2.2.3 Code pénal militaire
Le Code pénal militaire jouait un rôle primordial
en la matière. Ses articles 3 et 10 réservaient un régime
de compétence universelle, mais uniquement pour les crimes de guerre.
C'est sur la base de cette législation que la Suisse a pu
procéder à la première condamnation à
l'extérieur du Rwanda d'un criminel de guerre. Le procès contre
Fulgence Niyonteze s'est ouvert devant un Tribunal militaire à Lausanne
en avril 1999 sur la base des chefs d'accusation de meurtre et de crimes de
guerre, mais pas pour génocide, cette incrimination ne figurant pas
encore dans le droit suisse à cette époque.
En 2003, le Conseil des Etats a décidé d'ajouter
à l'art. 9 aCPM un nouvel alinéa 1bis selon lequel
« les personnes qui n'ont pas la nationalité suisse et qui ont
commis un crime de guerre à l'étranger ne peuvent faire l'objet
de poursuites pénales en Suisse que si elles se trouvent en Suisse, ont
un lien étroit avec la Suisse et ne peuvent être ni
extradées ni livrées à un tribunal pénal
international ». L'introduction de l'exigence d'un lien étroit
était la réponse politique aux problèmes survenus en
Belgique suite à l'application large que faisait la législation
belge de la compétence universelle36. En effet, celle-ci
s'appliquait sans que l'auteur présumé ait été
arrêté dans ce pays.
La condition d'un lien étroit, qui était
applicable jusqu'en 2010, faisait l'objet de nombreuses critiques doctrinales,
notamment de la part de Henzelin. Celui-ci a soulevé le fait que cette
exigence entrait directement en conflit avec les art. 49, 50 et 146 des
Conventions de Genève 1949 qui enjoignent les Etat de poursuivre ces
actes sans poser cette condition. Kolb fait remarquer que cette exigence
causait une série de nouveaux problèmes juridiques. Il mentionne
notamment la difficulté de cerner ce qui est entendu par le terme
lien étroit et le fait que cette condition va à
l'encontre du but même de la compétence universelle. Cela
apporterait le risque pour la Suisse de devenir un havre de tranquillité
pour les auteurs présumés de crimes internationaux du fait
d'avoir introduit un tel critère comme seul Etat européen. Le
législateur a entendu les critiques et il n'est guère
étonnant que cette condition soit tombée et qu'elle n'ait pas
été reprise dans l'art. 264m37.
2.3 La compétence juridictionnelle suisse selon
l'art. 264m CP
La législation précédente ayant
été considérée comme trop contraignante pour
réaliser une parfaite efficacité dans le combat contre
l'impunité, le législateur suisse a procédé
à l'adoption de l'art. 264m CP. Celui-ci est conçu comme
une lex specialis par rapport à l'art. 7 CP, applicable
spécifiquement à l'incrimination des crimes
internationaux38.
L'art. 264m CP est une des nouveautés
principales de la mise en oeuvre du Statut de Rome. Il est conçu comme
le prolongement du Code pénal international (art. 3-8 CP) et plus
36 TPF 2012 97, consid. 3.3.2.
37 KOLB, p. 257s.
38 TPF 2012 97, consid. 2.3.
8
précisément de l'art. 7 al. 2 let. b. En
d'autres termes, il s'agit d'une disposition qui fonde une compétence
juridictionnelle suisse, à savoir une réelle compétence
universelle.
Le but poursuivi était de désencombrer la
compétence universelle selon l'art. 7 al 2 de quelques conditions qui la
rendaient moins flexible lors de la lutte contre l'impunité. La
compétence universelle selon cet article s'applique aux trois des quatre
core crimes qui entrent également dans le champ d'application
de la Cour pénale internationale (CPI) : les crimes de guerre, les
crimes contre l'humanité et le génocide39. Le CP
mentionne un quatrième crime, le crime d'agression (crime contre la
paix) qui fait actuellement l'objet de deux amendements au Statut de Rome ;
ceux-ci viennent de passer avec succès par la procédure de
consultation. Hors, Conseil fédéral ne souhaite pour l'instant
pas amender le droit pénal national Suisse en y insérant
directement une disposition réprimant ce crime, un choix qui a
été critiqué notamment par TRIAL40.
La description de la typicité de ces trois crimes est
faite aux articles 264 (génocide), 264a (crimes contre
l'humanité), 264c à 264h (crimes de guerre) du CP et au chapitre
II du Statut de Rome.
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