Section 2 : La dimension juridique des
mécanismes fiscaux offshores:
La dimension juridique des mécanismes fiscaux offshores
en matière bancaire est le fruit d'une abondante législation qui
se caractérise par des obligations et des charges lourdes pour le
contribuable en matière financière, deux volets mérite
notre intérêt : la dimension juridique des mécanismes
offshores bancaires et celle des trusts offshores.
Paragraphe 1 : Approche juridique de l'utilisation des
mécanismes offshores:
L'optimisation fiscale par le recours à l'offshore est
liée à des problématiques financières complexes au
rang desquels figurent en première place la question des comptes
bancaires offshores et celle des trusts offshore. Ces questions sont
intrinsèques à toute stratégie fiscale constituée
d'éléments d'extranéité : elles oscillent
entre obligations de déclaration strictes, lourdes sanctions pour se
solder par de considérables bénéfices si toutes ces
charges sont respectées.
A. Ouverture de compte bancaire
offshore :
1. L'obligation de déclaration
Cette obligation de déclaration1 concerne les
personnes physiques, les associations et les sociétés civiles
(les sociétés commerciales ne sont pas concernées)
domiciliées ou établies en France, qui sont soumis à
l'obligation de déclaration, en même temps que leurs
déclarations de revenus ou de résultats, des
références des comptes financiers ouverts, utilisés ou
clos par elles à l'étranger.
1 :« L'ouverture d'un compte à
l'étranger »-
www.paradisfiscaux.com/banqueoffshore.htm
2 :http://www.impots.gouv.fr/
La nature des comptes2concernées est
très variable caractérisant un large champs d'application de
cette obligation, en effet, sont compris dans l'obligation, les comptes des
titulaires ou sur lesquels ils détiennent une procuration, les comptes
ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui
reçoit habituellement en dépôt des valeurs
mobilières, titres ou espèces.
Les formalités sont aussi lourdes car les personnes
physiques doivent joindre la déclaration 3916 à leur
déclaration de revenus en mentionnant distinctement chaque compte
à usage privé, professionnel ou à usage privé et
professionnel. Cette déclaration porte sur le ou les comptes ouverts,
utilisés ou clos par le déclarant, l'un des membres de son foyer
fiscal ou une personne rattachée à ce foyer, l'extension à
l'ensemble du foyer fiscal témoigne de l'ampleur de cette obligation de
déclaration.
L'obligation de déclaration n'est pas cantonnée
à la déclaration de compte bancaire stricto-sensu, y sont compris
les contrats d'assurance-vie conclus à l'étranger, mais attention
il existe des exceptions en fonction de la considération de la personne
qui déclare : les personnes physiques non soumises à
l'obligation de souscrire une déclaration de revenus, les associations
ne disposant pas de revenus imposables, et donc non astreinte à une
obligation de dépôt d'une déclaration de résultat
mais aussi les sociétés à forme non commerciale
dispensées de souscrire une déclaration de résultat.
Ainsi il faut distinguer entre la nature de ce qui est
déclaré et la personne qui le fait.
Cette charge déclarative vient être modifiée
selon la prise en compte des personnes constituant le foyer fiscal notamment si
les époux sont tous les deux titulaires d'un même compte ; si l'un
d'entre eux est titulaire d'un compte et l'autre bénéficiaire
d'une procuration à raison de ce même compte ou dans le cas
où les époux bénéficient d'une procuration sur le
même compte.
Concernant la personne du déclarant, il n'est pas
strictement nécessaire que cela soit le titulaire du compte
lui-même qui déclare, ce dernier doit alors préciser
à quel titre il souscrit la déclaration, c'est le cas par exemple
s'il s'agit d'un entrepreneur individuel, indépendamment de son secteur
d'activité, ou en tant que représentant légal
(administrateur, gérant, liquidateur,...) d'une association ou d'une
société ne revêtant pas la forme commerciale.
