Paragraphe 1 :L'impact des législations offshore sur
la société et l'économie :
1 : Internal Revenue Service / www.irs.gov / Site de
l'agence gouvernementale des Etats-Unis
Le recours aux mécanismes fiscaux
offshores est certes le fruit de l'internationalisation des échanges
mais pas seulement, avant la mondialisation, l'on retrouve les prémices
de ce types de stratégie jusqu'à l'époque Antiques.
Certains auteurs justifient cette utilisation par la nature humaine de toujours
vouloir payer moins d'impôts, de telle sorte que le développement
des liens économiques à l'international n'a fait
qu'accroître le risque d'évasion fiscale.
A. Emergence historique de la « fiscalité
offshore » :
Les recherches dans les législations fiscales
archaïques nous amène à nous rendre compte que la
résistance face à l'imposition est une chose inhérente au
concept de l'impôt.
Il suffit de remonter à l'Âge de bronze1
ou aux romains pour voir que les commerçants tentaient
déjà d'échapper aux taxes portuaires, l'on citera
l'exemple du port de Délos qui fut proclamé port libre et devint
très vite le centre de commerce et d'échanges entre l'Orient et
l'Occident, émergea dès lors l'idée de
« l'extraterritorialité fiscale », cette vision
propre au domaine maritime et portuaire de l'époque n'a
été que le début de la volonté d'échapper
à l'impôt qui a donné naissance aux « pays
à fiscalité privilégiée ».
En avançant un peu plus dans l'histoire de la
« fiscalité offshore », on s'arrêtera
au Moyen-Âge et à la couronne d'Angleterre. Dans ce régime,
il était traditionnel que la Couronne contrôle les Finances et
l'ensemble des impôts. Les îles anglo-normandes font partie du
duché de Normandie et constituent aujourd'hui l'une des places
financières de l'offshore incontournable.
Ces îles, sont gouvernées en tant que biens
distincts de la couronne anglaise. Les juridictions distinctes de Guernesey,
Jersey, Aurigny et Sercq sont encore toutes des fiefs subordonnés du
duché, et n'ont jamais été fusionnées, après
la perte de la majorité de la Normandie en 1204 par le roi Jean. Il n'en
reste pas moins que c'est aujourd'hui la Grande-Bretagne appartenant à
l'UE, qui les contrôle solidement, ce qui peut avoir un impact sur le
possible statut de « pays fiscalité
privilégié » et l'inscription des îles dans la
liste des Etats non-coopératifs (cf.B) L'internationalisation des
échanges appréhendée par le GATT et l'OCDE.
La question aujourd'hui est donc celle de savoir si c'est la
réellement la Grande-Bretagne qui contrôle ces îles, mais la
conclusion est la suivante: ces îles britanniques (l'Île du Mans
avec une histoire fiscale mouvementée du fait de régimes
juridiques successifs et disparates) ont un régime juridique distinct et
constituent une place financière de l'offshore en raison d'une
fiscalité plus que légère.
1 : J-B GEOFFROY, Grands problèmes
fiscaux contemporains,Paris, décembre 1993
Aujourd'hui l'île de Man a acquis une règlementation
locale symbolique et distincte: sur cette île il n'y a pas d'imposition
sur les bénéfices comme l'on aurait en France ou d'imposition sur
la cession du capital et en dehors de la TVA à 17,5%, la seule
évolution significative en matière fiscale concerne l'impôt
sur le revenu qui est de 18% au maximum et ne correspond pas aux fonds issus de
l'investissement offshore.
Dans les cas respectifs de Gibraltar et Malte, une histoire
complexe et changeante d'allégeance etde formes diverses
d'indépendance juridique leur a permis de développer des centres
financiers offshore et des régimes d'impositions faibles.
A la fin du Moyen-Âge, la notion de paradis fiscal se
démocratise et cette notion d'imposition inégale fondant les
paradis fiscaux entre dans les moeurs.
