Chapitre 2 : La dimension technique des
mécanismes offshores :
La dimension technique des dispositifs offshores se fonde sur le
fait que le contribuable qui a recours à ce type d'outils
spécifique se doit d'être au courant des problématiques
techniques liées à ces derniers.
Par la technicité on entend avant tout la
complexité législative qui découle du recours aux
législations offshores. Cette complexité passe par la
présence de concepts juridiques qui peuvent apparaitre comme des
obstacles au recours à te tels mécanismes, on citera la
théorie de l'abus de droit ou encore l'acte anormal de
gestion(I).
La technicité du système législatif auquel
le contribuable sera confronté dans sa recherche est fonction de la
nature du paradis fiscal dans lequel il est étable, en effet, les
« zero-haven » ou « la
théorie des vrais « faux » ou faux « vrais » paradis
fiscaux » sont autant d'éléments
nécessaires à la compréhension de l'environnement en jeu
dans le cadre de nos recherches (II).
Section 1 : Aspect juridique des structures offshores
:
La fiscalité offshore est caractérisée par
la nécessité d'opérer de perpétuelles nuances pour
savoir jusqu'où s'arrête l'optimisation fiscale. Cette limite est
une tâche ardue à déterminer de telle sorte que la simple
acquisition de biens à l'étranger peut revêtir une facette
qu'elle ne disposait pas de prime abord, ainsi, l'acquisition d'un bien occulte
à l'étranger peut être constitutive de fraude fiscale.
Paragraphe 1 :La frontière entre l'optimisation
fiscale et la finalité des mécanismes offshore :
L'avantage fiscal que peut procurer l'acquisition d'un bien
à l'étranger peut sembler légitime, mais pourtant,
l'Administration fiscale peut y voir un détournement de la
législation fiscale dans le but d'éluder l'impôt et
d'autant plus lorsque sont en jeu d'autres législations fiscales.
A. Acquisition de biens à
l'étranger
On va ici s'intéresser à la délocalisation
des biens à l'étranger dans le but de profiter d'avantages
fiscaux et les répercussions que cela a en droit fiscale
français.
1 : Cours Monsieur Laroche 1er Semestre/
Fiscalité internationale/ Master 1 droit public parcours
Fiscalité
En effet, l'acquisition de biens à
l'étranger1peut, à l'évidence être
effectuée soit de manière occulte, soit de manière «
officielle ». Dans le premier cas, l'intéressé cherche
généralement, son seulement à recueillir des revenus, qui
évidemment ne seront pas déclarés en France, mais
également à faire échapper une partie de sa succession aux
droits de mutation à titre gratuit. La seconde hypothèse concerne
la personne qui souhaite simplement, par exemple, disposer d'une
résidence secondaire à l'étranger ou de divers biens
productifs de revenus qu'il entend bien déclarer, mais on va le voir
cette volonté suscite des problématiques fiscale liée
à la fiscalité offshore.
1. Acquisition occulte de biens à l'étranger
Une personne qui acquiert un bien à l'étranger
pense toujours faire une meilleure affaire, que cela soit au niveau ou au
niveau de la fiscalité du pays où le bien est acqueri. Le fait
est que l'Administration fiscale voit d'un mauvais oeil cette pratique qu'elle
considère bien souvent comme étant faite dans un
intérêt déterminé.
On ne peut pas faire l'écueil du raisonnement
économique dans cette analyse du fait de l'esprit même de
l'opération, par exemple, l'acquisition d'un contrat d'assurance-vie
à l'étranger sera toujours faite dans un but économique,
ce but est bien souvent fiscal.
Le fait est que la perspective de réaliser un
bénéfice en bénéficiant d'un régime fiscal
offshore en acquérant ce contrat d'assurance-vie est contrecarrer par la
vision de l'Administration fiscale sur cet acte, en effet1, les
produits attachés aux contrats d'assurance vie souscrits hors de France
ainsi que les gains de cession de ces mêmes contrats sont imposables en
France comme revenus mobiliers de source étrangère.
Dès lors, les revenus des contrats d'assurance-vie se
trouvant dans cette situation seront soumis au barème progressif de
l'impôt sur le revenu (IR), sans prélèvement
libératoire possible.
Cette acquisition de biens occultes à l'étranger
afin de bénéficier d'une législation fiscale favorable est
risquée car il faut savoir que des enquêtes systématiques
sont réalisées par les services de la DGI dans les agences de
voyages, bijouteries et autres salles de ventes.
2. Acquisition « officielle » de biens
à l'étranger, les questions de la domiciliation fiscale
a. Le bien dégage des revenus :
1 : http://www.droitissimo.com/impots
La question immédiate à laquelle est soumise la
personne qui achète un bien qui dégage des revenus à
l'étranger est de savoir si ces revenus sont ou non imposables et s'il
faut les déclarer1. Cette question se pose car dans l'esprit
du contribuable ce qui est acquis à l'étranger reste à
l'étranger, et par voie de conséquence est imposé à
l'étranger.