La personne qui possède une procuration sur un compte
étranger sera elle aussi soumise à cette obligation de
déclaration, quel que soit la nature de cette procuration.
La forme commerciale des sociétés n'est pas
indispensable, toute personne morale est soumise à l'obligation de
déclaration: les sociétés de fait, les indivisions, les
sociétés en participation les groupements d'intérêts
économique, si leur objet est civil et les groupements européens
d'intérêt économique, et mêmes les associations.
Cette obligation de déclaration trouverait sa raison
à cause de l'internationalisation des échanges et des risques de
fraudes fiscales mais aussi pénale : le blanchiment d'argent,
Au niveau communautaire1 un règlement (CE)
n° 1889/2005 du 26 octobre 2005 du Parlement européen et du Conseil
(Journal Officiel de l'union européenne 25 Novembre 2005) entré
en vigueur le 15 décembre 2005 et s'appliquant en France depuis le 15
juin 2007, assure une surveillance effective des flux de capitaux qui
transitent entre Etats membres et Etats tiers à l'UE. Ce
règlement dispose que « toute personne physique entrant ou
sortant de la Communauté avec au moins 10 000 € en argent liquide,
ou sa contre-valeur en devises, déclare la somme transportée aux
autorités compétentes de l'État membre par lequel elle
entre ou sort de la Communauté. Elle doit souscrire cette
déclaration auprès du service des Douanes, au moment de
l'entrée ou de la sortie de la Communauté ».
L'obligation de déclaration se situe donc à la fois
au niveau interne mais aussi au niveau communautaire1.
2. Les sanctions encourues
Le défaut de production de la déclaration peut
entrainer l'application de différentes amendes ainsi que la notification
de redressements fiscaux.
3. La présomption de revenus
non-déclarés
La nature des revenus à déclarer est diverses et
certaines valeurs qui pourtant semblaient ne pas tomber sous le coup de cette
déclaration y sont soumis ainsi, constituent sauf preuve contraire, des
revenus imposables, les sommes, titres ou valeurs transférés vers
l'étranger ou en provenance de l'étranger lorsque le contribuable
n'a pas rempli les obligations de déclaration. Il s'agit d'une
présomption simple qui permet cependant au contribuable d'apporter la
preuve contraire.
4. Amende
L'amende en cas de non-déclaration est de 1500 € par
compte ou contrat non déclaré pour chaque année
concernée. La majoration peut aller jusqu'à 10.000 € lorsque
le compte ou le contrat est détenu dans un Etat ou territoire qui n'a
pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative.Il existe
un cas particulier concernant le montant total des soldes créditeurs du
ou des comptes à l'étranger non déclarés est au
moins égal à 50 000 €, l'amende par compte non
déclaré est égale à 5 % du solde créditeur
du compte, ou de chacun des comptes, sans pouvoir être inférieure,
selon le cas, à 1 500 € ou 10 000 € par compte.
5. Prescription décennale
Cette prescription est celle de l'hypothèse où la
déclaration n'a pas été faite indépendamment du
lieu où sont situées les sommes, cette prescription a notamment
fait l'objet de réformes en ce qu'une nouvelle procédure est en
place depuis 2012 et réglée par l'article L. 23 C du Livre des
Procédures Fiscales.
1 :Article de Philippe Luppi sur les transferts de fonds
et de capitaux en provenance ou à destination d'Etats étrangers
:
L'Administration dispose du pouvoir de se faire délivrer
des informations concernant l'origine et les modalités d'acquisition des
avoirs placés sur leurs comptes ou contrats dissimulés et, en
l'absence de réponse, taxer d'office les sommes
considérées aux droits de mutation à titre gratuit au taux
de 60 %. La taxation est effectuée à la date d'expiration des
délais (60 jours, ou 90 en cas de réponse insuffisante)
accordés au contribuable pour fournir les justifications.
