Paragraphe 2 : L'utilisation des mécanismes offshore
appréhendée sous la dimension répressive :
Les dérives du recours aux mécanismes fiscaux
offshores sont souvent en tête de l'actualité, le
législateur n'est pas le seul à avoir envisagé le volet
pénal de ces dérives, l'Administration aussi s'est trouvée
concernée et a eu le devoir d'agir par la prise de dispositions
spécifiques accroissant sans cesse les charges déclaratives des
contribuables. La volonté de l'Administration est l'assurer un suivi et
une traçabilité minutieuse des transferts de fonds de capitaux
pour ainsi « combattre la délinquance en col
blanc ».
A. La circulaire dite
« Cazeneuve »
Cette très importante circulaire est le texte où le
ministre du budget a précisé au directeur général
des finances publiques les conditions dans lesquelles les pouvoirs publics
désireraient que les régularisations d'avoirs étrangers
soient traitées par les services fiscaux.
Les personnes qui détiennent des avoirs à
l'étrangers sont les seules personnes qui sont touchées par ce
texte, le principe est le suivant : elles doivent se faire connaître
auprès de l'administration fiscale qui rectifient spontanément
leur situation fiscale passée en acquittant l'ensemble des impositions
éludées et non prescrites dans les conditions de droit commun, en
principal ainsi que les pénalités et amendes correspondantes,
dont le montant sera revu à la baisse.
Il s'agit d'une cellule de régularisation qui passe par la
confiance envers le contribuable, le fait est que ce mécanisme a
été institutionnalisécar cette cellule continue d'exister
après l'entrée en vigueur de la loi de lutte contre la fraude
fiscale, les équipes de la cellule de régularisation ont vu leurs
effectifs augmenter. De 25 agents à ce jour, l'effectif vient de passer
à 37 avec 12 agents supplémentaires.
La régularisation des sommes éludées passe
par des déclarations complémentaires ou rectificatives sur les
années susceptibles de faire l'objet d'une reprise par l'Administration,
tant en matière d'ISF que d'impôt sur le revenu.
Outre ces déclarations, le dossier du contribuable doit
comprendre, divers documents complémentaire1 :
· Un écrit exposant de manière
précise et circonstanciée l'origine des avoirs détenus
à l'étranger.
· Les justificatifs bancaires des revenus et des
avoirs.
· Un justificatif de non alimentation du compte en cas
de succession lorsque les avoirs ont pour origine une succession ou une
donation
· Une attestation de sincérité du
contribuable selon laquelle son dossier est sincère et porte sur
l'intégralité des comptes et avoirs non déclarés
détenus à l'étranger qu'il possède ou dont il est
l'ayant droit ou le bénéficiaire économique.
La volonté première de l'Administration fiscale est
de limiter l'évasion fiscale en obligeant les contribuables,
spontanément, à déclarer tout type de mécanisme
offshore ayant pour but d'éluder l'impôt. Elle se fonde tout de
même sur la sincérité du contribuable en ce que ce terme
est lui-même usé dans la circulaire, cette sincérité
serait étayée par de nombreux justificatifs bancaires et
attestations que devra fournir le contribuable.
Des sanctions accompagnent la circulaire : les contribuables
devront s'acquitter du paiement intégral des impositions
supplémentaires à leur charge et des amendes :
· Impôt dû en principal pour l'IR et l'ISF
au titre de chacune des années concernées selon les règles
de prescription de droit commun ;
· Intérêts de retard sur l'imposition due
en principal au taux de 0,4% par mois de retard, au titre de chacune des
années concernées ;
Le problème est qu'il s'agirait pour le contribuable
« de se jeter dans la gueule du loups »2, il convient
dès lors, afin de tenir compte de la démarche spontanée du
contribuable, que la majoration pour manquement délibéré
et l'amende pour défaut de déclaration des avoirs à
l'étranger seront réduites, dans les conditions suivantes :
1 : http://www.economie.gouv.fr/ Site du
ministère de l'économie et des finances/ Rubrique
économie/Article du 8 Novembre 2013/
2 :Communiqué de presse de Pierre MOSCOVICI,
ministre de l'économie et des finances et de Bernard Cazeneuve, ministre
délégué auprès du ministre de l'Economie et des
finances chargé du budget
![](Les-mecanismes-offshores-entre-optimisation-et-evasion-fiscale7.png)
Ces conditions1 apparaissent comme étant
être une sorte de faveur pour reconnaitre la bonne foi du contribuable,
de cette manière, si le contribuable a voulu bénéficier
d'une législation offshore plus favorable et à senti qu'il avait
dépassé la frontière entre optimisation fiscal et
évasion fiscale, il pourra se repentir auprès de l'administration
fiscale.
