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Les mécanismes offshores: entre optimisation et évasion fiscale

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par Nabil GRID
Université de Nice Sophia-Antipolis - Master 1 Droit Public parcours Fiscalité 2013
  

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Paragraphe 2 : Les deux niveaux d'impact des législations offshore :

L'étude des conséquences des législations offshores se situent à deux niveaux au niveau international et l'éminent rôle qu'y joue l'OCDE, mais aussi au niveau national avec des mesures propres à la France, nous nous arrêterons sur la mesure phare utilisée : l'Article 238 A du CGI.

A. L'angle international

Comme nous l'avons vu le développement du commerce international à fait se développer une fiscalité internationale et ses dérives : l'évasion fiscale que tente de combattre les pays lésés.

En effet, l'appréhension d'une criminalité à l'échelle internationale assortie de sanctions impacte sur le fait que définir ce que l'on entend par une législation offshore ne peut se fonder sur des textes internationaux en ce que l'usage des législations offshores est bien trop souvent assortie du comportement visant à éluder la législation fiscale interne ce qui a donné lieu à la mise en place de disposition fiscales répressive (cf : Section 2 : La dimension juridique des mécanismes offshore :Paragraphe 2 : L'utilisation des mécanismes offshore appréhendée sous la dimension répressive).

L'importance de l'article 26 du modèle OCDE :

L'OCDE a mis en oeuvre des moyens de lutte contre l'évasion fiscales à travers l'utilisation des mécanismes offshores, selon cette organisation internationale on reconnait une législation offshore « en recherchant si cette législation applique un impôt ou un prélèvement minime sur des activités financières, prestations de service ou autres activités mobiles ».

L'OCDE s'attèle à différencier la législation offshore de la législation illégale, car pour cette organisation une législation offshore n'est pas en soit illégale, un Etat peut tout à fait décider de ne pas se servir de la fiscalité comme un moyen de production de la richesse, au nom de la souveraineté de ces derniers.

Pour l'OCDE c'est l'utilisation d'une législation fiscale offshore à des fins de détournement qui est fautive.

On citera l'article 26 du Modèle de convention fiscale de l'OCDE1 qui fournit la norme la plus généralement reconnue pour l'échange bilatéral de renseignements à des fins fiscales. Plus de 3 000 conventions bilatérales sont fondées sur le Modèle de l'OCDE. Cet article 26 présente un esprit particulier : celui d'assurer que chaque Etat puisse pleinement appliquer la législation fiscale en vigueur sans la voir éluder, dénaturer ou contourner par le biais de la législation d'un autre Etat.

L'OCDE met en exergue le fait que les prérogatives accordées aux Etats dans le cadre de l'échange d'informations ne leur confèrent pas un droit omnipotent pour recueillir tous types d'informations, car ces dernières ne doivent uniquement servir qu'à appliquer correctement la législation fiscale du pays.

L'OCDE reste dans sa politique en disposant qu'un Etat ne pourra demander des informations relative à certains contribuables uniquement dans le cas où les voies internes ont été épuisées, c'est-à-dire, uniquement dans le cas où tous les dispositifs de lutte contre l'évasion fiscale au niveau interne ont été épuisés.

Par contre, l'OCDE2 a admis au Paragraphe 4 et 5 du modèle de convention qu'un Etat n'avait aucunement la capacité de refuser de délivrer des renseignements et informations au motif qu'il n'avait aucun intérêt à faire cela. En ce que la coopération en matière fiscale ne repose pas sur l'idée d'avoir un avantage pour la fourniture d'informations mais de respecter la législation fiscale de l'autre Etat.

Par exemple si les Seychelles refusent de divulguer des informations sur certains contribuables en raison du fait que l'attractivité fiscale sur laquelle est fondée sa législation fiscale est l'un des moteurs premiers de son Economie, cette justification n'est pas valable.