Pour répondre à ces questions, il faut d'abord
revenir à la notion de résidence fiscale, pour envisager le sort
fiscal de ces revenus en présence d'une convention fiscale
internationale, sachant que l'application du convention fiscale internationale
suppose la constatation préalable d'une double imposition de la
même personne. Cette double imposition doit concerner des revenus
réels. Ainsi une personne qui, par exemple, est imposée dans l'un
des Etats à raison de la valeur locative de sa résidence ne peut
être considérée comme subissant une double imposition
justifiant l'application d'une convention fiscale internationale.
Le premier cas est celui où la personne peut être
considérée comme domiciliée fiscalement au sens du droit
interne des deux Etats, chacun peut donc prétendre imposer la personne
sur ses revenus. Le deuxième cas est celui où la personne ne peut
être considérée fiscalement domiciliée que dans un
seul des deux Etats mais peut tout de même être imposé dans
l'autre Etat.
Il en est ainsi de l'article 4A du CGI français qui impose
l'étranger (qui n'a pas son domicile fiscale en France) qui dispose d'un
bien productif de revenu en France. Par exemple, le belge qui dispose d'un
appartement en France estimant que la législation française lui
est plus favorable, se devra acquitter des impôts sur ses revenus
locatifs sur le fondement de l'article 4A.
La stratégie fiscale peut être la suivante : un
couple marié sous le régime de la séparation de biens
décide d'aller s'installer dans un pays (frontalier) avec l'une des deux
personnes du couple qui reste domiciliée en France et l'autre qui se
domicilie à l'étranger, de cette manière cela pourra
réduire considérablement les revenus à déclarer en
France, et notamment ceux du bien productif de revenus, et ouvrant ainsi la
voie au bénéfice d'une législation offshore plus favorable
que la législation française.
Or, cette stratégie pour les couples mariés sous la
séparation de bien semble être un leurre aux yeux de
l'administration en ce qu'elle s'attelle à exiger la preuve d'une
résidence séparée en fait, mettant en évidence la
dichotomie entre le droit et le fait, moyen de lutter contre l'évasion
fiscale internationale. L'administration exige notamment que soit
montrée la preuve simultanée de la séparation de bien et
l'absence de communauté de vie.
b. Le bien ne dégage pas de revenus :
A priori, l'on pourrait penser que cette personne ne supportera
aucune imposition notamment si elle acquiert, par exemple, une simple
résidence à l'étranger sans pour autant la donner en
location. Dès l'instant où celle-ci ne lui procure aucuns
revenus, elle ne générera pas d'impôt sur les revenus.
Cependant pour obliger1 la personne à
participer au financement des charges communes, la plupart des
législations fiscales des Etats comportent des dispositions qui
permettent à ceux-ci d'imposer le contribuable sur la valeur locative de
la ou des résidences situées sur son territoire, c'est le cas
pour la France au travers de son article 164 C du CGI, en ce que la personne
domiciliée à l'étranger qui détient en France d'une
résidence sans posséder de revenus reste imposable en France sur
trois fois la valeur locative, la personne qui désire donc avoir une
résidence secondaire en France, voyant là une sorte de
législation offshore doit être avertie.
Ce type de dispositions2 peut paraitre arbitraire,
mais la législation fiscale française et ainsi faite, on peut y
voir là un trait obscur de la législation fiscale
française, mais comme nous le savons l'appréciation du
privilège fiscal est sujette à mûre
réflexion et à des analyses qui sont fonctions de la
personne qui la fait (on citera l'exemple du régime fiscal de faveur
présent en France pour les groupes qui peut apparaitre comme un
privilège fiscal, alors que pour certains auteurs c'est tout le
système fiscale français dans son ensemble qui est complexe.
La frontière entre l'optimisation fiscale et la
finalité des mécanismes offshores est sujette à
l'interprétation prétorienne lorsque des litiges interviennent
dans le cadre de la détermination de cette frontière
ténue. Il convient dès lors de comprendre où est la
distinction entre optimisation et évasion fiscale après pris
connaissance dans le cadre de ces recherches des législations fiscales
applicables et des mécanismes offshores possibles.
B. La distinction entre optimisation et évasion
fiscales : une définition juridique des concepts
indispensable :
Dans les deux cas : à la fois dans le cadre de
l'optimisation et dans l'évasion fiscale, la quête est la
même : la réduction maximale de l'imposition.
Ces deux notions ont pour particularité d'être des
concepts qui ne sont l'objet d'aucune dénotation, or, il est très
ardue de comparer deux éléments qui ne sont pas
définissable. En effet, les seules définitions possibles
résultent d'une réflexion qui parfois n'aboutit à rien de
concret.
Une normalisation de ces concepts est requise en ce sens que l'on
ne peut fonder la commission d'une fraude fiscale alors qu'au préalable
aucune définition légale n'est faite.
a. La distinction doctrinale des deux notions :
L'analyse jurisprudentielle nous permet de dégager les
principales caractéristiques de ces deux concepts
1 : « Les Chantiers fiscaux à
engager », édition l'Harmattan, Thierry Lambert, 2002 /
2 : www.senat.fr /
3 :www.etudes-fiscales-internationales.com/evasion-fiscale-inte/
· Optimisation fiscale :
L'optimisation fiscale est relative pour certains auteurs
à l'habileté et l'intelligence du contribuable de faire sienne la
législation afin que celle-ci la serve. Dans le cadre de notre
étude, il s'agirait donc d'avoir recours aux législations
fiscales internationales pour pouvoir tirer un bénéfice de
l'assujettissement à ces dernières.