Suite à cette circulaire l'administration fiscale a
reçu quelque 4.000 demandes de régularisation depuis la
publication le 21 juin 2013 de la circulaire Cazeneuve encadrant la
procédure.
Il convient de faire état des conséquences directes
de l'application de ce texte : l'objectif premier de ce texte est de
lutter contre l'optimisation fiscale et non contre la fraude fiscale et c'est
là que le régime répressif pêche et se trouve en
contradiction avec les dispositifs nationaux (article 238 A et 209B) et
internationaux (telles que les clauses d'exclusion et d'assistance au
recouvrement dans les conventions fiscales internationales).
La mise en place de la circulaire s'est soldée par
l'adoption définitive du projet de loi de lutte contre la fraude et la
grande délinquance économique et financière, le 5 novembre
2013 par l'Assemblée nationale. Cette loiconstitue un tournant dans la
lutte contre l'évasion fiscale. La loi apporte des choses en plus
notamment en ce qu'elle renforce également la coordination entre les
administrations financières et la justice ainsi que la transparence de
l'action répressive de l'administration fiscale. De plus, la loi dont il
est question ici a été profondément a fait l'objet de
dispositions nouvelles, elle a notamment accru les pouvoirs de l'Administration
fiscale et douanière.
1 : Journal « Le parisien » Rubrique Economie,
article « Evasion fiscale : les demandes de régularisation affluent
»
La loi de lutte contre la fraude et la grande délinquance
économique et financière n'est pas l'unique disposition
légales qui met en place des prérogatives de l'Administration
visant à lutter contre cette fraude, l'on pourra citer d'autres
dispositifs tels que la seconde loi de Finances rectificative pour 2012
où il est question d'un dispositif anti-abus relatif aux schémas
de désinvestissement dits « coquillards » visant à
percevoir d'une filiale des dividendes exonérés d'impôt sur
les sociétés (IS) en application du régime des
sociétés mères ou en application du régime de
groupe, et, dans un second temps, à déduire une perte au taux de
droit commun de l'IS (perte, moins-value sur la valeur de la filiale, ou
provision pour dépréciation selon les cas) correspondant au
montant des dividendes préalablement perçus (qui peuvent
notamment avoir pour effet de vider la filiale de sa substance).
On pourra encore citer parmi ces mesures le rôle que joue
la BNRDF (également appelé « police fiscale ») dans le
cadre du contrôle des dérives du recours aux législations
fiscales offshores dans des circuits financiers frauduleux. Cette institution
à fait l'objet d'une extension du champ de compétence de ses
pouvoirs au blanchiment de la fraude fiscale complexe et aux fraudes fiscales
résultant de l'utilisation de comptes bancaires ouverts ou de contrats
souscrits à l'étranger, ou de l'interposition d'entités
établies à l'étranger
B. Les dérives du recours aux mécanismes
offshores combattues par une législation répressive
conséquente
Les législations fiscales offshores et leur utilisation
sont souvent vues d'un mauvais oeil à cause du détournement dont
elles font l'objet, elles sont bien trop souvent un moyen d'écouler de
l'argent dit « sale ». C'est à cause de cette
tendance que les textes relatifs à cette infraction se sont
multipliés, remettant en le recours aux mécanismes fiscaux
offshores.
a. Le blanchiment d'argent et de fraude
fiscale
Ces infractions sont appréhendées au niveau interne
mais aussi au niveau de l'Union européenne, ainsi, le règlement
(CE) n° 1889/2005 du 26 octobre 2005 du Parlement européen et du
Conseil porte sur les contrôles des transferts d'argent liquide d'un
montant égal ou supérieur à 10 000 € en provenance ou
à destination des pays tiers à la Communauté
européenne. Aux termes de l'article 3, § 1 du règlement CE
est instituée une déclaration de soupçon de fraude fiscale
cela permet une extension du champ d'application de déclaration de
soupçon.