Le problème de la compatibilité entre le secret bancaire et l'article 26 s'est très vite posé, comment est-ce qu'un Etat peut participer à la lutte contre l'évasion fiscale alors qu'il garde le voile sur des renseignements aussi cruciaux ? L'OCDE est claire sur la question : le secret bancaire n'est pas incompatible avec cet article.L'application de l'article 26 n'entraine pas l'interdiction de garder secrets certaines données bancaires, l'OCDE distingue la prérogative des Etats membres en matière d'informations fiscales et la libre activité bancaire des établissements financiers.

1 : http://www.oecd.org/fr/

2 :Rapports de 2002 relatifs au Modèle de convention fiscale de l'OCDE / Volume 8 de Questions de fiscalité internationale/Organisation for EconomicCo-operation and Development/Ed.OECD

Le secret bancaire est une chose mais le secret des informations échangées en est une autres, c'est dans cette optique que le paragraphe 3 de ce modèle dispose que : « Les dispositions des paragraphes 1 et 2 [qui permettent l'échange d'information fiscale entre Etats] ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un État contractant l'obligation :

· de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celle de l'autre État contractant ;

· de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l'autre État contractant ;

· de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l'ordre public.

On peut déclarer que cette pondération entre « échange d'information » et « respect de la souveraineté des Etats » pose le coeur du problème des législations offshore en ce que c'est la porte ouverte aux problèmes de l'évasion fiscale, en effet un contribuable que l'on accuse de s'être fiscalement évader de ses obligations nationale, pourra toujours invoquer le respect de la législation interne des Etats, alors que la défense de l'Etat duquel ressort le contribuable évadé ne manquera pas d'alléguer contre ce dernier les informations qu'il aura obtenu suite à l'échange d'information.

L'avis à part entière du GAFI sur les territoires non-coopératifs :

Le GAFI1 qui émane du G7 a lié paradis fiscal et « les haut-lieux de la fiscalité offshore » au blanchiment de capitaux et de fraude fiscale, en ce que cela serait dans ces localités que se dérouleraient principalement ces opérations. Ainsi il découle de cette tendance, certains critères se retrouvent dans la plupart des paradis fiscaux :

· Des réglementations financières qui ne sont pas complètes et qui présentent des vides juridiques notamment en matière fiscale qui permettent de monter des « mécanismes fiscaux offshore illégaux ».

· Des entraves présentent dans d'autres secteurs des réglementations pas uniquement financières mais aussi juridiques.

1 : Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme/ Geert Delrue/ Maklu, 2012

· Des entraves qui peuvent ou non être volontaires à la coopération internationale sacralisée par l'OCDE ;

· Aucune prévention n'est en place pour lutter contre le blanchiment d'argent.

L'on comprend que ces ETNC se caractérisent par une sorte de sous-réglementation notamment en matière fiscale, ils apparaissent donc comme étant être les pays où les législations offshores sont les plus « pointues » ou du moins, les plus« permissives ».

Le pragmatisme du FMI dans son approche des ETNC1 :

Pour sa part, le FMI donne une définition plus pragmatique de ces ETNC en ce qu'ils se caractériseraient par des éléments que l'on retrouverait tout le temps dans la problématique de l'évasion fiscale par les législations fiscales offshore. Pour le FMI cela serait un Etat où « l'essentielle des activités du secteur de la finances ont un caractère extraterritorial » ... « les transactions sont ordonnées depuis l'étranger et la majorité des entités impliquées sont contrôlées par des non-résidents ».

Dans cette étude internationale de l'impact des législations offshores le rapport du G20 tenu à Londres en avril 2009 est exhaustif sur la question car il synthétise les avis des différents organes internationaux.

En effet, ce G20 a marqué un tournant dans l'appréhension des ETNC car dans la nouvelle optiques du G20 il n'est plus question d'une comparaison du taux d'imposition plus bas ou plus élever d'un pays à un autre, mais il convient de se focaliser sur le problème de l'échange d'information. Selon l'avis du G20 les chiffre ne sont pas probant c'est le critère téléologique qui prime, si un Etat n'a pas envie de délivrer certaines informations, sa non-coopération montre qu'il est légitime de le considérer comme étant suspect.

