Section 2 : La portée de la problématique
des législations fiscales offshore :
Etablir une stratégie fiscale pour son entreprise ou afin
d'optimiser ses revenus est une liberté dont chacun dispose de
manière discrétionnaire, mais lorsque cette liberté
empiète sur le pouvoir régalien de l'Etat de lever l'impôt
des difficultés apparaissent et des mesures sont prises afin de limiter
l'impact ces agissements.
Paragraphe 1 : La problématique actuelle posée
par les montages offshores:
La diversité des régimes fiscaux internationaux
permet aux sociétés qui ont une vocation multinationale de
créer des stratégies fiscales fondées sur des
mécanismes offshores très pointus allant de l'interposition de
sociétés à la localisation des bénéfices
dans plusieurs pays comme « GOOGLE ». Ces schémas
complexes peuvent entrainer des problèmes en terme de concurrence
fiscale déloyale que le Conseil des impôts a du
résoudre.
A. Les mécanismes offshores des
sociétés multinationales
Les sociétés offshores sont de diverses natures,
elles concernent les holdings, les trusts, allant même jusqu'aux
travailleurs indépendants qui ont une activité dans un certain
Etat et délocalisent leurs revenus dans d'autres.
Notre analyse s'arrêtera aux sociétés qui
fondent l'économie numériques où le recours aux
mécanismes offshores est très courantes, pouvant certaines fois
franchir la frontière que nous essayons de dépeindre dans le
cadre de cette recherche.
L'économie numérique contributive appelle à
un « New deal », c'est-à-dire un interventionnisme fiscal
visant à redynamiser certains grands Etats européens meurtris par
des pratiques d'optimisation fiscale menées notamment par certaines
multinationales du numérique.
Les chiffres de la banque JP Morgan , dans un rapport de 2012,
nous montrent que les multinationales, dans leur ensemble, enregistrent un taux
effectif d'imposition de leurs bénéfices de 22,4 % sur dix ans en
moyenne. Alors que dans le cadre national ce chiffre est de 36,3%.
Parmi ces multinationales, les GAFA ont enregistré en
France, sur l'année 2012, un chiffre d'affaires de l'ordre de 5
milliards d'euros, susceptible d'avoisiner 9 milliards d'euros d'ici deux ans.
Google s'est acquitté de 5 millions d'euros d'impôts en France en
2011 pour un chiffre d'affaires compris entre 1,25 et 1,4 milliard d'euros.
Google ne paye en moyenne que 3,2 % d'impôt sur les
sociétés sur ses profits mondiaux hors Etats-Unis (le taux de
l'impôt sur les sociétés en Europe oscillant entre 26 % et
34 %).
Ces statistiques fiscales nous montrent la problématique
qui découle du recours aux mécanismes offshores par ces grands
groupes :
Ces chiffres sont à eux-mêmes suffisant pour
dépeindre la problématique posée par les mécanismes
offshores. En effet, diverses expressions sont utilisées pour
décrire la masse fiscale qui incombent aux entrepreneurs français
nous retenons celle de «matraquage fiscal » pour comprendre que si
aujourd'hui le recours aux législations offshore est tant
effectué c'est à cause de cette disparité mise en
évidence par les chiffres ci-dessus : un taux effectif d'imposition des
bénéfices de 22,4% pour une multinational contre un taux effectif
de 36,2%, soit une différence de près de 13.8%, ce qui ne laisse
pas place aux doutes quant aux beaux jours que possèdent les
législations offshores devant elles.
Cela témoigne donc bel et bien de la fuite des capitaux
vers les paradis fiscaux par la logiques est absurde : ces grandes
multinationales devraient rapporter une masse de recette fiscale plus que
considérable aux Etats, or c'est le contraire, Google par exemple paye
moins d'impôt qu'une société lambda.
Le mécanisme offshore de Google est le suivant : les
droits d'exploitation des actifs incorporels en dehors des Etats-Unis ont
été cédés, par la société-mère
américaine, à un sous-holding régional irlandais.
L'Internal Revenue Service (« IRS ») américain a
en effet conclu un accord préalable sur les prix de transfert avec
Google, sur les droits qui sont concédés à la holding
irlandaise ainsi que d'autres éléments de propriété
intellectuelle sachant que le holding régional irlandais est
propriétaire de la marque en Europe (société hybride
profitant d'une double identité fiscale).
Ce holding irlandais détient lui-même une filiale
irlandaise de 2 000 salariés qui enregistre un fort chiffre
d'affaire, le doute s'installe lorsque l'on se fie à la
déclaration de cette filiale irlandaise. Nous sommes surpris, mais pas
dupe notamment lorsque l'on comprend que les revenus de cette filiales
irlandaise transitent par l'établissement stable bermudien de la
société mère.