1. Le blanchiment d'argent par le recours aux
mécanismes offshores :
1 : www.oecd.org/fr/ctp/delits
La définition1 usuelle de l'infraction de
blanchiment d'argent est « le fait de remettre dans le
circuit légal, les liquidités qui sont issues d'activités
illégales et illicites ». L'offshore est un
élément que l'on retrouve dans la plupart des cas d'espèce
où cette infraction est mise en jeu, mais la vocation de l'offshore est
tout à fait différente. L'utilisationde la fiscalité d'un
pays est relative à l'évasion fiscale, le blanchiment utilise
pour sa part la fonction juridique, dont le secret bancaire ou les vides
juridiques relatifs sur le blanchiment d'argent par exemple.
![](Les-mecanismes-offshores-entre-optimisation-et-evasion-fiscale8.png)
Le blanchiment d'argent reste une activité croissante dans
les paradis fiscaux et continue à gagner de l'ampleur. Dans ce type de
juridiction, les sociétés bénéficient
généralement d'une fiscalité privilégiée,
voire nulle, ainsi que du secret bancaire. Pour blanchir des capitaux dans un
paradis fiscal, il y a au moins trois phases complémentaires ou
indépendantes, dont le prélavage, le lavage, et le recyclage.
Si le blanchiment d'argent à vocation à plus
s'appliquer dans les paradis fiscaux c'est en raison de leur
spécificité en ce sens que l'on peut voir dans les
caractéristiques que présentent les centres financiers offshores
et les places à secret bancaire fort un ensemble d'outils pouvant servir
non seulement à blanchir les produits du trafic de drogues et d'autres
délits, mais également à commettre certains types de
délits financiers.
Il convient de ne pas faire de généralité
sur l'ensemble des paradis fiscaux car l'étude donne un aperçu de
la géographie des paradis financiers qui protègent le secret
bancaire. En effet, ces centres financiers restent des Etats à part
entière disposant de leur propre économie qui a ses propres
caractéristiques et la politique optimale consiste à ne pas
contrôler avec trop de rigueur les clients, sans pour autant accepter de
façon trop flagrante n'importe qui. Il revient dès lors aux
vérificateurs fiscaux de détecter les traces d'un éventuel
abus opéré par les « utilisateurs » de place à
fiscalité privilégiée ».
Dans le cadre de cette infraction1, certaines
personnes disposent d'un rôle important, c'est notamment le
vérificateur fiscal, en effet, les échanges de renseignements
entre les administrations fiscales nationales - pratique parfois
désignée sous le terme d'« entraide » - revêtent
une importance majeure dans la lutte contre les infractions fiscales et le
blanchiment de capitaux. Lorsque les textes en vigueur prévoient les
modalités de cet échange, le vérificateur fiscal doit se
poser la question de l'opportunité de la communication spontanée
- à un pays tiers - d'informations concernant des opérations
inhabituelles intéressant ce pays, en passant par l'autorité
compétente en matière d'échange de renseignements.
Le vérificateur a pour rôle de traquer toute
opération qui lui semble douteuse du point de vue fiscal, par exemple un
ressortissant d'un pays « A » a reçu - d'une personne physique
d'un pays « B » - un prêt ne prévoyant ni
intérêts, ni remboursements. Cette pratique étant
inhabituelle, le pays « A » pourrait poser au pays « B »
des questions concernant le statut fiscal et financier du prêteur
à l'étranger afin de vérifier l'existence du prêt et
l'origine des capitaux.
Exemples d'opérations fiscales inhabituelles lors de la
vérification d'une déclaration de revenus2 :
- Une personne qui se met à acheter de nombreux avoir dans
les paradis fiscaux alors qu'elle dispose de faibles revenus3,
- Dans une déclaration, le contribuable inscrit des
montants d'avoir anormalement faibles (comparée au prix habituel).
- Un prêt immobilier acquis alors que les revenus
déclarés ne le permette pas.
1 :
fr.wikipedia.org/wiki/Société_écran
2 :www.societe-de-strategie.asso.fr/pdf/agir30txt3.pdf
3 : Manuel du vérificateur
- Un contribuable qui se met à investir dans le secteur
immobilier alors qu'avant il ne le faisait pas.
-Opération en espèces avec un tiers non
identifié (vente fictive).