On citera à titre d'illustration le Lichtenstein qui
dès les années 1920 aessayé d'attirer les investissements
étrangers par le biais d'une législation offshore en
matière de Fiducie, c'est de la même manière que les
Bermudes durant les années 1940, peu avant la seconde guerre mondiale
ont développé une législation offshore attractive (cfB.Le
retrait injustifié des Bermudes de la liste des Etats non
coopératifs).
La période d'avant et d'après-guerre se
caractérise par une politique fiscale totalement différente en ce
qu'avant la guerre les pays évitaient à tout prix l'impôt
individuel, mais après la guerre, la reconstruction des Etats en ruine
à nécessité d'importants fonds et moyens de rapporter de
l'argent en plein marasme économique, le plan Marshall en a
été un, mais la fiscalité en a été un
autre.
Dès lors, devant "le matraquage fiscal" de l'après
seconde guerre mondiale se déroulant dans les pays en reconstruction au
premier rang desquels se situait la France, "les pays à fiscalité
privilégié" ont très vite trouvé une fonction
primordiale dans l'investissement et la finances internationale. Mais le fait
de voir l'assiette fiscale se réduire d'année en année
suite à la fuite des capitaux n'a pas échappé aux Etats en
question, ce qui a entrainé un durcissement considérable des
législations fiscales relatives à l'évasion fiscale.
L'après seconde guerre mondiale1 est
l'époque où les pays à fiscalité
privilégié mettent tout à oeuvre pour attirer les revenus
sur leur territoire et cette stratégie passe par la création de
sociétés atypiques, produit dérivé de la
fiscalité offshore.
1 : Historique des sociétés
offshore : http://www.societeoffshore.fr/historique-societeoffshore
Les IBC (International Business Company) sont un type de
société offshore représentant l'exemple type de
sociétés ayant pour but de localiser les bénéfices
de sociétés ayant leur activité dans les pays à
fiscalité lourde. Ce type de sociétés a vu le jour dans
les années 1980 et sont aujourd'hui reconnues et sont beaucoup
usées aux Seychelles par exemple. Cela était bien
évidemment très attractif pour les entreprises et les
sociétés étrangères. Les premiers centres
financiers offshores à accueillir des IBC ont été
Gibraltar et certains centres financiers offshores des Caraïbes comme les
Bahamas et les Îles Vierges Britanniques.
Certains estiment que les jours de ces sociétés
sont comptés en raison de leur intérêt qui est clairement
établi: éviter de payer le moins d'impôt possible sur les
bénéfices, or ce motif correspond au critère des pays
à fiscalité privilégié fustigé par la France
dans son CGI.
L'histoire du développement des paradis fiscaux et du
recours aux mécanismes offshores afin d'optimiser ses revenus en payant
moins d'impôt s'ancre dans un contexte d'internationalisation de
l'échange qui à amener les organismes internationaux à
prendre des mesures en la matière.
B. L'internationalisation des échanges
appréhendée par le GATT et l'OCDE:
Le GATT (General Agreement on Tarifs and Trade) est sans nul
doute l'accord qui a permis le développement indirect des
mécanismes fiscaux offshore.
Si l'on dit que ce développement s'est fait de
manière indirect c'est parce que le GATT a avant tout eu un rôle
en matière de commerce international, cet accord a permis la
construction de zone de libre-échange telle l'AELE ou l'ALENA unissant
le Canada, les USA, et le Mexique.
Le GATT a contribué a notamment contribué à
la multinationalisation des entreprises et à un certain
"démembrement" des sociétés à l'international. Cela
signifie qu'une entreprise peut exercer son activité dans un certain
pays puis localiser ses bénéfices dans un autre, et dès
lors être soumis à deux législations totalement
différentes.
Dès lors, les entreprises ont très bien compris que
face au développement du commerce international se cacher un potentiel
d'optimisation fiscale par le biais du recours aux législations fiscales
d'autres pays, dans le but de faire toujours plus de bénéfices.
