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Les mécanismes offshores: entre optimisation et évasion fiscale

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par Nabil GRID
Université de Nice Sophia-Antipolis - Master 1 Droit Public parcours Fiscalité 2013
  

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Paragraphe 2 :L'approche économique des dispositifs offshore:

Les mécanismes offshores passent sans nul doute par les comptes bancaires offshores car lorsqu'une société « s'établit » dans un pays avec régime fiscal privilégié, l'ouverture d'un compte bancaire est inéluctable, de même la localisation des revenus d'un personne physique dans ce type de pays, passe par l'ouverture d'un compte bancaire. C'est en cela que les banques jouent un rôle primordial dans l'étude des mécanismes fiscaux offshores et seront mis à contributions lorsqu'un Etat sera contraint de révéler les informations financières relatives à un contribuable, posant dès lors le sacro-saint problème du secret bancaire.

A. Les comptes bancaires offshores

L'étude des comptes bancaires offshore ne peut se faire sans l'analyse juridique du secret bancaire, prérogative financière certaine de n'importe quel Etat découlant directement de sa souveraineté.

1: Délocalisations: acte II : comprendre les délocalisations de services en France / Par Thomas Houdré, Mathias Lelièvre/2008

En effet, lorsqu'un contribuable décide de recourir à la législation fiscale plus permissive d'un Etat à fiscalité privilégiée, ce qu'il désire avant toute chose c'est de ne pas voir les informations relatives aux sommes transférées divulguées, en ce sens que l'opération n'aurait dès lors aucune utilité puisqu'elles pourraient parvenir à l'Administration fiscale à laquelle ce contribuable avait tenté d'échapper.

L'autre problématique1 soulevée par la constitution d'un compte bancaire offshore est la sécurité : est-ce les avoirs déposés dans ledit compte seront en sécurité dans une banque donnée et dans une juridiction donnée?

Ces deux questions méritent notre attention : nous prendrons l'exemple de Chypre qui était une juridiction recommandée pendant très longtemps (notamment pour son secret bancaire et sa fiscalité attractive), les évènements récents (le printemps arabe) nous montrent que la tendance peut très vite infléchir. On peut l'affirmer : secret bancaire et sécurité sont deux paramètres importants dans le transfert de revenus à l'étranger.

Il faut savoir qu'en France il n'y a pas de secret bancaire étant donné les innombrables accords d'échanges d'informations conclus par la France. C'est de cette manière que la constitution de compte bancaire offshore doit être opérée avec une conscience éclairée de la répression en vigueur à travers les dispositifs de lutte contre l'évasion fiscale (cf:Section 2 : La dimension juridique des mécanismes offshore : /Paragraphe 2 : L'utilisation des mécanismes offshore appréhendée sous la dimension répressive).

L'aspect juridictionnel est primordial, les deux éléments clés sont de savoir :

- Quelle est la juridiction dans laquelle la société offshore est créée.

- Quelle est la juridiction dans laquelle le compte bancaire offshore de la société est ouvert.

La question de la juridiction compétente se posera en cas de litiges entre l'Administration fiscale (à laquelle le contribuable tente d'échapper) et ce même contribuable.

Les très nombreuses dispositions visant à empêcher l'évasion fiscale font que les banquiers se doivent d'être couverts en cas de redressement fiscal ou même en cas d'accusation de blanchiment d'argent ou de fraude fiscale. Il est donc logique que les banquiers onshore ou offshore appliquent tous la règle du KYC (« Know Your Customer »), aussi appelée CYA (« CoverYour As »s) : ils doivent se couvrir et obtenir suffisamment d'informations sur la personne qui ouvre un compte bancaire pour pouvoir justifier leur bonne foi en cas de problème.

Cette règle se caractérise par la nécessité de savoir qui est le titulaire des fonds et quelle est l'origine des fonds déposés, le banquier pourra être soupçonné de complicité ou voir sa responsabilité professionnelle mise en jeu.

1 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradis_fiscal.com

2 : Articles sur les paradis fiscaux du « Nouvel observateur »

L'ouverture d'un compte bancaire offshore s'opère selon deux techniques différentes qui se caractérisent par deux types d'effets différents.La première technique consiste à aller directement auprès de la banque de son choix et d'y ouvrir son compte bancaire offshore, dès lors, l'application de la législation fiscale du pays sera de droit. L'inconvénient ici est que l'on doit directement se déplacer dans le pays en question.