6. Les modalités de régularisation
Avait été mis en place un service de
régularisation des situations 1 auprès de
l'Administration fiscale correspondant à un certain « repentir
fiscal » pour la personne qui se savait être en tort avec les
prescriptions légales énoncées ci-dessus.
N'importe quel contribuable peut prendre contact avec
l'administration pour initier une approche de négociation et
d'évaluation du dossier, cela concerne essentiellement l'impôt sur
la fortune et l'impôt sur le revenu, les droits de succession ou de
donation.
La procédure de négociation peut être certes
bénéfique pour le contribuable mais dans la majorité des
cas cela se solde par certaines pénalités et sanctions fiscales,
car l'Administration fiscal à adopter une politique de contrôle
plus rigoureuse. Il faut bien être conscient que l'administration a durci
sa position dans le contexte actuel et que les marges de négociation se
sont rétrécies alors que parallèlement les actions de
contrôles concertées au plan international s'intensifient.
En matière de succession la démarche est
particulière car, il faut étudier les flux financiers afin de
présenter un dossier permettant d'évaluer les revenus à
déclarer ainsi que le montant du patrimoine reçu par donation ou
succession.
Enfin il faut déterminer si les majorations d'assiette qui
sont systématiquement appliquées aux rappels d'impôts
peuvent être négociées avec l'administration. La majoration
le plus souvent appliquée est de 40% et elle peut être
négociée selon le contexte du dossier.
Les mécanismes offshores peuvent aussi prendre la forme de
structures juridiques ayant vocation à localiser les
bénéfices dans des structures complexes qui parfois peuvent
franchir la frontière du licite, les trusts offshores en sont un
exemple.
B. L'optimisation fiscale offshore par le
trust
Le trust est régit par un mécanisme et une fonction
particulière, l'idée de cette structure juridique est qu'une
personne morale va régir une activité ou un capital au
bénéfice d'une autre société.
1 :
http://www.etudes-fiscales-internationales.com/
Plusieurs personnes interviennent : le constituant,
désigné sous les termes de « Settlor » ou «
Grantor », se dessaisit, irrévocablement ou non, de la
propriété de droits ou biens au profit d'une autre personne, le
« Trustee », qui aura la charge d'administrer ces actifs pour le
compte d'une seconde personne, le « Cestui », qui peut
être un « Beneficiary» ou le constituant
lui-même, avant de les remettre à une troisième, «
l'Attributaire en capital ». Le trust est qualifié de
discrétionnaire lorsque le trustee dispose d'une totale liberté
dans les décisions de distribution des revenus ou des biens qu'il
administre.
1. Les EmployeeBenefit Trust
Cette vision du trust en matière de
rémunération est anglo-saxonne, l'institution en question est
(l'« EmployeeBenefit Trust », « EBT »).
Les fonctions de cette institution correspondent à la
gestion d'une épargne collective des salariés constituée
grâce aux rémunérations complémentaires
perçues de l'employeur au cours de la relation de travail, sous la forme
de titres de la société ou sous la forme de capital, et vise la
prise en charge des salariés lorsqu'ils n'appartiendront plus à
l'entreprise.
C'est quasiment toujours l'employeur qui est le constituant du
trust et les bénéficiaires en sont les employés. Le
trustee est généralement une filiale de la société
constituante, la vocation de ce type de trust offshore est avant tout fiscale.
En effet, les critères fiscaux déterminants dans la constitution
d'un EBT tiennent, à la déductibilité des sommes
versées par l'employeur, ce qui implique un véritable
dessaisissement des sommes, l'employeur-constituant ne devant pas être
perçu comme conservant la propriété des sommes. Cet
impératif est une des raisons pour lesquelles, en général,
les trusts salariaux seront constitués sous la forme de trust
discrétionnaire et irrévocable.
L'attractivité de l'institution réside dans
l'absence d'imposition des résultats réalisés par le
trustee dans le cadre de la gestion des fonds, notamment, l'exonération
des plus-values susceptibles d'être effectuées est un des
éléments clef du système.