-Informations en provenance de sources externes (par exemple, les
autorités répressives ou la presse)
Les trafics, de toute nature qui soit génèrent
d'importantes sommes d'argentce qui fait que le criminel se trouve
confronté au problème du blanchiment de tout cet argent sale.
Ce n'est pas un hasard si le criminel fonctionne avec de l'argent
liquide car l'avantage c'est avant tout l'anonymat, la possession et
l'utilisation. Pour les criminels, l'anonymat entourant l'origine permet de
conférer à l'argent l'apparence d'une source légitime.
La marge de ce type de personne est grande en la matière
car le criminel peut monter des prêts fictifs ou mélanger des
fonds illicites à des reçus de vente légitimes sur
lesquels un impôt aura pu éventuellement être perçu.
L'anonymat sert aussi pour ces criminels en ce qu'aucune informations
écrite n'est produite, ce qui est à son avantage en cas de
contrôle.
Il n'y a pas que des avantages à la possession d'argent
liquide et au transfert de sommes d'argent sous la forme matériel (par
opposition à la forme électronique). Le problème majeur
des espèces est relatifau fait qu'elles n'offrent pas de réelles
possibilités d'investir, ces espèces seront de toute
manière refuser par les entreprises résidentes dans un Etat
à fiscalité privilégié au motifs qu'il y a bien
trop de risques inhérents à la détention de fonds de cette
nature.
2. Le blanchiment de fraude fiscale :
Le blanchiment de fraude fiscale se caractérise par le
fait qu'une personne décide de manière
délibérée de ne pas déclarer ses revenus à
l'Administration fiscale alors qu'elle en a l'obligation. Il en découle
un raccrochement de l'infraction de blanchiment d'argent à cette fraude
fiscale.
Blanchiment de fraude fiscale et fraude fiscale sont deux
infractions distinctes l'une de l'autre, le blanchiment est pénalement
sanctionné à l'article 324-1 du code pénal qui
précise que « le blanchiment est le fait de faciliter, par tout
moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus
de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à
celui-ci un profit direct ou indirect ».
1 : Cours de droit pénal spéciale/ Master
1 Droit Public Parcours Fiscalité/ Mr. Bernardini
Il résulte du blanchiment le concept de « blanchiment
de fraude fiscale » qui se caractérise par une
spécificité en ce sens que la matière fiscale vient se
rajouter à la notion primaire de « fonds de n'importe quelle
nature », la personne incriminée va en fait, injecter dans les
paradis fiscaux l'argent qui était dû à l'Administration
fiscale.
Le blanchiment de fraude fiscale se caractérise par des
manoeuvres financières frauduleuses qui vont prendre diverses formes, on
retrouve notamment le prêt déguisé, c'est le fait de
localiser de l'argent dans un paradis fiscal (en Suisse par exemple) de
l'argent qui revenait à l'Administration fiscale.
Il existe aussi une autre technique constitutive de blanchiment
de fraude fiscale, il s'agit du prêt d'un ami ou de parents, dans ce cas,
un ami ou un parent avec une situation financière confortable
prête la même somme que l'argent dissimulé, puis se
rembourse sur l'argent du compte en suisse, les versements étant
effectués vers un compte offshore (au Luxembourg ou à Singapour
de l'ami ou du parent prêteur.
Les deux infractions de « blanchiment de fraude
fiscale » et« fraude fiscale » sont
différentes car en France la compétence des institutions n'est
pas la même, en effet, les « soupçons de fraudes fiscales
» sont de la compétence de la commission des infraction fiscales,
ce qui peut engendrer un problème de « conflit
d'intérêt », il y a aussi des différences relatives
à la prescription car l'infraction de « fraude fiscale » est
soumise à un délai de prescription qui est de trois ans qui
commence à courir à partir de la commission des faits, alors
qu'en matière de « blanchiment pour fraude fiscale » le
délai de prescription ne commence qu'à partir de la
révélation des faits.
On pourra citer dans le cadre de l'étude de cette
infraction l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 20091,
l'article L. 561-45 dispose que « les personnes mentionnées
à l'article L. 561-2 sont tenues [...] de déclarer [...] les
sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des
sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de
soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine
privative de liberté supérieure à un an ou participent au
financement du terrorisme »
Le Journal officiel du 18 juillet 2009 précise que la
déclaration prévue à l'article L. 561-15-II est
effectuée par les personnes mentionnées à l'article L.