On citera des banques très connues où des comptes bancaires offshores sont créés: ADCB - UAE, Barclays - Seychelles, Belize Bank - Belize, CIM - Suisse, DBS - Hong Kong, FBME ** - Chypre, Loyal Bank - St Vincent les Grenadines.

Depuis l'année 2012, CIM Banque a mis à jour ses restrictions, seules ces juridictions offshore sont acceptées : Andorre, Chypre, Dubai, Gibraltar, Guernsey, Hong Kong, Ile de Man, Jersey, Lichtenstein, Luxembourg, Monaco, Ras al-Khaimah, Ryoaume-Uni, Singapour et Suisse. La FBME (une banque de commerce international) figure parmi cette liste car il est toujours possible d'ouvrir des comptes offshores avec cette banque, mais étant donné les risques constatés, il est préférable d'utiliser ce compte offshore comme «porte-monnaie».

La seconde possibilité est de passer par un prestataire offshore (cf :B.Le choix stratégique des prestataires offshores), l'inconvénient sera ici les frais de «standard offshore» de la banque. L'avantage est que cette personne sera la seul à connaître le nom de la banque (en ce que le prestataire pour la création ne sera pas informé). En passant par un prestataire, l'on pourra éviter de se déplacer, une simple visite dans une agence locale (ou proche) de la banque peut être suffisante.

L'ouverture du compte bancaire directement auprès de celles-ci présente une sécurité majeure qui est celle de la fourniture de documents justificatifs qui peuvent se révéler utiles comme preuve en cas de litiges.

L'ouverture de comptes bancaires offshores est alimentée par une motivation que l'on retrouve chez la plupart des contribuables qui y ont recours : le secret bancaire qui est indispensable que le contribuable soit ou non de mauvaise foi.

B. Le secret bancaire

Le secret bancaire1 désigne l'obligation qu'ont les banques de ne pas livrer des informations sur leurs clients à des tiers. Il relève du secret professionnel. Par extension, le terme désigne parfois les mécanismes qui permettent à des personnes morales ou physiques de détenir des avoirs bancaires de façon plus ou moins anonyme1.

1 : Définition du site Wikipédia

L'article 26 du modèle OCDE dispose queles autorités compétentes des Etats membres procèderont à un échange d'informations « pertinentes ». La notion de pertinence est sujette à interprétation car l'interprétation peut diverger d'un Etat à un autre. Ce modèle est important caril est utilisé par la France dans les accords qu'elle signe avec les autres Etats en matière d'échange de renseignements. Le secret bancaire apparait comment étant être un obstacle à l'échange de renseignements, cet échange est primordial car :

- Il permet d'appliquer de la manière la plus complète possible les législations fiscales des Etats ;

- Il permet aux Etats contractants d'assurer un meilleur contrôle de l'assiette des impôts et de leurs résidents qui disposent de revenus ayant leur source dans l'autre Etat ;

- Il facilite le recouvrement de créances fiscales.

Il convient de faire état de restrictions qui sont toutefois apportées à cet échange de renseignements, ces restrictions relèvent de la faculté de l'Administration à pouvoir être en possession de certaines informations. En effet, si elle n'a pas le pouvoir d'être titulaire des informations qui lui sont demandées, elle est en droit de ne pas les remettre à la partie requérante.

Une restriction est aussi apportée quant à la nature des informations délivrées : chacun des Etats contractants peut également, par la convention, se réserver le droit de ne pas transmettre les renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel ou professionnel ou les renseignements dont la communication serait contraire à l'ordre public. En revanche, il est possible d'écarter l'opposabilité du secret bancaire ou assimilé (art. 26, 5 du modèle OCDE), ce qui est de plus en plus souvent le cas dans les conventions ou avenants conclus par la France.

La plupart des conventions stipulent que les renseignements communiqués doivent être eux-mêmes tenus secrets, ce qui n'est pas sans incidence sur la possibilité pour le contribuable d'obtenir communication des informations recueillie qui sont pourtant personnelles.

Le secret bancaire fait écho à des questions procédurales car le pouvoir de l'administration de se faire délivrer des informations en matière bancaire notamment repose sur des dispositions légales : il s'agit du droit de communication.