Il semblerait donc que la définition d'une législation offshore ne se fonderait plus sur des critères intrinsèquement techniques et matériels mais plutôt sur l'attitude d'un Etat à fournir ou ne pas fournir les informations des contribuables.

Les organes internationaux mettent en oeuvre des dispositifs, des accords et des listes servant aux Etats pour les aider à lutter contre l'utilisation frauduleuse des dispositifs offshores, mais le droit interne des Etats présente aussi des spécificités qui visent aussi à lutter contre cette évasion fiscale, l'article 238 A du CGI français en est un exemple.

1 : FMI, « Offshore financial centres »/ www.imf.org/

B. L'angle national : l'Article 238 A CGI

Cet article met en place une limite à la stratégie des entreprises consistant à déduire des bénéfices industriels et commerciaux de l'activité française des éléments de production émanant d'une autre activité à l'étranger, et plus précisément dans un paradis fiscal. Il est l'un des articles phares avec l'article 209B en matière de lutte contre l'évasion fiscale par les dispositifs offshore.

Ainsi, selon l'article 238 A CGI1 ces éléments de productions prennent diverses formes cela va des intérêts, arrérages et autres produits des obligations aux redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention. A partir du moment où ces éléments proviennent d'un paradis fiscale et qu'ils ont vocation venir réduire l'assiette fiscale de l'imposition française, ces derniers sont exclus de toute déduction.

Une nuance est tout de même présente au sein de cet article, en effet on peut lire que « ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ». La preuve incombe au dirigeant d'entreprise qui doit justifier que les charges qu'il veut déduire de ses bénéfices sont réelles et existant et que cela participe effectivement à la stratégie comptable de l'entreprise. Ce que sous-tend cet article c'est avant tout le caractère fictif de la déduction, et comme dans toutes les dispositions du CGI qui visent à lutter contre l'évasion fiscale, ce qui est prohibé est l'utilisation détournée des législations offshores.

Cet article du CGI repose sur des situations factuelles qu'il convient d'apprécier au cas par cas, c'est-à-dire que le législateur ne peut pas disposer que toutes les déductions provenant de tel ou tel pays à fiscalité privilégiée sera impossible. Il est clair que si un contentieux se produit sur cette question il reviendra au juge d'apprécier souverainement la preuve que le dirigeant d'entreprise apporte pour montrer sa « bonne foi » dans l'utilisation d'une législation offshore.

Néanmoins, un objectif phare ressort de cet article : la prohibition des transferts de bénéfices dans les paradis fiscaux, cette prohibition est déjà mise en oeuvre dans le cadre de l'article 57 du CGI où la question du transfert indirect des bénéfices est appréhendée.

1 :BOFIP : BOI-BIC-CHG-80-10 n°160, 12-09-2012

Le fait de faire référence à plusieurs articles du CGI qui se trouvent dans des parties disparates au sein de ce code nous montre que les dispositions relatives à la lutte contre l'utilisation abusive des législations offshores sont présentent à divers endroits dans le Code témoignant de l'esprit du législateur. Il n'y a pas de cantonnement du législateur à un seul article.

Il découle de ces articles qu'une comparaison entre la fiscalité lourde d'un Etat d'origine et le paradis fiscale des ETNC est nécessaire, même si le législateur et l'OCDE ne mettent pas évidence cette étape.

1. Comment faire la comparaison de législations entre la législation fiscale française et la législation fiscale étrangère ?

Cette comparaison entre les deux législations fiscales se fonde sur quatre règles que suivra à la fois le législateur dans l'élaboration de ces textes mais aussi le juge lorsqu'il aura à régler un conflit mettant en jeu cette inévitable comparaison :

Première règle : Des impositions générales :

La comparaison1 s'applique à des impositions générales par exemple il s'agira de comparer l'assiette de l'impôt sur les sociétés, la comparaison ne consistera en aucun cas à comparer des déductions spécifiques, comme il est précisé à l'article 238 A CGI. Cette règle traduit le fait que dans les législations étrangères, on ne retrouvera pas forcément les mêmes formes de bénéfices tels que les « intérêts, arrérages et autres produits des obligations,... ».