En réalité le but n'est pas de faire plus de
bénéfice mais avant de garder le maximum de
bénéfices pour en distribuer plus aux associés.
L'activité "internationalisée" de ces entreprises
à eu un impact qui relève de la conséquence normale et
logique du rôle du GATT1, cet impact s'est avant tout fait
resentir sur la réglementation et la législation en vigueur dans
les Etats.
En effet, on citera l'exemple de la France et de ses fameux
article 209 A et 208 B qui n'auraient jamais vu le jour sans cette
mondialisation. Il est donc important dans le cadre de notre étude des
mécanismes fiscaux offshore de mettre en évidence la liaison
entre fiscalité et commerce international alimenté par un
l'unique but: l'optimisation fiscale des échanges.
C'est également dans ce contexte internationalisé
que les revenus peuvent subir diverses taxations qui vont amener le
bénéficiaire de ces revenus à localiser ses revenus dans
le pays où la fiscalité y ait moins rigoureuse. Cela est
justifié par le fait que les revenus peuvent être taxé
à la fois dans l'Etat où l'activité a lieu, mais aussi
dans l'Etat où les revenus sont localisés, entrainant dès
lors des cas de double taxation que les conventions bilatérale tentent
de résoudre, mais parfois en vain.
On parle dès lors de double imposition
économique.
Il est important de faire le point sur ce que l'on désigne
par "pays à fiscalité privilégiée" car certains
Etats apparaissent comme étant une terre d'accueil pour les
évadés fiscaux alors que la France ne les considère pas
comme telle.
L'étude des mécanismes offshore ne peut se faire
sans l'analyse de cette notion de paradis fiscal.
La France dispose de sa propre liste de pays haut-lieu de
localisation des revenus or des pays comme la Suisse, le Lichtenstein ou
Singapour ne sont guère inclus dans cette liste, alors que le Conseil
d'Etat a eu à traiter maintes affaires de
célébrités expatriés dans ces pays ( TA Paris 7
juillet 2010 n° 06-18227, 1e sect., 1e ch., Casta)
Ces Etats ont fait l'objet d'une attention toute
particulière de la part de la France et des pays qui voient
échapper les revenus et bénéfices de leurs pays, c'est en
cela qu'est né le concept Etats et territoires non coopératifs
(ETNC), ces pays qui ont certes la particularité de ne pas être
coopératifs en ce sens qu'ils n'ont pas signé d'accords
d'échange d'informations en matière fiscale, ont aussi la
particularité de ne pas être membre de l'UE.
Ces pays sont donc soumis à la vigilance de
"l'Organisation de coopération et de développement
économiques".
1 : www.wto.org/french/docs_f/legal_f/gatt47.pdf
La non coopération se définit comme étant le
fait que ces Etats empêche la pleine application de la législation
fiscale des Etats et notamment leurs dispositifs de contrôle fiscaux
visant à rapatrier les bénéfices et revenus qui auraient
du être taxé en France.
On peut analyser cette non-coopération comme étant
une sorte de volonté de ces Etats d'aider à l'évasion
fiscale, ou du moins de faire de l'évasion fiscale un moyen pour eux de
faire tourner leur Economie.
Ce refus de coopération en matière fiscale avec les
autres Etats se caractérise par certains chiffres: on considère
qu'un Etat n'est pas coopératif s'il n'a pas signé avec au moins
douze Etats ou territoires une convention.
La particularité de la liste des ETNC c'est qu'elle est
révisée chaque année au grès des conventions qui
sont signées avec les Etats, ainsi, plus un Etat signe des accords en
matière d'échange d'informations, moins il aura de chance
d'être inscrits dans la "black list" des Etats.