L'imposition des revenus de la filiale irlandaise sont
« annulés » en ce sens que l'imposition est
éludée par le versement de la filiale à
l'établissement stable bermudien d'une redevance de
propriété intellectuelle, au motif que seraient exercées,
aux Bermudes, les fonctions entrepreneuriales du holding irlandais (technique
du « double irlandais »)1.
Cette redevance transite par une filiale néerlandaise
(société gérant les droits de la marque en Europe) qui la
reverse à l'établissement stable bermudien du holding irlandais.
Cette technique du « sandwich néerlandais » permet de
bénéficier de l'absence de retenue à la source aux termes
de la convention fiscale conclue entre l'Irlande et les Pays-Bas, y compris
lorsque l'Etat d'établissement de la contrepartie est un paradis
fiscal.
Le « double irlandais et sandwich néerlandais »
permet ainsi de thésauriser des bénéfices non
imposés dans un paradis fiscal (les Bermudes au cas présent)
pouvant être utilisés en tout ou partie dans des opérations
d'investissement ou de croissance externe (en dehors des Etats-Unis, sauf
période de « taxholiday » permettant un rapatriement
aux Etats-Unis dans des conditions fiscales favorables)2.
1: Le Nouvel Economiste.fr, 7 février 2013, « La
fiscalité des géants du net en question », Jean-Michel
Lamy.
2:Le Figaro, 13 février 2013, « Google, Amazon,
Apple : le rapport qui accuse », Alexandrine Bouilhet.
Le dispositif usé par Google afin d'éluder
l'impôt pose le problème de l'usage des mécanismes offshore
dans le cadre de la fiscalité numérique.
En effet comme le fait remarque l'avocat Arthur Gobel, il y a un
besoin urgent d'une fiscalité adaptée à l'économie
numérique permettant de rétablir un pouvoir d'imposer en rapport
avec l'activité réelle.
L'OCDE ait venu donner son avis sur la question et notamment a
considéré qu'un serveur internet pouvait constituer un
établissement stable, en effet, pour qu'un serveur soit qualifié
d'établissement stable, il devra respecter les conditions
inhérentes aux établissements stables : il faut tout d'abord
que les critères de fixité et de permanence soient
remplis, que ce serveur soit effectivement exploité par l'entreprise
étrangère exerçant son activité via le site
Internet hébergé. Le serveur doit donc être à la
disposition de l'entreprise, ce qui sera le cas si elle possède ou si
elle loue et exploite le serveur d'hébergement du site Internet.
Pour que cet établissement stable existe, les
opérations effectuées par l'entreprise par l'intermédiaire
du serveur exploité devront, en outre, échapper à la
qualification d'« activité de caractère préparatoire
ou auxiliaire », le paragraphe 42.7 des Commentaires sur l'article 5 de la
Convention Modèle OCDE, nous fait savoir que des fonctions consistant
à faire la publicité de biens ou services, collecter des
données sur le marché pour le compte de l'entreprise, fournir des
informations sont considérés comme étant des
activités de caractère préparatoires ou
auxiliaires ».
Les journalistes1 ont très vite pointer du
doigts le mécanisme offshore de Google à tel point que
François Hollande reproche aux grandes entreprises multinationales comme
Google ou Yahoo de créer des succursales à l'étranger
comme et notamment en France sans y établir de locaux, ce type
d'activité sur le sol français est fiscalement
préjudiciable à l'Etat français car aucuns
bénéfices n'est déclaré en France.
Les médias reprochent à François Hollande de
vouloir proposer la solution suivante : une homogénéisation des
législations fiscale à l'échelle de l'Union
européenne, en ce que cette solution est irréaliste car aucuns
Etat membre de l'Union européenne acceptera de relever ses taux d'IS
pour « faire plaisir » à la France.
En effet, si le Luxembourg possède un taux d'IS plus
faible que la France c'est un moyen pour ce pays d'assurer
l'attractivité de son Economie puisque cela va attirer les investisseurs
et notamment inciter les grandes entreprises à s'installer sur son sol.
Il advient que la seule solution possible selon le journaliste
serait de « mieux traiter » les entreprises qui sont
déjà installées sur le sol français car plus une
entreprise fera des bénéfices, plus le montant d'IS à
payer sera important et plus l'économie française sera
prospère.
1 : Reportage I télé du 07/02/2014
Les mécanismes fiscaux offshores à l'échelle
internationale comme c'est le cas pour Google, entraine certes, comme nous
l'avons vu le problème de l'évasion fiscale mais pas seulement,
la concurrence fiscale déloyale est un terrain que peuvent user les
Etats lésés par certaines législations fiscale
offshores.