Il convient de préciser que le rapprochement d'impositions spécifiques fondées sur les bénéfices, n'est pas en réalité l'esprit de cet article car les précisions apportées par le législateur ne sont qu'à titre informatifs. En effet, l'application de cet article à la lettre nécessiterait une lourde recherche dans la législation fiscale des pays à fiscalité privilégiée ce qui entrainerait une indispensable fourniture d'informations par ces Etats ce qui n'est pas chose aisée étant donné que la plupart de ces Etats sont des ETNC.

Deuxième règle : L'Article 238 A n'est pas un régime d'imposition distinct :

L'application de l'article 238 A du CGI n'est pas un régime d'imposition à part entière1 en ce sens que l'Administration fiscale peut se fonder sur cet article pour procéder à une imposition qu'elle estime légale. Il s'agit là d'une disposition relative à un cas éventuel correspondant au cas de la fuite des capitaux vers l'étranger tendant à la réduction de l'assiette.

Il en découle de phases si l'Administration désire imposer des bénéfices qu'elle estime licite : constater le manquement de l'article 238 A et ensuite procéder à l'imposition comme si ces bénéfices avait été localisé en France.

1 : BOFIP : BOI-BIC-CHG-80-10 n°170, 12-09-2012

Troisième règle : Porter sur des impôts de même nature :

La comparaison qui est faite est faite globalement car elle ne doit s'appliquer qu'à ceux des impôts dont relèverait ou auxquels est assujetti le bénéficiaire. La comparaison est d'espèce, elle se fait au cas par cas et selon les revenus ou bénéfices dont il est question.

A titre d'exemple2, on prendra celui de la comparaison qui devra être effectué en matière d'impôt sur le revenu : il faudra analyser le montant de l'impôt sur les revenus en France et le montant de l'impôt sur les revenus dans le paradis fiscal.

Quatrième règle : Tenir compte, s'il y a lieu, de l'existence de régimes fiscaux particuliers :

Cette règles est le fait que l'Administration fiscale se devra dans tous les cas être consciente que des règles particulières existent dans les systèmes fiscaux étrangers, et qu'elle devra s'y conformer.

Elle devra dès lors opérer un tempérament dans l'appréciation de ce qui est ou non constitutif d'une évasion fiscale. Par exemple, elle devra se conformer au fait que certains Etats disposent de taux d'impositions très faibles en raison de leur politique économique tournée vers le tourisme1 (cf : Section 2 : L'identification du paradis fiscal permettant l'élaboration d'un mécanisme offshore / Paragraphe 2 : Les vrais « faux » ou faux « vrais » paradis fiscaux)

En ce qui concerne les justifications de l'administration lorsque cette dernière décide de procéder à une l'imposition sur le fondement de l'article 238 A du CGI, ces éléments justificatifs doivent se fonder sur la comparaison des systèmes fiscaux dont il a été question jusque ici, c'est-à-dire que l'Administration doit montrer qu'il y a bel et bien une inégalité d'imposition en sa défaveur.

Ces éléments sont indispensables au juge en cas de litige car ce dernier rendra sa décision à partir de l'instruction, l'on citera dès lors l'Arrêt de la CAA Paris 31 décembre 19911, n° 819, 3e ch., Adibuoù « les justifications soumises en l'espèce par l'administration procédaient, selon les conclusions du commissaire du Gouvernement, d'informations générales sur le système fiscal des Antilles Néerlandaises, à l'exclusion de toute donnée propre à la situation du bénéficiaire des rémunérations pour la période en litige. Elles ne permettaient pas d'écarter l'existence d'un régime fiscal privilégié ».

Cet arrêt nous montre que l'Administration s'est fondée sur des justifications générales relatives à la comparaison entre les deux systèmes fiscaux, dès le régime fiscal privilégié est existant.

1 : CAA Paris 31 décembre 19911, n° 819, 3e ch., Adibu

2 :BOFIP : BOI-BIC-CHG-80-10 n°230, 12-09-2012

2. Comment apprécier l'importance de l'écart constaté entre les deux législations fiscales ?

Il faut absolument tenir compte des différences qui existent entre les différents régimes fiscaux2 tant au regard de l'établissement que de l'assiette de l'impôt.

La réputation d'« État-refuge » ou de « paradis fiscal » attribué à certains pays étrangers ou territoires n'est pas fondée uniquement sur le faible niveau de leur fiscalité, mais également sur des considérations d'ordre économique, financier et politique. Il découle de cette constatation que l'article 238 A du CGI n'a pas pour vocation d'établir des normes applicables en n'importe quelle circonstances, mais seulement des guides permettant de reconnaitre la présence d'un régime fiscale privilégié.

Le fait que la charge de la preuve incombe au dirigeant d'entreprise1 lorsqu'il est soupçonné d'évasion fiscale et qu'il tombe sous le coup de l'article 238 A CGI, n'est pas constitutifd'une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne des droits de l'Homme2 et 1er du premier protocole additionnel à cette convention. L'on comprend dès lors que le droit de l'union européenne ne peut venir interférer avec les dispositions internes de lutte contre l'évasion fiscale.

En droit interne, les critères relatifs à la détermination de pays à fiscalité privilégié sont sensiblement différents par rapport à ceux utilisés au niveau international, certaines pratiques jurisprudentielles nous permettent de dégager des exemples concrets.

A titre illustratif on prendra l'exemple2 d'une personne physique mariée ayant deux enfants à charge et ayant un revenu net global de 75 000 € est redevable d'un impôt personnel sur le revenu d'un le montant est inférieur de plus de la moitié à celui qu'elle aurait à supporter en France pour la même base taxable, ceci témoigne bien d'une évasion fiscal au sens du Conseil d'Etat;

1 : CAA Lyon 7 mai 2008 n° 05-646, 2e ch., SARL Production métallurgique de Bourgogne

2 : BOFIP : BOI-BIC-CHG-80-10 n°250, 12-09-2012

3 : BOFIP : BOI-BIC-CHG-80-10 n°260, 12-09-2012

La Direction des législations fiscales3 disposent d'un rôle conséquent en matière d'interprétation de l'article 238 A du CGI en ce qu'elle peut intervenir en cas de difficultés liées à la détermination d'un régime fiscal. En effet, les dispositions de la loi peuvent susciter des interprétations à la fois restrictives (dans le sens de certains paradis fiscaux) ou extensives dans le sens d'autres paradis fiscaux. Le but est d'avoir une interprétation harmonisée de ce que l'on entend par : «  les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. »

Le Conseil d'Etat n'émet donc pas un jugement arbitraire en ce qui concerne la qualification de paradis fiscal, il est aiguiller par l'interprétation de cet organe administratif qui a notamment pour mission d'assurer la conduite des relations fiscales internationales.

Des difficultés sont apparues concernant la preuve qui est apportée par le dirigeant pour prouver que le recours aux mécanismes offshores était tout à fait normal dans le cadre de sa stratégie comptable. En effet, le Conseil d'Etat1a jugé que la redevance versée par une société française à une société établie en Suisse (Zizers), égale à 3 % du montant des achats de matériel agricole faits à une société allemande, à titre de rémunération des frais d'études et de lancement de fabrication exposés par la société suisse pour adapter le matériel agricole fabriqué par la société allemande aux besoins du marché français, dès lors que la société française apporte la preuve de la réalité des prestations de services fournies par la société suisse et du caractère normal du prix qu'elle a payé, il n'y avait pas lieu de soumettre cette entreprise française à l'article 238 A du CGI, puisque l'objectif fiscal n'était pas présent.

Le Conseil d'Etat se fonde sur le but réel de l'opération fiscale offshore.

On retrouve dans les jurisprudences du Conseil d'Etat une tendance continue dans le cadre de l'application de cet article à se fier à un élément : l'inscription en compte2. En effet, le juge va se fonder sur ce compte pour analyser la raison pour laquelle le dirigeant d'entreprise a eu recours à une législation fiscale offshore. La nature du compte (nominatif ou anonyme, de dépôt ou à terme, d'épargne ou compte courant) n'est pas à prendre en considération, ni la nature des instruments monétaires comptabilisés.

Cela n'est pas sans nous rappeler le rôle important que jouent les banques dans le cadre de la coopération des Etats en matière d'échanges d'informations. Ce sont elles qui vont fournir la preuve des montants de bénéfices ou revenus délocalisés.

Dans le cadre de l'application de cet article le Conseil d'Etat pose la définition de l'établissement financier indispensable à pleine application de la disposition en question, il s'agit de «  toute personne physique ou morale habilitée à détenir, à titre principal ou accessoire, des biens ou valeurs pour le compte d'autrui ». Cette définition nous permet de comprendre que tous types de catégories de personnes physiques ou morales peuvent être retenus : caisse d'épargne, organismes de prêt, mais aussi toutes les personnes ayant la possibilité d'exercer en fait cette activité : agents de change, notaires, avocats, agents d'affaires, ...

1 :CE 27 janvier 1989, n° 58273, 7e et 9e s.-s

2 : BOI-BIC-CHG-80-10 n°310, 12-09-2012

3. Installation dans un pays à fiscalité privilégiée

L'établissement dans un pays à fiscalité privilégiée suppose qu'il y ait eu des relations financières entre un Etat d'origine et un Etat de destination. Dès lors, il est de la tâche du Conseil d'Etat, quand il est confronté à ce type d'espèce de trancher la question en décidant s'il y a lieu ou non réintégrer les montants en question.

A partir du moment où le contribuable reconnait qu'il y a derrière l'utilisation d'un mécanisme offshore une intention fiscale, l'Administration fiscale française est totalement dans son droit d'appliquer l'article 238 A du CGI.

Par exemple, une société localisée au Lichtenstein1 sera sujette à la réintégration dans les résultats d'une société ayant son siège en France de la commission qu'elle a versée à la société établie au Liechtenstein, dès lors qu'elle ne produit aucun document ou justification démontrant la réalité du service rendu.

Il faut aussi faire état du cantonnement de l'article 238 A du CGI2qui ne concerne uniquement que certains versements faits à destination de pays à fiscalité privilégiée.

Le Conseil d'Etat met en exergue l'interprétation restrictive qu'il convient de faire de cet article.

En effet, seuls les versements effectués sur des comptes tenus par des organismes établis dans des pays à fiscalité privilégiée peuvent être remis en question, il n'y a pas lieu de s'interroger sur les conditions d'installation de ces sociétés dans ces pays (siège, établissement ou agence).

Il en découle que cet article n'a qu'une vocation financière.

La commission départementale des impôts3 peut être saisie en cas de litiges entre l'Administration et le contribuable, mais la charge de la preuve n'incombera jamais à l'Administration, cela sera toujours au contribuable de prouver l'intention non-fiscale de son opération offshore, lorsque l'administration a remis en cause la déduction d'une charge sur le fondement de l'article 238 A du CGI.

1:CE 22 février 1989, n° 71593, 7e et 8e s.-s., CO Plan

2:BOI-BIC-CHG-80-10 n°340, 12-09-2012

3:TA Rouen 14 mars 2002 n° 97-1741, 3e ch., Sourdeix

Le recours aux mécanismes offshore dans une optique purement fiscale est constitutif de difficultés que les organes internationaux et nationaux ont essayé de surmonter.

Mais le fait est que comme les auteurs le font remarquer un paradis fiscal n'est pas synonyme d'illégalité. Il existe une frontière ténue entre l'optimisation et l'évasion, et entre l'illégal et le légal. C'est en cela que la portée de la problématique des législations fiscales offshores se fonde sur la volonté d'optimiser au maximum les bénéfices et revenus tout en restant de le légal et sans franchir la frontière et basculer dans la fraude fiscale.

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