Paragraphe 2 :L'approche économique des dispositifs
offshore:
Les mécanismes offshores passent sans nul doute par les
comptes bancaires offshores car lorsqu'une société
« s'établit » dans un pays avec régime fiscal
privilégié, l'ouverture d'un compte bancaire est
inéluctable, de même la localisation des revenus d'un personne
physique dans ce type de pays, passe par l'ouverture d'un compte bancaire.
C'est en cela que les banques jouent un rôle primordial dans
l'étude des mécanismes fiscaux offshores et seront mis à
contributions lorsqu'un Etat sera contraint de révéler les
informations financières relatives à un contribuable, posant
dès lors le sacro-saint problème du secret bancaire.
A. Les comptes bancaires offshores
L'étude des comptes bancaires offshore ne peut se faire
sans l'analyse juridique du secret bancaire, prérogative
financière certaine de n'importe quel Etat découlant directement
de sa souveraineté.
1: Délocalisations: acte II : comprendre les
délocalisations de services en France / Par Thomas Houdré,
Mathias Lelièvre/2008
En effet, lorsqu'un contribuable décide de recourir
à la législation fiscale plus permissive d'un Etat à
fiscalité privilégiée, ce qu'il désire avant toute
chose c'est de ne pas voir les informations relatives aux sommes
transférées divulguées, en ce sens que l'opération
n'aurait dès lors aucune utilité puisqu'elles pourraient parvenir
à l'Administration fiscale à laquelle ce contribuable avait
tenté d'échapper.
L'autre problématique1 soulevée par la
constitution d'un compte bancaire offshore est la sécurité :
est-ce les avoirs déposés dans ledit compte seront en
sécurité dans une banque donnée et dans une juridiction
donnée?
Ces deux questions méritent notre attention : nous
prendrons l'exemple de Chypre qui était une juridiction
recommandée pendant très longtemps (notamment pour son secret
bancaire et sa fiscalité attractive), les évènements
récents (le printemps arabe) nous montrent que la tendance peut
très vite infléchir. On peut l'affirmer : secret bancaire et
sécurité sont deux paramètres importants dans le transfert
de revenus à l'étranger.
Il faut savoir qu'en France il n'y a pas de secret bancaire
étant donné les innombrables accords d'échanges
d'informations conclus par la France. C'est de cette manière que la
constitution de compte bancaire offshore doit être opérée
avec une conscience éclairée de la répression en vigueur
à travers les dispositifs de lutte contre l'évasion fiscale
(cf:Section 2 : La dimension juridique des mécanismes offshore :
/Paragraphe 2 : L'utilisation des mécanismes offshore
appréhendée sous la dimension répressive).
L'aspect juridictionnel est primordial, les deux
éléments clés sont de savoir :
- Quelle est la juridiction dans laquelle la
société offshore est créée.
- Quelle est la juridiction dans laquelle le compte bancaire
offshore de la société est ouvert.
La question de la juridiction compétente se posera en cas
de litiges entre l'Administration fiscale (à laquelle le contribuable
tente d'échapper) et ce même contribuable.
Les très nombreuses dispositions visant à
empêcher l'évasion fiscale font que les banquiers se doivent
d'être couverts en cas de redressement fiscal ou même en cas
d'accusation de blanchiment d'argent ou de fraude fiscale. Il est donc logique
que les banquiers onshore ou offshore appliquent tous la règle du KYC
(« Know Your Customer »), aussi appelée CYA
(« CoverYour As »s) : ils doivent se couvrir et
obtenir suffisamment d'informations sur la personne qui ouvre un compte
bancaire pour pouvoir justifier leur bonne foi en cas de problème.
Cette règle se caractérise par la
nécessité de savoir qui est le titulaire des fonds et quelle est
l'origine des fonds déposés, le banquier pourra être
soupçonné de complicité ou voir sa responsabilité
professionnelle mise en jeu.
1 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradis_fiscal.com
2 : Articles sur les paradis fiscaux du
« Nouvel observateur »
L'ouverture d'un compte bancaire offshore s'opère selon
deux techniques différentes qui se caractérisent par deux types
d'effets différents.La première technique consiste à aller
directement auprès de la banque de son choix et d'y ouvrir son compte
bancaire offshore, dès lors, l'application de la législation
fiscale du pays sera de droit. L'inconvénient ici est que l'on doit
directement se déplacer dans le pays en question.