Le droit de communication que les agents des impôts détiennent auprès des établissements de crédit résulte des dispositions :

- de l'article L 85 du LPF dans la mesure où ces établissements sont soumis aux obligations des articles L 132-12 à L 132-28 du Code de commerce ;

- de l'article L 83 du LPF dès lors qu'ils sont soumis au contrôle de l'autorité administrative.

1 : (LPF art. L 103 : DC-VI-3500 s.).

Le champ d'application du droit de communication de l'Administration1 est étendu certes, puisqu'il est valable au-delà du territoire à partir du moment où il s'agit d'un contribuable français, mais il faut savoir que l'administration doit éviter de mener des recherches d'ensemble dans les établissements de crédit. Il est à cet égard précisé que s'il est envisagé de procéder à des recoupements ou à des relevés portant sur des catégories de personnes définies par des critères tenant à la nature des activités ou à l'importance des opérations réalisées, ces opérations doivent être menées dans le respect des conditions d'exercice du droit de communication.

Néanmoins, il faut préciser que droit de communication et secret bancaire cohabitent car le droit de communication de l'Administration ne l'emporte aucunement sur le secret bancaire qu'ont les établissements de crédit. En effet, les agents des impôts sont eux-mêmes soumis à l'obligation de secret professionnel sanctionnée par les articles 226-13 et 226-14 du Code pénal2.

Ce droit de communication1 oscille entre extension et limitation car les agents des impôts peuvent se faire communiquer par tout établissement, organisme ou personne teneur de compte des renseignements relatifs au compte bancaire ouvert au nom d'une personne physique ou morale, que celle-ci ait ou non la qualité de commerçant.

Les cas d'espèce témoignent des larges pouvoirs de l'Administration qui lutte contre le secret bancaire dans le cadre de ses investigations car les agents des impôts peuvent se faire communiquer par tout établissement, organisme ou personne teneur de compte des renseignements relatifs au compte bancaire ouvert au nom d'une personne physique ou morale, que celle-ci ait ou non la qualité de commerçant3.

On citera à titre d'exemple jurisprudentiel4 le fait que pour reconstituer le chiffre d'affaires taxable d'un contribuable, l'administration avait ajouté aux recettes déclarées par l'intéressé une partie de l'accroissement des comptes bancaires de ses deux fils, livreurs salariés de leur père. Le contribuable faisait valoir que les constatations faites à partir des comptes bancaires de ses deux fils ne lui étaient pas opposables et que, par ailleurs, l'administration ne pouvait faire état des renseignements recueillis sur les deux intéressés qu'en observant à leur égard les formalités qu'elle aurait été tenue de respecter si elle avait procédé au redressement de leurs déclarations fiscales.

Le Conseil d'Etat juge que l'administration est fondée à faire état, à l'encontre d'un contribuable, de renseignements qu'elle recueille sur d'autres contribuables en usant du droit de communication qu'elle tient de l'article L 85 du LPF, dès lors que les renseignements sont nécessaires à la détermination des bases d'imposition du contribuable vérifié, et rejette le moyen selon lequel il y aurait manquement du contradictoire de la procédure.

On peut voir que le droit de communication de l'Administration aurait plus de force juridique que les principes fondamentaux de la procédure française.

1 : Memento fiscale 2013 /2014 Editions Francis Lefebvre - e FISCAL - Division III droit de contrôle de l'administration / 2 :D. adm. 13 K-1232 n° 3, 1er juin 2001 / 3 :Rép. Lombard : Sén. 9 décembre 1981 p. 3898 n° 1420./ 4 : CE 29 janvier 1982 n° 18537

La dimension bancaire dans le cadre de l'étude des mécanismes fiscaux offshores occupe une place très importante mais la dimension juridique l'est en plus car l'ensemble des formalités relatives à ce secteur sont très lourdes et peuvent donner lieu à des sanctions en cas de non-respect de ces dernières. Cette dimension juridique vient être complétée par les diverses stratégies fiscales qui sont offertes au contribuable en matière financière avec notamment l'optimisation par le trust offshore. Par ailleurs, la dimension répressive dont les prémices ont été posées constitue la suite logique de cette facette des mécanismes offshores.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote