Paragraphe 2 : Les deux niveaux d'impact des
législations offshore :
L'étude des conséquences des législations
offshores se situent à deux niveaux au niveau international et
l'éminent rôle qu'y joue l'OCDE, mais aussi au niveau national
avec des mesures propres à la France, nous nous arrêterons sur la
mesure phare utilisée : l'Article 238 A du CGI.
A. L'angle international
Comme nous l'avons vu le développement du commerce
international à fait se développer une fiscalité
internationale et ses dérives : l'évasion fiscale que tente
de combattre les pays lésés.
En effet, l'appréhension d'une criminalité à
l'échelle internationale assortie de sanctions impacte sur le fait que
définir ce que l'on entend par une législation offshore ne peut
se fonder sur des textes internationaux en ce que l'usage des
législations offshores est bien trop souvent assortie du comportement
visant à éluder la législation fiscale interne ce qui a
donné lieu à la mise en place de disposition fiscales
répressive (cf : Section 2 : La dimension juridique des
mécanismes offshore :Paragraphe 2 : L'utilisation des mécanismes
offshore appréhendée sous la dimension
répressive).
L'importance de l'article 26 du modèle
OCDE :
L'OCDE a mis en oeuvre des moyens de lutte contre
l'évasion fiscales à travers l'utilisation des mécanismes
offshores, selon cette organisation internationale on reconnait une
législation offshore « en recherchant si cette
législation applique un impôt ou un prélèvement
minime sur des activités financières, prestations de service ou
autres activités mobiles ».
L'OCDE s'attèle à différencier la
législation offshore de la législation illégale, car pour
cette organisation une législation offshore n'est pas en soit
illégale, un Etat peut tout à fait décider de ne pas se
servir de la fiscalité comme un moyen de production de la richesse, au
nom de la souveraineté de ces derniers.
Pour l'OCDE c'est l'utilisation d'une législation fiscale
offshore à des fins de détournement qui est fautive.
On citera l'article 26 du Modèle de convention fiscale de
l'OCDE1 qui fournit la norme la plus généralement
reconnue pour l'échange bilatéral de renseignements à des
fins fiscales. Plus de 3 000 conventions bilatérales sont fondées
sur le Modèle de l'OCDE. Cet article 26 présente un esprit
particulier : celui d'assurer que chaque Etat puisse pleinement appliquer
la législation fiscale en vigueur sans la voir éluder,
dénaturer ou contourner par le biais de la législation d'un autre
Etat.
L'OCDE met en exergue le fait que les prérogatives
accordées aux Etats dans le cadre de l'échange d'informations ne
leur confèrent pas un droit omnipotent pour recueillir tous types
d'informations, car ces dernières ne doivent uniquement servir
qu'à appliquer correctement la législation fiscale du pays.
L'OCDE reste dans sa politique en disposant qu'un Etat ne pourra
demander des informations relative à certains contribuables uniquement
dans le cas où les voies internes ont été
épuisées, c'est-à-dire, uniquement dans le cas où
tous les dispositifs de lutte contre l'évasion fiscale au niveau interne
ont été épuisés.
Par contre, l'OCDE2 a admis au Paragraphe 4 et 5 du
modèle de convention qu'un Etat n'avait aucunement la capacité de
refuser de délivrer des renseignements et informations au motif qu'il
n'avait aucun intérêt à faire cela. En ce que la
coopération en matière fiscale ne repose pas sur l'idée
d'avoir un avantage pour la fourniture d'informations mais de respecter la
législation fiscale de l'autre Etat.
Par exemple si les Seychelles refusent de divulguer des
informations sur certains contribuables en raison du fait que
l'attractivité fiscale sur laquelle est fondée sa
législation fiscale est l'un des moteurs premiers de son Economie, cette
justification n'est pas valable.
Le problème de la compatibilité entre le secret
bancaire et l'article 26 s'est très vite posé, comment est-ce
qu'un Etat peut participer à la lutte contre l'évasion fiscale
alors qu'il garde le voile sur des renseignements aussi cruciaux ? L'OCDE
est claire sur la question : le secret bancaire n'est pas incompatible
avec cet article.L'application de l'article 26 n'entraine pas l'interdiction de
garder secrets certaines données bancaires, l'OCDE distingue la
prérogative des Etats membres en matière d'informations fiscales
et la libre activité bancaire des établissements financiers.
1 : http://www.oecd.org/fr/
2 :Rapports de 2002 relatifs au Modèle de
convention fiscale de l'OCDE / Volume 8 de Questions de fiscalité
internationale/Organisation for EconomicCo-operation and
Development/Ed.OECD
Le secret bancaire est une chose mais le secret des informations
échangées en est une autres, c'est dans cette optique que le
paragraphe 3 de ce modèle dispose que : « Les dispositions
des paragraphes 1 et 2 [qui permettent l'échange d'information fiscale
entre Etats] ne peuvent en aucun cas être interprétées
comme imposant à un État contractant l'obligation :
· de prendre des mesures administratives dérogeant
à sa législation et à sa pratique administrative ou
à celle de l'autre État contractant ;
· de fournir des renseignements qui ne pourraient être
obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique
administrative normale ou de celles de l'autre État contractant ;
· de fournir des renseignements qui
révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou
un procédé commercial ou des renseignements dont la communication
serait contraire à l'ordre public.
On peut déclarer que cette pondération entre «
échange d'information » et « respect de la souveraineté
des Etats » pose le coeur du problème des législations
offshore en ce que c'est la porte ouverte aux problèmes de
l'évasion fiscale, en effet un contribuable que l'on accuse de
s'être fiscalement évader de ses obligations nationale, pourra
toujours invoquer le respect de la législation interne des Etats, alors
que la défense de l'Etat duquel ressort le contribuable
évadé ne manquera pas d'alléguer contre ce dernier les
informations qu'il aura obtenu suite à l'échange
d'information.
L'avis à part entière du GAFI sur
les territoires non-coopératifs :
Le GAFI1 qui émane du G7 a lié paradis
fiscal et « les haut-lieux de la fiscalité
offshore » au blanchiment de capitaux et de fraude fiscale, en ce que
cela serait dans ces localités que se dérouleraient
principalement ces opérations. Ainsi il découle de cette
tendance, certains critères se retrouvent dans la plupart des paradis
fiscaux :
· Des réglementations financières qui ne sont
pas complètes et qui présentent des vides juridiques notamment en
matière fiscale qui permettent de monter des
« mécanismes fiscaux offshore illégaux ».
· Des entraves présentent dans d'autres secteurs des
réglementations pas uniquement financières mais aussi
juridiques.
1 : Le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme/ Geert Delrue/ Maklu, 2012
· Des entraves qui peuvent ou non être volontaires
à la coopération internationale sacralisée par
l'OCDE ;
· Aucune prévention n'est en place pour lutter contre
le blanchiment d'argent.
L'on comprend que ces ETNC se caractérisent par une sorte
de sous-réglementation notamment en matière fiscale, ils
apparaissent donc comme étant être les pays où les
législations offshores sont les plus « pointues » ou du moins,
les plus« permissives ».
Le pragmatisme du FMI dans son approche des
ETNC1 :
Pour sa part, le FMI donne une définition plus pragmatique
de ces ETNC en ce qu'ils se caractériseraient par des
éléments que l'on retrouverait tout le temps dans la
problématique de l'évasion fiscale par les législations
fiscales offshore. Pour le FMI cela serait un Etat où «
l'essentielle des activités du secteur de la finances ont un
caractère extraterritorial » ... « les transactions sont
ordonnées depuis l'étranger et la majorité des
entités impliquées sont contrôlées par des
non-résidents ».
Dans cette étude internationale de l'impact des
législations offshores le rapport du G20 tenu à Londres en avril
2009 est exhaustif sur la question car il synthétise les avis des
différents organes internationaux.
En effet, ce G20 a marqué un tournant dans
l'appréhension des ETNC car dans la nouvelle optiques du G20 il n'est
plus question d'une comparaison du taux d'imposition plus bas ou plus
élever d'un pays à un autre, mais il convient de se focaliser sur
le problème de l'échange d'information. Selon l'avis du G20 les
chiffre ne sont pas probant c'est le critère téléologique
qui prime, si un Etat n'a pas envie de délivrer certaines informations,
sa non-coopération montre qu'il est légitime de le
considérer comme étant suspect.
Il semblerait donc que la définition d'une
législation offshore ne se fonderait plus sur des critères
intrinsèquement techniques et matériels mais plutôt sur
l'attitude d'un Etat à fournir ou ne pas fournir les informations des
contribuables.
Les organes internationaux mettent en oeuvre des dispositifs,
des accords et des listes servant aux Etats pour les aider à lutter
contre l'utilisation frauduleuse des dispositifs offshores, mais le droit
interne des Etats présente aussi des spécificités qui
visent aussi à lutter contre cette évasion fiscale, l'article 238
A du CGI français en est un exemple.
1 : FMI, « Offshore financial centres »/
www.imf.org/
B. L'angle national : l'Article 238 A
CGI
Cet article met en place une limite à la stratégie
des entreprises consistant à déduire des bénéfices
industriels et commerciaux de l'activité française des
éléments de production émanant d'une autre activité
à l'étranger, et plus précisément dans un paradis
fiscal. Il est l'un des articles phares avec l'article 209B en matière
de lutte contre l'évasion fiscale par les dispositifs offshore.
Ainsi, selon l'article 238 A CGI1 ces
éléments de productions prennent diverses formes cela va des
intérêts, arrérages et autres produits des obligations aux
redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets
d'invention. A partir du moment où ces éléments
proviennent d'un paradis fiscale et qu'ils ont vocation venir réduire
l'assiette fiscale de l'imposition française, ces derniers sont exclus
de toute déduction.
Une nuance est tout de même présente au sein de cet
article, en effet on peut lire que « ne sont admis comme charges
déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le
débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent
à des opérations réelles et qu'elles ne présentent
pas un caractère anormal ou exagéré ». La
preuve incombe au dirigeant d'entreprise qui doit justifier que les charges
qu'il veut déduire de ses bénéfices sont réelles et
existant et que cela participe effectivement à la stratégie
comptable de l'entreprise. Ce que sous-tend cet article c'est avant tout le
caractère fictif de la déduction, et comme dans toutes les
dispositions du CGI qui visent à lutter contre l'évasion fiscale,
ce qui est prohibé est l'utilisation détournée des
législations offshores.
Cet article du CGI repose sur des situations factuelles qu'il
convient d'apprécier au cas par cas, c'est-à-dire que le
législateur ne peut pas disposer que toutes les déductions
provenant de tel ou tel pays à fiscalité
privilégiée sera impossible. Il est clair que si un contentieux
se produit sur cette question il reviendra au juge d'apprécier
souverainement la preuve que le dirigeant d'entreprise apporte pour montrer sa
« bonne foi » dans l'utilisation d'une législation
offshore.
Néanmoins, un objectif phare ressort de cet article :
la prohibition des transferts de bénéfices dans les paradis
fiscaux, cette prohibition est déjà mise en oeuvre dans le cadre
de l'article 57 du CGI où la question du transfert indirect des
bénéfices est appréhendée.
1 :BOFIP : BOI-BIC-CHG-80-10 n°160, 12-09-2012
Le fait de faire référence à plusieurs
articles du CGI qui se trouvent dans des parties disparates au sein de ce code
nous montre que les dispositions relatives à la lutte contre
l'utilisation abusive des législations offshores sont présentent
à divers endroits dans le Code témoignant de l'esprit du
législateur. Il n'y a pas de cantonnement du législateur à
un seul article.
Il découle de ces articles qu'une comparaison entre la
fiscalité lourde d'un Etat d'origine et le paradis fiscale des ETNC est
nécessaire, même si le législateur et l'OCDE ne mettent pas
évidence cette étape.
1. Comment faire la comparaison de législations entre la
législation fiscale française et la législation fiscale
étrangère ?
Cette comparaison entre les deux législations fiscales se
fonde sur quatre règles que suivra à la fois le
législateur dans l'élaboration de ces textes mais aussi le juge
lorsqu'il aura à régler un conflit mettant en jeu cette
inévitable comparaison :
Première règle : Des
impositions générales :
La comparaison1 s'applique à des impositions
générales par exemple il s'agira de comparer l'assiette de
l'impôt sur les sociétés, la comparaison ne consistera en
aucun cas à comparer des déductions spécifiques, comme il
est précisé à l'article 238 A CGI. Cette règle
traduit le fait que dans les législations étrangères, on
ne retrouvera pas forcément les mêmes formes de
bénéfices tels que les « intérêts,
arrérages et autres produits des obligations,... ».
Il convient de préciser que le rapprochement d'impositions
spécifiques fondées sur les bénéfices, n'est pas en
réalité l'esprit de cet article car les précisions
apportées par le législateur ne sont qu'à titre
informatifs. En effet, l'application de cet article à la lettre
nécessiterait une lourde recherche dans la législation fiscale
des pays à fiscalité privilégiée ce qui
entrainerait une indispensable fourniture d'informations par ces Etats ce qui
n'est pas chose aisée étant donné que la plupart de ces
Etats sont des ETNC.
Deuxième règle : L'Article 238
A n'est pas un régime d'imposition distinct :
L'application de l'article 238 A du CGI n'est pas un
régime d'imposition à part entière1 en ce sens
que l'Administration fiscale peut se fonder sur cet article pour
procéder à une imposition qu'elle estime légale. Il s'agit
là d'une disposition relative à un cas éventuel
correspondant au cas de la fuite des capitaux vers l'étranger tendant
à la réduction de l'assiette.
Il en découle de phases si l'Administration
désire imposer des bénéfices qu'elle estime licite :
constater le manquement de l'article 238 A et ensuite procéder à
l'imposition comme si ces bénéfices avait été
localisé en France.
1 : BOFIP : BOI-BIC-CHG-80-10 n°170, 12-09-2012
Troisième règle : Porter sur
des impôts de même nature :
La comparaison qui est faite est faite globalement car elle ne
doit s'appliquer qu'à ceux des impôts dont relèverait ou
auxquels est assujetti le bénéficiaire. La comparaison est
d'espèce, elle se fait au cas par cas et selon les revenus ou
bénéfices dont il est question.
A titre d'exemple2, on prendra celui de la comparaison
qui devra être effectué en matière d'impôt sur le
revenu : il faudra analyser le montant de l'impôt sur les revenus en
France et le montant de l'impôt sur les revenus dans le paradis fiscal.
Quatrième règle : Tenir compte,
s'il y a lieu, de l'existence de régimes fiscaux particuliers
:
Cette règles est le fait que l'Administration fiscale se
devra dans tous les cas être consciente que des règles
particulières existent dans les systèmes fiscaux
étrangers, et qu'elle devra s'y conformer.
Elle devra dès lors opérer un tempérament
dans l'appréciation de ce qui est ou non constitutif d'une
évasion fiscale. Par exemple, elle devra se conformer au fait que
certains Etats disposent de taux d'impositions très faibles en raison de
leur politique économique tournée vers le tourisme1
(cf : Section 2 : L'identification du paradis fiscal permettant
l'élaboration d'un mécanisme offshore / Paragraphe 2 : Les vrais
« faux » ou faux « vrais » paradis fiscaux)
En ce qui concerne les justifications de l'administration lorsque
cette dernière décide de procéder à une
l'imposition sur le fondement de l'article 238 A du CGI, ces
éléments justificatifs doivent se fonder sur la comparaison des
systèmes fiscaux dont il a été question jusque ici,
c'est-à-dire que l'Administration doit montrer qu'il y a bel et bien une
inégalité d'imposition en sa défaveur.
Ces éléments sont indispensables au juge en cas de
litige car ce dernier rendra sa décision à partir de
l'instruction, l'on citera dès lors l'Arrêt de la CAA Paris 31
décembre 19911, n° 819, 3e ch., Adibuoù
« les justifications soumises en l'espèce par
l'administration procédaient, selon les conclusions du commissaire du
Gouvernement, d'informations générales sur le système
fiscal des Antilles Néerlandaises, à l'exclusion de toute
donnée propre à la situation du bénéficiaire des
rémunérations pour la période en litige. Elles ne
permettaient pas d'écarter l'existence d'un régime fiscal
privilégié ».
Cet arrêt nous montre que l'Administration s'est
fondée sur des justifications générales relatives à
la comparaison entre les deux systèmes fiscaux, dès le
régime fiscal privilégié est existant.
1 : CAA Paris 31 décembre 19911, n° 819, 3e
ch., Adibu
2 :BOFIP : BOI-BIC-CHG-80-10 n°230,
12-09-2012
2. Comment apprécier l'importance de l'écart
constaté entre les deux législations fiscales ?
Il faut absolument tenir compte des différences qui
existent entre les différents régimes fiscaux2 tant au
regard de l'établissement que de l'assiette de l'impôt.
La réputation d'« État-refuge » ou de
« paradis fiscal » attribué à certains pays
étrangers ou territoires n'est pas fondée uniquement sur le
faible niveau de leur fiscalité, mais également sur des
considérations d'ordre économique, financier et politique. Il
découle de cette constatation que l'article 238 A du CGI n'a pas pour
vocation d'établir des normes applicables en n'importe quelle
circonstances, mais seulement des guides permettant de reconnaitre la
présence d'un régime fiscale privilégié.
Le fait que la charge de la preuve incombe au dirigeant
d'entreprise1 lorsqu'il est soupçonné d'évasion
fiscale et qu'il tombe sous le coup de l'article 238 A CGI, n'est pas
constitutifd'une discrimination prohibée par les stipulations
combinées des articles 14 de la convention européenne des droits
de l'Homme2 et 1er du premier protocole additionnel à cette
convention. L'on comprend dès lors que le droit de l'union
européenne ne peut venir interférer avec les dispositions
internes de lutte contre l'évasion fiscale.
En droit interne, les critères relatifs à la
détermination de pays à fiscalité privilégié
sont sensiblement différents par rapport à ceux utilisés
au niveau international, certaines pratiques jurisprudentielles nous permettent
de dégager des exemples concrets.
A titre illustratif on prendra l'exemple2 d'une
personne physique mariée ayant deux enfants à charge et ayant un
revenu net global de 75 000 € est redevable d'un impôt personnel sur
le revenu d'un le montant est inférieur de plus de la moitié
à celui qu'elle aurait à supporter en France pour la même
base taxable, ceci témoigne bien d'une évasion fiscal au sens du
Conseil d'Etat;
1 : CAA Lyon 7 mai 2008 n° 05-646, 2e ch., SARL
Production métallurgique de Bourgogne
2 : BOFIP : BOI-BIC-CHG-80-10 n°250,
12-09-2012
3 : BOFIP : BOI-BIC-CHG-80-10 n°260,
12-09-2012
La Direction des législations fiscales3
disposent d'un rôle conséquent en matière
d'interprétation de l'article 238 A du CGI en ce qu'elle peut intervenir
en cas de difficultés liées à la détermination d'un
régime fiscal. En effet, les dispositions de la loi peuvent susciter des
interprétations à la fois restrictives (dans le sens de certains
paradis fiscaux) ou extensives dans le sens d'autres paradis fiscaux. Le but
est d'avoir une interprétation harmonisée de ce que l'on entend
par : « les personnes sont regardées comme soumises
à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le
territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles
y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou
les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié
à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les
revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de
droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées
ou établies. »
Le Conseil d'Etat n'émet donc pas un jugement arbitraire
en ce qui concerne la qualification de paradis fiscal, il est aiguiller par
l'interprétation de cet organe administratif qui a notamment pour
mission d'assurer la conduite des relations fiscales internationales.
Des difficultés sont apparues concernant la preuve qui est
apportée par le dirigeant pour prouver que le recours aux
mécanismes offshores était tout à fait normal dans le
cadre de sa stratégie comptable. En effet, le Conseil
d'Etat1a jugé que la redevance versée par une
société française à une société
établie en Suisse (Zizers), égale à 3 % du montant des
achats de matériel agricole faits à une société
allemande, à titre de rémunération des frais
d'études et de lancement de fabrication exposés par la
société suisse pour adapter le matériel agricole
fabriqué par la société allemande aux besoins du
marché français, dès lors que la société
française apporte la preuve de la réalité des prestations
de services fournies par la société suisse et du caractère
normal du prix qu'elle a payé, il n'y avait pas lieu de soumettre cette
entreprise française à l'article 238 A du CGI, puisque l'objectif
fiscal n'était pas présent.
Le Conseil d'Etat se fonde sur le but réel de
l'opération fiscale offshore.
