disposition pourrait également permettre de
lutter contre l'impunité dans certaines circonstances. Il impose
cependant trop de contraintes pour jouer un rôle déterminant dans
ce cadre. Il faut notamment que l'Etat sur le territoire duquel l'acte
punissable a été commis, en fasse la demande (art. 85 al. 1) et
que le principe de la double incrimination soit respecté.
Concrètement, la délégation de poursuite
n'est pas applicable dans les circonstances qui nous intéressent dans ce
travail. L'art. 85 al. 3 exclut son application lorsque « l'infraction
ressortit à la juridiction suisse en vertu d'une autre disposition
». L'avantage de la compétence universelle réside justement
dans le fait que la Suisse n'a pas besoin, en droit, de la
délégation effectuée par une Etat étranger pour
l'exercer. La compétence déléguée selon l'art. 85
EIMP est ainsi subsidiaire à la compétence fondée sur le
principe d'universalité.
Harari et al. indiquent cependant que la poursuite
fondée sur la compétence déléguée peut jouir
d'une plus forte légitimité due au fait qu'elle est basée
sur un accord mutuel, les risques inhérents à la
compétence universelle, à savoir ceux de porter atteinte à
la souveraineté d'un Etat, étant ainsi
réduits59. La jurisprudence suisse met en évidence que
notre pays accorde une grande importance à cet aspect des relations
internationales60.
Ces auteurs évoquent également une
démarche qui pourrait faciliter le travail d'instruction des
autorités judiciaires dans le cadre d'une poursuite basée sur la
compétence universelle. Ils soutiennent qu'il est possible d'imaginer
une forme de délégation de poursuite à la Suisse dans un
cas où la Suisse est déjà compétente,
délégation qui ne ferait que transmettre la poursuite mais pas la
compétence. L'atout offert par cette façon de faire réside
dans le fait que cela permet une transmission du dossier pénal de la
part de l'Etat délégant. Grâce à un tel
procédé, la délégation pourrait être «
accompagnée de pièces transmises par l'Etat
délégant », souvent indispensables à l'instruction
d'une affaire61. La compétence déléguée
sans transmission de compétence pourra ainsi aider à surmonter un
des plus grands obstacles rencontrés par la compétence
universelle : l'accès aux preuves et aux témoins (3.2).
Cette forme de procédure échappe à
l'application directe de l'EIMP, qui va néanmoins s'appliquer par
analogie62. S'appliqueront à cette délégation
les dispositions qui s'y prêtent. En font partie notamment la
règle selon laquelle l'OFJ peut refuser la délégation si
des raisons majeures s'y opposent (art. 91 al. 4 EIMP), celle qui
détermine le traitement procédural des actes d'instruction
opérés par l'Etat délégant (art. 92 EIMP) ainsi que
la disposition relative aux frais (art. 93 EIMP). Harari et al. mettent
cependant en garde contre une application systématique de l'EIMP par
analogie.63
58 HARARI (2013), p. 387.
59 IDEM, p. 395, no 29.
60 TPF 2012 97, consid. 3.5.
61 HARARI (2013), p. 396, no 29.
62 IDEM, p. 390.
63 IDEM, p. 393.
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3 LES DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE L'ART.
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