561-2 « en fonction de la spécificité de leur
profession, conformément aux obligations de vigilance exercées
sur leur clientèle et au regard des pièces et documents qu'elles
réunissent à cet effet », et pose des
caractéristiques qui vont permettre détecter une
éventuelle infraction.
Parmi ces caractéristiques on retrouve l'utilisation de
sociétés écran, dont l'activité n'est pas
cohérente avec l'objet social ou ayant leur siège social dans un
Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention fiscale
permettant l'accès aux informations bancaires, identifié à
partir d'une liste publiée par l'administration fiscale, ou à
l'adresse privée d'un des bénéficiaires de
l'opération suspecte ou chez un domiciliataire.
1 : transposant la 3e directive anti-blanchiment ; sur
ce thème, V. le dossier Dalloz actualité, 15 avr. 2009
Le blanchiment d'argent et le blanchiment de fraude fiscale
correspondent au volet pénal des dérives de l'utilisation des
mécanismes offshores, pour éviter ces manoeuvres frauduleuses, il
a été mis en place une procédure d'enquête
fiscale.
b. La procédure judiciaire d'enquête
fiscale à l'épreuve des mécanismes
offshore
Le recours aux mécanismes offshore se situe à une
frontière ténue entre fraude et optimisation fiscale, c'est de
cette manière que l'Administration fiscale a mis en place un arsenal
complet pour traquer toute dérive financière.
La procédure judiciaire d'enquête fiscale est le
fruit de la loi de finances rectificative pour 2009, cette procédure se
caractérise par des mécanismes qui sont propres à cette
procédure et que nous ne retrouvons pas ailleurs. En effet, dans cette
procédure, l'Administration est une réelle partie au
procès, elle a notamment la possibilité de saisir la justice, non
plus uniquement de faits avérés de fraude fiscale, mais
également en cas de « présomptions
caractérisées » de l'existence d'une infraction fiscale
« pour laquelle existe un risque de dépérissement de
preuves ».
Puisque l'Administration fiscale va se comporter comme une
véritable partie au procès, comme toute partie elle
déposera une plainte qui fera l'objet d'une investigation
opérée par la CIF. La particularité de cette
procédure réside dans le fait qu'il fait une entorse au principe
du contradictoire selon lequel toutes les parties doivent être
informées des éléments de l'instruction, or, dans cette
procédure le contribuable n'est guère mis au courant de
l'investigation dont il est fait l'objet.
Il convient d'apporter une nuance sur les rôles disparates
qui sont conférés à la CIF et à la
BNRDF (brigade nationale de répression de la délinquance
fiscale) qui a été créée par décret
daté du 4 novembre 2010. En l'état du droit, la BNRDF est
compétente pour rechercher et constater les infractions de fraude
fiscale complexe (ainsi que les infractions connexes), c'est-à-dire pour
lesquelles il existe « une présomption
caractérisée de fraude » résultant :
- « De l'utilisation de comptes ou de contrats
souscrits auprès d'organismes établis dans un État ou
territoire qui n'a pas conclu avec la France, une convention d'assistance
administrative permettant l'échange de tout renseignement
nécessaire à l'application de la législation fiscale
française ;
- De toute autre manoeuvre destinée à
égarer l'administration ».
L'administration fiscale pourra dès lors intervenir
lorsqu'elle soupçonne une fraude fiscale, et c'est à travers la
notion de fraude fiscale que le recours aux mécanismes offshores peut
s'avérer compromis.
L'article 17433 du CGI participe aux
prérogatives reconnues à l'Administration dans le cadre de son
pouvoir d'enquête car cet article sanctionne toutes les personnes qui
vont favoriser certains agissements constitutifs de fraude fiscale.
Les agissements condamnés sont les suivants :
« soit en favorisant les dépôts de titres à
l'étranger ; soit en transférant ou faisant transférer des
coupons à l'étranger pour y être encaissés ou
négociés ; soit en émettant ou en encaissant des
chèques ou tous autres instruments créés pour le paiement
des dividendes, intérêts, arrérages ou produits quelconques
de valeurs mobilière ».
Ce n'est pas uniquement la personne qui a recours aux
mécanismes offshore qui se place sous le risque de subir une
enquête mais c'est aussi la personne qui va en favoriser le recours, ce
qui nous montre dès lors l'étendue de cette procédure. Par
exemple, est soupçonné de fraude fiscale et soumis la
procédure « le banquier et ses complices qui ont
établi de faux affidavits dans le but d'assurer à la
clientèle le bénéfice de l'exemption de taxes
étrangères tout en dissimulant aux autorités
françaises l'identité des véritables
intéressés »1
L'Avis no 730, 9 juill. 2013, cet avis nous informe sur le
rôle prépondérant de la BNRDF dans le cadre de cette
procédure en ce que cette institution répressive voit son
rôle et son recours accru, on citera parmi les célèbres
affaires auxquels à été confrontée la BNRDF
« la liste HSBC »représentant plus de 800 M€
d'avoir étrangers.
L'administration fiscale n'est pas seule dans sa lutte contre le
recours aux mécanismes offshore : elle dispose maintenant d'un arsenal
qui n'est plus qu'interne mais qui est aussi international.
Parmi les outils internationaux dont dispose l'Administration
pour lutter contre l'évasion fiscale internationale l'on pourra citer
« l'Offshore Leaks :Les Offshore Leaks
(littéralement « fuites extraterritoriales ») sont une
série de fuites d'informations relatives aux paradis fiscaux et à
leur utilisation à des fins de fraude fiscale et de blanchiment d'argent
à travers le monde.2». C'est de cette
manière que l'ICIJ (Consortium indépendant des journalistes
d'investigation) révèle une très grande quantité de
documents relatifs aux évadés fiscaux, suscitant parfois
même l'aide de certains internautes.
1 : T. civ. Seine 20 mai 1946 : RO p. 130
2 : Définition du site Wikipédia
3 :CF (CONTRÔLE FISCAL) - DIVISION VIII SANCTIONS/
2014 Editions Francis Lefebvre
L'ICIJ a notamment contribuer à la création d'une
application qui sert à rechercher et traquer les filiales
étrangères de sociétés françaises qui
tentent d'éluder l'impôt, le résultat a été
surprenant car il s'avère que la BNP Paribas et le Crédit
Agricole ont contribué à la constitution de dispositifs
offshores, dans les années 1990, certes, l'illégalité de
ces dispositifs n'a pas été établie mais il n'en reste pas
moins que l'on sait que la frontière est mince dans le terrain de la
fiscalité offshore.Les armes dont dispose le fisc sont donc diverses,
à la fois internes.
La procédure judiciaire d'enquête fiscale /Patrick
Michaud, avocat / La brigade nationale de répression de la
délinquance
fiscale/http://www.etudes-fiscales-internationales.com/media/01/00/1256606759.pdf
La nuance est de mise1 en ce sens que la
compétence des agents administratifs dans le cadre de cette
procédure reste limitée au territoire français, cette
vision est celle de l'interprétation stricte de la loi. Or, le gouffre
entre la réalité et la loi est béant en ce sens que
l'affaire de la BNPS Paribas et du Crédit Agricole dont les agissements
ont été révélés suite aux
révélations de l'Offshore Leaks illustre le dépassement
des frontières françaises de la procédure dont il est ici
question.
Ces agents n'auront pas le droit de rechercher d'autres
infractions telles le blanchiment de fraude fiscale mais, les officiers de
police judiciaire avec lesquels les agents fiscaux devront collaborer en ont le
droit, donc un mécanisme offshore faisant intervenir des filiales
à l'étranger, pourra voir son bénéfice fiscal
transformé en fraude fiscale après être tombé sous
le coup de la procédure judiciaire d'enquête fiscale.
Le Conseil Constitutionnel valide les articles 37 et 38 de la loi
relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande
délinquance économique et financière (Loi
n°2013-1117) qui permet l'utilisation des informations, pièces ou
documents même d'origine illicite dès lors qu'ils auront
été communiqués à l'Administration soit par une
autorité judiciaire, soit dans le cadre d'une assistance administrative
internationale.
Dès lors, la position du Conseil constitutionnel nous
montre que la procédure judiciaire d'enquête fiscale peut se
fonder sur des pièces internationales1.
1 :BOI-CF-INF-40-10-10-30-20120912
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