On retrouve dans les jurisprudences du Conseil d'Etat une
tendance continue dans le cadre de l'application de cet article à se
fier à un élément : l'inscription en
compte2. En effet, le juge va se fonder sur ce compte pour analyser
la raison pour laquelle le dirigeant d'entreprise a eu recours à une
législation fiscale offshore. La nature du compte (nominatif ou anonyme,
de dépôt ou à terme, d'épargne ou compte courant)
n'est pas à prendre en considération, ni la nature des
instruments monétaires comptabilisés.
Cela n'est pas sans nous rappeler le rôle important que
jouent les banques dans le cadre de la coopération des Etats en
matière d'échanges d'informations. Ce sont elles qui vont fournir
la preuve des montants de bénéfices ou revenus
délocalisés.
Dans le cadre de l'application de cet article le Conseil d'Etat
pose la définition de l'établissement financier indispensable
à pleine application de la disposition en question, il s'agit de
« toute personne physique ou morale habilitée à
détenir, à titre principal ou accessoire, des biens ou valeurs
pour le compte d'autrui ». Cette définition nous permet
de comprendre que tous types de catégories de personnes physiques ou
morales peuvent être retenus : caisse d'épargne,
organismes de prêt, mais aussi toutes les personnes ayant la
possibilité d'exercer en fait cette activité : agents de
change, notaires, avocats, agents d'affaires, ...
1 :CE 27 janvier 1989, n° 58273, 7e et 9e s.-s
2 : BOI-BIC-CHG-80-10 n°310, 12-09-2012
3. Installation dans un pays à fiscalité
privilégiée
L'établissement dans un pays à fiscalité
privilégiée suppose qu'il y ait eu des relations
financières entre un Etat d'origine et un Etat de destination.
Dès lors, il est de la tâche du Conseil d'Etat, quand il est
confronté à ce type d'espèce de trancher la question en
décidant s'il y a lieu ou non réintégrer les montants en
question.
A partir du moment où le contribuable reconnait qu'il y a
derrière l'utilisation d'un mécanisme offshore une intention
fiscale, l'Administration fiscale française est totalement dans son
droit d'appliquer l'article 238 A du CGI.
Par exemple, une société localisée au
Lichtenstein1 sera sujette à la réintégration
dans les résultats d'une société ayant son siège en
France de la commission qu'elle a versée à la
société établie au Liechtenstein, dès lors qu'elle
ne produit aucun document ou justification démontrant la
réalité du service rendu.
Il faut aussi faire état du cantonnement de l'article 238
A du CGI2qui ne concerne uniquement que certains versements faits
à destination de pays à fiscalité
privilégiée.
Le Conseil d'Etat met en exergue l'interprétation
restrictive qu'il convient de faire de cet article.
En effet, seuls les versements effectués sur des comptes
tenus par des organismes établis dans des pays à fiscalité
privilégiée peuvent être remis en question, il n'y a pas
lieu de s'interroger sur les conditions d'installation de ces
sociétés dans ces pays (siège, établissement ou
agence).
Il en découle que cet article n'a qu'une vocation
financière.
La commission départementale des impôts3
peut être saisie en cas de litiges entre l'Administration et le
contribuable, mais la charge de la preuve n'incombera jamais à
l'Administration, cela sera toujours au contribuable de prouver l'intention
non-fiscale de son opération offshore, lorsque l'administration a remis
en cause la déduction d'une charge sur le fondement de l'article 238 A
du CGI.
1:CE 22 février 1989, n° 71593, 7e et 8e s.-s.,
CO Plan
2:BOI-BIC-CHG-80-10 n°340, 12-09-2012
3:TA Rouen 14 mars 2002 n° 97-1741, 3e ch.,
Sourdeix
Le recours aux mécanismes offshore dans une optique
purement fiscale est constitutif de difficultés que les organes
internationaux et nationaux ont essayé de surmonter.
Mais le fait est que comme les auteurs le font remarquer un
paradis fiscal n'est pas synonyme d'illégalité. Il existe une
frontière ténue entre l'optimisation et l'évasion, et
entre l'illégal et le légal. C'est en cela que la portée
de la problématique des législations fiscales offshores se fonde
sur la volonté d'optimiser au maximum les bénéfices et
revenus tout en restant de le légal et sans franchir la frontière
et basculer dans la fraude fiscale.
|