On citera des banques très connues où des comptes
bancaires offshores sont créés: ADCB - UAE, Barclays -
Seychelles, Belize Bank - Belize, CIM - Suisse, DBS - Hong Kong, FBME ** -
Chypre, Loyal Bank - St Vincent les Grenadines.
Depuis l'année 2012, CIM Banque a mis à jour ses
restrictions, seules ces juridictions offshore sont acceptées : Andorre,
Chypre, Dubai, Gibraltar, Guernsey, Hong Kong, Ile de Man, Jersey,
Lichtenstein, Luxembourg, Monaco, Ras al-Khaimah, Ryoaume-Uni, Singapour et
Suisse. La FBME (une banque de commerce international) figure parmi cette liste
car il est toujours possible d'ouvrir des comptes offshores avec cette banque,
mais étant donné les risques constatés, il est
préférable d'utiliser ce compte offshore comme
«porte-monnaie».
La seconde possibilité est de passer par un prestataire
offshore (cf :B.Le choix stratégique des prestataires
offshores), l'inconvénient sera ici les frais de «standard
offshore» de la banque. L'avantage est que cette personne sera la seul
à connaître le nom de la banque (en ce que le prestataire pour la
création ne sera pas informé). En passant par un prestataire,
l'on pourra éviter de se déplacer, une simple visite dans une
agence locale (ou proche) de la banque peut être suffisante.
L'ouverture du compte bancaire directement auprès de
celles-ci présente une sécurité majeure qui est celle de
la fourniture de documents justificatifs qui peuvent se révéler
utiles comme preuve en cas de litiges.
L'ouverture de comptes bancaires offshores est alimentée
par une motivation que l'on retrouve chez la plupart des contribuables qui y
ont recours : le secret bancaire qui est indispensable que le contribuable
soit ou non de mauvaise foi.
B. Le secret bancaire
Le secret bancaire1 désigne l'obligation qu'ont
les banques de ne pas livrer des informations sur leurs clients à des
tiers. Il relève du secret professionnel. Par extension, le terme
désigne parfois les mécanismes qui permettent à des
personnes morales ou physiques de détenir des avoirs bancaires de
façon plus ou moins anonyme1.
1 : Définition du site Wikipédia
L'article 26 du modèle OCDE dispose queles
autorités compétentes des Etats membres procèderont
à un échange d'informations « pertinentes ».
La notion de pertinence est sujette à interprétation car
l'interprétation peut diverger d'un Etat à un autre. Ce
modèle est important caril est utilisé par la France dans les
accords qu'elle signe avec les autres Etats en matière d'échange
de renseignements. Le secret bancaire apparait comment étant être
un obstacle à l'échange de renseignements, cet échange est
primordial car :
- Il permet d'appliquer de la manière la plus
complète possible les législations fiscales des Etats ;
- Il permet aux Etats contractants d'assurer un meilleur
contrôle de l'assiette des impôts et de leurs résidents qui
disposent de revenus ayant leur source dans l'autre Etat ;
- Il facilite le recouvrement de créances fiscales.
Il convient de faire état de restrictions qui sont
toutefois apportées à cet échange de renseignements, ces
restrictions relèvent de la faculté de l'Administration à
pouvoir être en possession de certaines informations. En effet, si elle
n'a pas le pouvoir d'être titulaire des informations qui lui sont
demandées, elle est en droit de ne pas les remettre à la partie
requérante.
Une restriction est aussi apportée quant à la
nature des informations délivrées : chacun des Etats
contractants peut également, par la convention, se réserver le
droit de ne pas transmettre les renseignements qui révéleraient
un secret commercial, industriel ou professionnel ou les renseignements dont la
communication serait contraire à l'ordre public. En revanche, il est
possible d'écarter l'opposabilité du secret bancaire ou
assimilé (art. 26, 5 du modèle OCDE), ce qui est de plus en plus
souvent le cas dans les conventions ou avenants conclus par la France.
La plupart des conventions stipulent que les renseignements
communiqués doivent être eux-mêmes tenus secrets, ce qui
n'est pas sans incidence sur la possibilité pour le contribuable
d'obtenir communication des informations recueillie qui sont pourtant
personnelles.
Le secret bancaire fait écho à des questions
procédurales car le pouvoir de l'administration de se faire
délivrer des informations en matière bancaire notamment repose
sur des dispositions légales : il s'agit du droit de
communication.
