2.3.1.2 Non-extradition
Pour être poursuivi en Suisse, l'auteur
présumé ne doit pas être extradé (art. 264m
al. 1). Cette condition doit être interprétée dans le
sens évoqué par le message : non seulement l'extradition ne doit
pas se faire mais il ne doit pas être possible47. La
remise de l'accusé à un tribunal pénal international est
dans ce cas assimilée à une extradition48.
L'impossibilité peut être due à une série de
différentes causes :
- Il se peut que l'extradition ne soit même pas
demandée par le pays détenant la compétence territoriale.
Ceci peut être le cas notamment lorsque la situation politique et
juridique de l'Etat ne permet pas de mettre sur pied un procès, les
institutions étatiques étant souvent défaites par la
guerre.
- Il y a d'autres situations où le régime
soutenant les actes incriminés détient toujours le pouvoir et
dans ce cas il est prévisible que la demande d'extradition ait pour but
d'exonérer l'auteur présumé de sa responsabilité
pénale. Dans un tel cas, la procédure à l'étranger
est considérée comme étant entachée d'un «
défaut grave » au sens de l'art. 2 let. d EIMP49.
- Il est également des cas où ce sont des
membres de la population victime des actes incriminés qui sont parvenus
à prendre les rênes de l'Etat. Compte tenu de
l'éventualité qu'ils soient mus par un désir de vengeance,
la Suisse peut dans ce cas refuser l'extradition en l'absence de toutes les
garanties nécessaires quant à l'équité du
procès. L'extradition est impossible si la personne concernée
risque de subir des traitements inhumains dans l'Etat dans lequel l'acte a
été commis, selon l'art. 37 al. 3 EIMP.
44 TPF 2012 97, consid. 3.1.
45 KOLB, p. 255.
46 FF 2008 3547.
47 FF 2008 3546.
48 IDEM.
49 FF 2008 3492.
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Dans l'affaire Nezzar, une ordonnance algérienne
interdisant toute poursuite en Algérie contre les hauts responsables qui
étaient en place lors de la guerre civile des années 90, a permis
aux autorités suisses d'établir leur compétence. La raison
de cette interdiction était de permettre la réconciliation
nationale.
2.3.2 Conséquences favorables de la nouvelle
législation
Nous l'avons constaté, l'art. 264m CP aboutit
à un élargissement de la compétence universelle en droit
suisse. Faisons brièvement l'inventaire des modifications qui produisent
cet effet.
En premier lieu, l'art. 264m englobe un crime qui n'a
fait son apparition dans le CP que dans le cadre de la révision de 2011
; les crimes contre l'humanité. Celui-ci acquiert d'ores et
déjà le même statut que le génocide et les crimes de
guerre.
Ensuite, la condition de la double incrimination en cas de
crime contre l'humanité, n'est pas imposée à l'instar de
la situation qui prévalait déjà pour les crimes de guerre
en vertu du CPM et pour le génocide selon l'art. 264. Les travaux
préparatoires insistent sur le fait qu'une telle condition cause une
restriction de la compétence qui est hors proportion avec la
gravité des actes allégués50. Cela est
notamment lié au fait que la définition d'un crime ou son champ
d'application, peut changer de façon significative d'une
société à une autre51.
L'art. 264m a également pour effet que la
lex mitior n'est plus appliquée dans le cadre de la
compétence universelle pour les crimes contre l'humanité. Ce
principe n'était déjà pas applicable pour le
génocide et les crimes de guerre. Le message défend la
possibilité pour la Suisse de « punir les auteurs d'une
manière adéquate sans risquer de voir son attitude rigoureuse
à leur égard affaiblie par une disposition d'un droit
étranger prévoyant une sanction trop clémente
»52.
Comme nous le verrons plus loin lorsque nous examinerons de
plus près les conditions d'application de l'art. 264m al. 3, le
principe ne bis in idem et celui de l'imputation des peines, restent
valables. Néanmoins, leur application est devenue nettement plus souple
et moins contraignante.
Pour les crimes de guerre réprimés par le CPM,
nous avons constaté qu'entre 2004 et 2010 il fallait établir un
lien étroit avec la Suisse. Pour les raisons évoquées
précédemment, cette condition n'est pas reprise dans l'art.
264m, le législateur lui ayant préféré la
simple présence sur territoire suisse, appliquée de
surcroît avec une certaine souplesse. En effet, la présence n'est
exigée qu'au moment de l'ouverture de la procédure, comme nous
l'avons constaté auparavant.
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