La France dispose d'une liste assez représentative des
Etats à fiscalité privilégiée en 2013 seuls les
Philippines en sont sorti, par contre, et ce fut un grand étonnement
pour certains les Bermudes, Jersey et les îles vierges britanniques ont
fait leur entrée dans cette liste, mais l'étonnement se fonde
avant sur le fait que ces pays n'y était pas avant alors que comme nous
l'avons vu dans l'historique, ces pays sont historiquement reconnus comme
étant des pays à fiscalité privilégiée
(cfA.Emergence historique de la « fiscalité offshore »).
Liste des Etats black listé en 2014 par la
France
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Nauru
Guatemala
Brunei
Iles Marshall
Montserrat
Botswana
Nioue
Iles Vierges britanniques
|
Il faut savoir que dans le cadre de la détermination des
pays qui constituent une « menace » pour les pays à
lourde fiscalité c'est l'OCDE qui dirige en ce que c'est cette
organisation qui va fixer la marche à suivre pour déterminer si
un pays doit ou non être « black
listé »1.
Quatre critères sont utilisés pour
caractériser un paradis fiscal. Ces quatre critères sont :
· Impôts insignifiants ou inexistants2 ;
· Absence de transparence sur le régime fiscal ;
· Absence d'échanges de renseignements fiscaux avec
d'autres Etats ;
· Fait d'attirer des sociétés écrans
ayant une activité fictive.
Ces pays sont ensuite classés selon des listes qui
dépendent de l'intensité de la possible évasion
fiscale :
· noire (pays non coopératifs),
· grise (disent coopérer mais trainent des pieds)
· blanche (aucun problème à signaler)
La France, qui est réputée pour être un Etat
souverain tant sur le plan économique que politique a su se
caractériser sur la scène internationale par une
législation en matière d'évasion fiscale qui lui est
propres. Nous verrons plus tard quels sont les mécanismes qu'elle a su
mettre en place (Section 2 : La dimension juridique des mécanismes
offshore / Paragraphe 2 : L'utilisation des mécanismes offshore
appréhendée sous la dimension répressive).
En matière d'impôts sur les sociétés,
la France applique le principe de territorialité stricte ou restreinte.
En vertu de l'article 209 du CGI, seuls les bénéfices
réalisés par des entreprises exploitées en France entrent
dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés
français. Ainsi, la remontée de résultats
bénéficiaires ou déficitaires réalisés dans
des établissements stables situés hors de France est interdite.
De même, la remontée sous forme de crédit d'impôt
payé localement sur des bénéfices réalisés
à l'étranger n'est pas autorisée.
1 : « Stratégie fiscale internationale
» 3e édition revue et augmentée : les disparités de
cadres juridiques.
2 : http://www.sicavonline.fr
La France n'est pas le seul pays à appliquer ce principe,
d'autres pays appliquent le principe de la mondialisation des revenus comme le
Luxembourg. La France se caractérise tout de même par des
spécificités fiscales que l'on ne retrouve pas ailleurs c'est
notamment le cas des systèmes des bénéfices mondiaux et
consolidés qui, sur agrément préalable de
l'administration, constituent une exception au principe de
territorialité de l'impôt sur les sociétés.
C'est dans le cadre de cette pratique fiscale que la France se
réserve le droit de « sanctionner »
l'évadé fiscal qui use de mécanisme offshore dans l'unique
but d'éluder l'impôt.
En matière d'impôt sur le revenu, le choix
français s'est porté sur la l'imposition des revenus mondiaux.
Il advient que si unesociété française
dispose d'un établissement stable, d'un représentant agissant en
son nom et pour son compte ou qui a un cycle complet commercial à
l'étranger n'est pas imposable en France, de manière antinomique,
l'entreprise ressortissante du pays X qui a un établissement stable, un
représentant ou un cycle complet commercial à l'étranger
est soumise à l'imposition en France.
On peut donc affirmer que c'est sur ces disparités de
systèmes fiscaux que repose l'enjeu des législations
offshores.
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