Il existe aussi un autre critère fiscal lié
à ce type de mécanisme fiscal offshore, c'est le
différé d'imposition des bénéficiaires du trust qui
est un élément essentiel à sa mise en place, car les
bénéficiaires ne doivent être imposés qu'au moment
de la perception des sommes et non pas au titre des droits éventuels
qu'ils seraient susceptibles de posséder en cours de trust.
La recherche de ces objectifs fiscaux explique donc la raison
pour laquelle le trust salarial sera souvent constitué offshore (p. ex.,
à l'Île de Man).
2. Le trust offshore comme avantage dans le cadre de la
transmission de patrimoine :
L'utilité première du trust offshore est relative
à la transmission de patrimoine détenu en France vers un trust
établi à l'étranger où il bénéficie
d'une législation fiscale plus attractive. Ce mécanisme se
caractérise par la présence d'un administrateur qui aura la
charge de transférer les biens en question vers "un
bénéficiaire".
L'acte fiduciaire est très important dans ce type
d'institution car c'est dans ce document que l'on trouvera l'ensemble des
pouvoirs de l'administrateur, ce même acte étant soumis aux lois
où le trust offshore est constitué et ce qui fait
l'attractivité du mécanisme, c'est la nature du droit du pays
où est établis le trust: le plus souvent cela sera un pays de
droit coutumier.
On pourra citer deux avantages majeurs du recours aux trusts
offshore : l'anonymat notamment en ce qu'il existe des formalités
totalement différentes en matière testamentaire : en France le
testament à une vocation publique (le notaire inscrit le testament au
fichier national des dernières volontés). Mais il présente
aussi l'avantage de la protection de la gestion de patrimoine (offshore asset
protection) en ce que le trust permet à une personne ou à une
société d'être légalement séparée de
ses biens.
Il faut faire état de limites1 à la
constitution de ce type de trust pour des attentes uniquement fiscale car le
trust offshore présente des limites constituées par le code
général des impôts, en effet, les
bénéficiaires d'une donation ou d'une succession à
l'expiration d'un trust peuvent se trouver être des résidents de
France, il en va de même pour le constituant, qui fait ainsi sortir un
bien de son patrimoine.
Dès lors, en matière de fiscalité des
revenus : l'article 123 bis du code général des impôts
à vocation à s'appliquer aussi au trust si les conditions sont
remplies, cet article dispose que « lorsqu'une personne physique
domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au
moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une
entité juridique - personne morale, organisme, fiducie ou institution
comparable - établie ou constituée hors de France et soumise
à un régime fiscal privilégié, les
bénéfices ou les revenus positifs de cette entité
juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers
de cette personne physique [...]» . Ces personnes détenant des
valeurs mobilières hors de France seront assujetties à l'IR.
1 :Trust : Vers une taxation plus transparente du trust
offshore/Site de la bnpsparibasfortis
2 : http://www.global-money.com/Going Offshore
Une autre limite concerne l'IS dus en France sur les
éléments d'actif transféré dans le trust à
l'étranger. En effet, l'article 209 B du CGI qui assujetti à l'IS
les personnes morales qui détiennent directement ou indirectement plus
de 50% des actions, parts, droits financiers ou droit de vote dans une
entité juridique établis hors de France à vocation
à s'appliquer. Mais la question qui découle de cette limite est
de savoir si le trust, qui n'est pas une personne morale, est soumis à
l'application de cet article
La dimension répressive des mécanismes offshores
correspond aux dérives du recours aux mécanismes offshores. En
effet, comme nous l'avons vu jusqu'ici la distinction entre optimisation
fiscale et évasion fiscale n'est pas facile à déterminer,
de simple soupçon de contournement d'une législation fiscale par
le biais de l'offshore peut s'avérer lourde de conséquences,
risquant de tomber dans le volet pénal.
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