B. L'avis du Conseil des impôts sur la
concurrence fiscale et l'entreprise :
Il convient avant toute chose de définir ce que l'on
entend par « concurrence fiscale », ce terme désigne
le fait que deux régimes fiscaux présentent des taux
d'impositions plus ou moins élevés, cette différence
pouvant engendrer des pertes dans les recettes fiscales des Etats.
Selon le Conseil des Impôts, la« concurrence
fiscale désigne à la fois, de manière statique, la
situation dans laquelle certains acteurs mettent en compétition les
systèmes fiscaux de différents États et, de manière
dynamique, les réactions des États pour améliorer leur
position dans cette compétition».
La concurrence fiscale concerne les taux mais, dans le cas
extrême elle peut aussi être caractérisée par une
absence totale d'imposition dans un pays.
Cette concurrence peut apparaître comme un handicap pour
les entreprises actives en France car une entreprise ayant la même
activité qu'une autre peut dégager beaucoup plus de
bénéfices si elle use de mécanismes fiscaux offshore que
l'entreprise implantée en France qui n'en n'use pas.
Certes, la concurrence fiscale n'a pas conduit pour l'instant
à une remise en question fondamentale et systématique du
financement des Etats et de la répartition de la charge fiscale entre
les contribuables. Mais la pression est d'ores et déjà sensible
et ne peut que croître en l'absence de coordination.
La croissance de cette concurrence fiscale est avant tout le fait
qu'elle ne concerne pas que les multinationales mais aussi les petites
entreprises, au point que maintenant toutes les entreprises doivent traiter de
la question fiscale et faire de cette problématique un moyen de
dégager un maximum de bénéfices.
La concurrence fiscale horizontale concerne, la concurrence du
fait des différents régimes fiscaux en vigueur dans les Etats
membres, cela nous amène à remarquer que la France est
très loin derrière d'autres Etats de l'Union européenne,
sans parler des paradis fiscaux. Les taux d'impositions élevés et
les assiettes fiscales étroites que cela soit en matière d'IS ou
d'IR font de la France un Etat hors concurrence, et il est triste de le dire,
un Etat que tout le monde fuit.
1:http://www.impots.gouv.fr
Si l'on effectue une comparaison1 terme à terme
du système fiscal français d'imposition des entreprises avec les
régimes étrangers, il apparaît que ses
éléments favorables (assiette étroite de l'impôt sur
les sociétés, régime de groupe) sont moins visibles que
ses éléments défavorables (taux nominal
élevé de l'impôt sur les sociétés, poids de
la taxe professionnelle, imposition des plus-values de cession de titres, sans
parler du poids des cotisations sociales). Les indicateurs de pression fiscale
globale, bien que reposant sur des éléments fragiles, vont aussi
dans le sens d'une imposition plus élevée en France que dans
d'autres pays comparables, l'écart n'étant d'ailleurs pas assez
réduit pour apparaître de manière incontestable.
Concernant la localisation des activités, certains
considère que cela n'est pas le fait de la politique fiscale mais avant
tout le fait de l'environnement dans lequel une entreprise désire
s'installer (contexte politique, social et économique), mais il n'en
reste pas moins que la politique fiscale d'un pays joue un rôle majeur et
croissant.
Il faut tout de même nuancer notre propos en ce sens que la
France ne dispose pas que de dispositifs fiscaux défavorables, en effet,
s'agissant de l'imposition des particuliers, la taxation n'est
véritablement plus lourde en France par rapport aux pays comparables que
sur le patrimoine et les plus-values, non sur le revenu.
L'expatriation des revenus et des bénéfices n'est
pas toujours choses aisée avec les nombreux dispositifs français
qui visent dissuader l'exode fiscalau premier rang desquels on pourra citer le
fait que les salaires et revenus assimilés de source française
versés à des non-résidents supportent une retenue à
la source, il en résulte que le français qui désire
s'exiler en changeant de domicile fiscal et qui continue à avoir une
activité en France sera soumis à ce prélèvement.
Ainsi, l'arsenal fiscal français est composé de
dispositions qui rendent le parcours de l'évadé fiscal
semé d'embuche, on peut y voir là un moyen pour la France de
résoudre le problème relatif à sa faiblesse dans la batail
fiscale avec les paradis fiscaux.
La concurrence fiscale est le phénomène
inéluctable qui découle de la disparité des régimes
fiscaux, la législation fiscale française se doit de pallier ce
phénomène qui est de manière certaine en sa
défaveur par le biais de mesures nationales et conventionnelles. Le but
étant de ne pas voir en la fiscalité internationale un frein
à la croissance économique, alors qu'elle est censée
être primitivement, une source de richesse pour l'Etat.
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