Cette notion est, en principe, acceptée par à peu
près tous les Etats et ses conséquences, licites, sont
également reconnus. En France, il est de jurisprudence constante qu'en
présence de deux techniques juridiques dont la finalité est
identique, il est licite d'opérer un choix en fonction de la
fiscalité. En d'autres termes, entre deux solutions qui emportent les
mêmes effets juridiques, le contribuable est en droit de choisir celle
qui minimise sa charge fiscale.
· La fraude fiscale :
La fraude fiscale est la violation de la loi fiscale afin de ne
pas se soumettre aux charges fiscales qui incombent normalement au
contribuable. La fraude fiscale présente deux aspects que l'on retrouve
souvent dans le domaine juridique : c'est l'aspect matériel en ce
sens qu'il y a une violation matérielle de la loi, mais aussi l'aspect
intentionnel.
Cet aspect se caractérise par le fait que la violation
doit être conduite en connaissance de cause, le contribuable qui commet
une telle violation le fait avec la conscience de le faire, et la
volonté délibérée.
La fraude fiscale se rapproche clairement de la faute
pénale, or le juge ne peut la qualifier en tant que telle.
· L'évasion fiscale :
La notion d'évasion n'existe pas en droit fiscal ou civil
français, l'expression évasion fiscale est ambiguë. Son sens
général est l'évitement de l'impôt en
déplaçant tout ou partie d'un patrimoine ou d'une activité
vers un autre pays (l'expression paradis fiscal étant alors
fréquemment présente à proximité), sans que le
citoyen concerné s'expatrie lui-même (ce serait alors une
expatriation fiscale).
L'évasion fiscale représente donc une zone grise
entre optimisation et fraudes fiscale, c'est l'objet de nos recherches.
b. Des distinctions sources de confusion :
1 : « Rapport de l'OCDE 3OECD Publishing, 25
avr. 2006
On remarque une vision homogène sur la notion de fraude
fiscale : elle constitue une infraction ou un crime dans la majeure partie
des Etats. Concernant les notions d'optimisation fiscale et d'évasion
fiscale l'homogénéité de la notion n'est pas de mise.
La particularité intrinsèque des deux notions
hétérogènes quant à leur vision selon les Etats est
qu'elles se fondent toute deux sur la légalité, en ce sens que
les opérations dont il est question ne sont pas déclarées
illégales par la loi.
C'est l'intention du contribuable qui les distingue : on oppose
alors l'ingénierie au montage. Une telle distinction repose cependant
sur l'interprétation des Etats et des administrations fiscales. Elle
introduit, dès lors, un élément de subjectivité qui
met à mal la sécurité juridique des opérations.
Les Etats devraient plutôt rechercher l'intention du
législateur dans l'exposé des motifs de la loi et condamner les
opérations qui y seraient contraires, sans tenir compte de l'intention
du contribuable.
La distinction entre fraude et évasion fiscale n'est pas
clairement définie, et apparait abstrait. Pourtant, le BOFIP dispose
clairement que l'article 1741 du code général des
impôts (CGI) vise quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a
tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement
ou au paiement total ou partiel de l'impôt.
La distinction entre les deux notions apparait d'autant plus
subjective que les Etats confrontés à la question des
législations fiscales offshores tentent de faire un amalgame entre les
deux notions, ce qui laisse une marge de manoeuvre plus importante pour les
administrations fiscales. La Suisse qui est un haut-lieu de l'évasion
fiscale comme nous avons pu le voir au cours de nos recherches à
l'inverse d'autres Etats a toujours eu la rigoureuse intention de distinguer
les deux notions.
L'appréciation de ces deux notions au niveau
international a été réalisée par L'OCDE qui propose
dans son glossaire des termes fiscaux les définitions suivantes.
(taxevasion ou taxavoidance), et de fraude fiscale
(taxfraud)
· Evitement (Avoidance) : La traduction de
l'anglais au français n'est pas unanime mais tous les auteurs
s'accordent à dire qu'il s'agit bel et bien d'un contournement de la loi
fiscale visant à réduire la charge fiscale due par le
contribuable.
· Evasion (Evasion) : La traduction est unanime, il
s'agit du non-paiement de la charge fiscale qui est due.
· Fraude (fraud) : la fraude fiscale est une forme
délibérée d'évasion qui revêt
généralement un caractère pénal. Ici, il y a une
notion en plus qui est celle de la violation.
La détermination de la frontière entre
l'optimisation fiscale et l'évasion fiscale est un passage
incontournable dans le cadre de l'étude des dispositifs fiscaux
offshores, elle est importante dans le cadre de la compréhension de la
dimension technique de ces mécanismes. Il découle de cette
technicité un impact jurisprudentiel au rang desquels nous rangerons la
théorie de l'abus de droit et la lutte contre la concurrence fiscale
dommageable au sein des groupes.
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