Le droit de communication que les agents des impôts
détiennent auprès des établissements de crédit
résulte des dispositions :
- de l'article L 85 du LPF dans la mesure où ces
établissements sont soumis aux obligations des articles L 132-12
à L 132-28 du Code de commerce ;
- de l'article L 83 du LPF dès lors qu'ils sont soumis au
contrôle de l'autorité administrative.
1 : (LPF art. L 103 : DC-VI-3500 s.).
Le champ d'application du droit de communication de
l'Administration1 est étendu certes, puisqu'il est valable
au-delà du territoire à partir du moment où il s'agit d'un
contribuable français, mais il faut savoir que l'administration doit
éviter de mener des recherches d'ensemble dans les établissements
de crédit. Il est à cet égard précisé que
s'il est envisagé de procéder à des recoupements ou
à des relevés portant sur des catégories de personnes
définies par des critères tenant à la nature des
activités ou à l'importance des opérations
réalisées, ces opérations doivent être menées
dans le respect des conditions d'exercice du droit de communication.
Néanmoins, il faut préciser que droit de
communication et secret bancaire cohabitent car le droit de communication de
l'Administration ne l'emporte aucunement sur le secret bancaire qu'ont les
établissements de crédit. En effet, les agents des impôts
sont eux-mêmes soumis à l'obligation de secret professionnel
sanctionnée par les articles 226-13 et 226-14 du Code
pénal2.
Ce droit de communication1 oscille entre extension et
limitation car les agents des impôts peuvent se faire communiquer par
tout établissement, organisme ou personne teneur de compte des
renseignements relatifs au compte bancaire ouvert au nom d'une personne
physique ou morale, que celle-ci ait ou non la qualité de
commerçant.
Les cas d'espèce témoignent des larges pouvoirs de
l'Administration qui lutte contre le secret bancaire dans le cadre de ses
investigations car les agents des impôts peuvent se faire communiquer par
tout établissement, organisme ou personne teneur de compte des
renseignements relatifs au compte bancaire ouvert au nom d'une personne
physique ou morale, que celle-ci ait ou non la qualité de
commerçant3.
On citera à titre d'exemple jurisprudentiel4 le
fait que pour reconstituer le chiffre d'affaires taxable d'un contribuable,
l'administration avait ajouté aux recettes déclarées par
l'intéressé une partie de l'accroissement des comptes bancaires
de ses deux fils, livreurs salariés de leur père. Le contribuable
faisait valoir que les constatations faites à partir des comptes
bancaires de ses deux fils ne lui étaient pas opposables et que, par
ailleurs, l'administration ne pouvait faire état des renseignements
recueillis sur les deux intéressés qu'en observant à leur
égard les formalités qu'elle aurait été tenue de
respecter si elle avait procédé au redressement de leurs
déclarations fiscales.
Le Conseil d'Etat juge que l'administration est fondée
à faire état, à l'encontre d'un contribuable, de
renseignements qu'elle recueille sur d'autres contribuables en usant du droit
de communication qu'elle tient de l'article L 85 du LPF, dès lors que
les renseignements sont nécessaires à la détermination des
bases d'imposition du contribuable vérifié, et rejette le moyen
selon lequel il y aurait manquement du contradictoire de la
procédure.
On peut voir que le droit de communication de l'Administration
aurait plus de force juridique que les principes fondamentaux de la
procédure française.
1 : Memento fiscale 2013 /2014 Editions Francis Lefebvre
- e FISCAL - Division III droit de contrôle de l'administration /
2 :D. adm. 13 K-1232 n° 3, 1er juin 2001 / 3 :Rép.
Lombard : Sén. 9 décembre 1981 p. 3898 n° 1420./ 4 : CE
29 janvier 1982 n° 18537
La dimension bancaire dans le cadre de l'étude des
mécanismes fiscaux offshores occupe une place très importante
mais la dimension juridique l'est en plus car l'ensemble des formalités
relatives à ce secteur sont très lourdes et peuvent donner lieu
à des sanctions en cas de non-respect de ces dernières. Cette
dimension juridique vient être complétée par les diverses
stratégies fiscales qui sont offertes au contribuable en matière
financière avec notamment l'optimisation par le trust offshore. Par
ailleurs, la dimension répressive dont les prémices ont
été posées constitue la suite logique de cette facette des
mécanismes offshores.
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